Publié en septembre dernier, l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est sans équivoque. Il rappelle que l’obligation légale d’éducation à la sexualité est très peu respectée en France et qu’il est essentiel d’accompagner les jeunes sur cette question, dès le plus jeune âge.
En France, l’éducation à la sexualité (EAS) a été rendue obligatoire à l’école en 2001, à raison de trois séances annuelles pendant la totalité de la scolarité de l’élève. Malgré cette obligation, toutes les enquêtes menées sur le sujet, notamment le rapport rédigé par l’Inspection générale de l’éducation du sport et de la recherche (Igers) en 2021, montrent que cet engagement n’est pas respecté : dans les faits, moins de 15 % des élèves en bénéficient.
Une situation que dénonce un avis récent du Conseil économique, social et environnemental (Cese) consacré à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars).« Vouloir les en [l’éducation à la sexualité, ndlr] “protéger”, en particulier à l’école, précise ainsi l’avis, c’est souvent les laisser seuls avec leurs questionnements, sachant, par exemple, qu’ils et elles seront exposés à des images pornographiques sur un téléphone portable avant l’âge de 10 ans. Il est indispensable de les accompagner. »
L’Evars, c’est quoi ?
Comme l’explique Cécile Gondard-Lalanne, corapporteuse de l’avis, « l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est une démarche transversale et progressive qui permet à l’enfant, tout au long de son développement, d’apprendre à se connaître, à connaître les autres et à construire des relations permettant d’aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes ».
Telle que définie par le ministère de l’Éducation nationale, l’Evars comporte trois volets de même importance : les dimensions affective, relationnelle et sexuelle. L’éducation affective se concentre sur le développement du lien de confiance entre une personne et son environnement, générant la confiance en soi. L’éducation relationnelle aborde les relations interpersonnelles ainsi que l’égalité entre les individus, les stéréotypes de genre et la prévention des violences sexuelles. L’éducation sexuelle englobe divers aspects de la sexualité et de la santé sexuelle.
Plus large que l’éducation à la sexualité (EAS, sigle de référence et historique) – qui est encadrée depuis 2001 par le code de l’éducation (loi Aubry du 4 juillet 2001) –, l’Evars se conçoit comme une éducation à une citoyenneté complète promouvant des relations affectives saines, l’impératif de consentement, la reconnaissance des orientations sexuelles et des minorités de genre, et la lutte contre les inégalités.
L’avis du Cese insiste sur le fait que l’Evars est « avant tout une éducation à l’égalité qui déconstruit les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires entre les individus ». Et ce, dès le plus jeune âge, l’avis précisant que c’est dès l’enfance qu’il faut apprendre le respect de l’autre et de son intégrité physique. Alors que les violences sexistes et sexuelles, LGBTphobes, ou que les suicides d’adolescents et d’adolescentes harcelés font trop régulièrement la une des journaux, le Conseil met en avant « l’importance du respect de soi et d’autrui, de l’égalité entre les individus et de la compréhension mutuelle ».
L’Evars a également pour objectif de promouvoir la santé sexuelle, selon la définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité ».
Les recommandations du Conseil
Soulignant à quel point la loi de 2001 reste mal appliquée, le Cese invite les institutions à s’en emparer, estimant que tous les espaces accueillant des enfants devraient être impliqués (l’aide sociale à l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse, le secteur du handicap, les accueils collectifs de mineurs, dont les clubs sportifs, etc.). Pour le Conseil, la clé d’une Evars efficace passe par la formation des acteurs en contact avec les jeunes, dans tous les domaines.
Dans son avis, le Cese met également l’accent sur les familles, qui représentent le premier espace où se développent les violences éducatives ou sexuelles et où se forgent les normes sexistes et les stéréotypes de genre. Il est donc indispensable de sensibiliser les parents aux droits de leurs enfants, notamment à l’intimité et à la vie privée, mais aussi de les accompagner sur la manière d’évoquer les dimensions affective, relationnelle et sexuelle.
Attentif aux arguments s’opposant à l’Evars, le Cese préconise, bien évidemment, d’adapter les séances dispensées à l’école à l’âge des enfants qui y assistent. Par ailleurs, l’avis précise que lorsque les parents ont l’occasion d’échanger sur le sujet avec les équipes pédagogiques, ils sont majoritairement favorables à ces séances à l’école, permettant d’aborder des sujets sur lesquels ils peuvent se sentir mal à l’aise à la maison.
Le Cese conclut son avis en indiquant que « c’est bien en diffusant de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle dans tous les milieux fréquentés par les jeunes qu’ils et elles pourront vivre des relations saines et une sexualité épanouie, sans violence ni contrainte ».
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Le numérique, un levier pour l’Evars ?
Incontournables, les outils et les applications numériques constituent d’importantes sources d’information, des espaces de partage d’expériences et d’échange. Indéniablement, ils permettraient de diffuser efficacement et de façon ludique de l’Evars, à condition que les contenus soient conçus par des professionnels.
Le Cese pointe néanmoins la face cachée de ces outils, qui ne sont pas sans dangers, tels que le risque de cyberharcèlement ou l’exposition précoce à la pornographie. Le Conseil estime primordial d’accompagner les parents dans la maîtrise de ces outils et d’encourager le dialogue parent-enfant autour de l’usage du numérique.