vih L’interview sous PrEP

07.06.18
Julien Martinez
7 min

Ce texte, indépendant de la rédaction de Transversal, est une contribution externe. Acteurs de la lutte contre le sida, associatifs, chercheurs, bénévoles, personnes directement touchées par le VIH ou non… Vous aussi, contribuez à preprod-fcinq.sidaction.org/sinformer/transversal et faites nous parvenir vos textes ICI

La PrEP, ou Prophylaxie Pré-exposition, fait petit à petit sa place dans l’arsenal préventif face au VIH. Avec les quelques 5352 personnes ayant commencé à en bénéficier de janvier 2016 à juillet 20171, ce moyen de prévention gagne chaque mois entre 300 et 400 nouveaux adeptes, à 97.5% des hommes. Dans l’immense majorité, les bénéficiaires sont HSH. Mais derrière les études et les annonces, derrière les articles et la prévention, comment se passe concrètement la prise de la PrEP dans la vie d’une personne en 2018 ? C’est ce à quoi j’ai essayé de répondre avec l’aide d’Antoine2, 24 ans, qui a bien voulu nous faire le bilan de son premier mois sous Truvada.

Il est jeune, parisien et infirmier. Quand il n’est pas en service, Antoine aime sortir en boite de nuit et faire des rencontres. Curieux et tendance, il aime les fringues et les soirées fétichistes.

La PrEP ? Il l’a d’abord connue via des applications US de rencontre gay “sur les applis […] tu as des options où tu peux renseigner ton statut sérologique, ainsi que le fait que tu es Prepeur ou non”. Mais à l’époque, ça ne l’interpelle pas vraiment “J’étais en province, chez mes parents et ma vie sentimentale et sexuelle n’était pas vraiment très … développée. Après, je suis parti à Paris. Là encore, j’étais en couple et fidèle je ne voyais pas l’intérêt de ce traitement pour moi. Par la suite, mon meilleur pote a fini par prendre la PrEP, et je suis redevenu célibataire ; du coup j’ai eu de nouvelles envies et je me suis décidé à aller plus loin et à demander un rendez-vous dans un centre”.

Ensuite ça s’enchaîne. En un mois, Antoine reçoit une ordonnance par mail afin de faire sérologies et prélèvements avant l’entretien. Une semaine avant le rendez-vous, on l’appelle pour savoir s’il est toujours intéressé par la démarche, ce qu’il confirme.

Le jour de l’entretien, Antoine se souvient “c’était un échange avec le médecin sur mes motivations à prendre la PrEP. Ensuite, elle m’a expliqué les effets secondaires potentiels du médicament. Pour finir, elle m’a présenté les deux schémas de prise possibles : en continu ou à la demande, et on en a choisi un ensemble.”

Quand je lui demande lequel il a choisi, il me répond sans hésiter “A la demande ! C’est plus souple, et puis je n’ai pas une vie sexuelle si … riche que ça … enfin en même temps, je te dis ça, mais pour être tout à fait honnête, ça fait une semaine que j’enchaine les rapports, alors j’ai basculé sur le schéma en continu”. Car la PrEP, c’est aussi de la flexibilité, mais à un certain prix : les effets secondaires qui, même s’ils sont le plus souvent passagers, restent nombreux : troubles digestifs, maux de tête, fatigue importante. Antoine était conscient de ces désagréments, c’est aussi pour cela que le soir-même de la consultation, il a testé une prise à la demande “Je voulais savoir si j’allais subir les effets indésirables. Perso, je n’en ai pas eu”3.

Concernant l’observance, Antoine a mis une stratégie en place en installant un pilulier virtuel sur son smartphone ; celle-ci lui rappelle de prendre son comprimé mais “Il est trop tôt pour dire quoi que ce soit sur l’observance, en plus je suis conditionné depuis tout jeune à prendre des médicaments de manière régulière pour d’autres raisons, alors j’ai déjà l’habitude”.

A propos des bilans, là aussi il est trop tôt pour Antoine pour parler d’une éventuelle lassitude ; rappelons que la prise de la PrEP demande un suivi rapproché : bilan complet tous les 3 mois, sérologies + prélèvements.

Et le regard des autres, comment Antoine le vit-il ? “ J’ai la chance d’avoir des amis et des proches pour qui ce n’est pas un problème et qui ne portent pas de jugements de valeur. Je n’ai pas eu droit au laïus habituel : Les prepeurs c’est des types qui kiffent les partouzes-barebacks-etc. On m’a simplement dit : Ok, si tu ressens le besoin de la prendre, c’est probablement que tu fais le bon choix”.

Le plus compliqué pour lui, ça a été sur les sites de rencontre. Encore aujourd’hui, la PrEP jouit d’une mauvaise réputation, à tort. Certains considèrent qu’Antoine ne fait pas assez attention à lui à cause de la “liberté” que propose la PrEP et ne se protège pas assez. Insultes, refus de se rencontrer, ou au contraire désinhibition de certains qui veulent absolument “baiser sans capote” parce qu’Antoine a un traitement : “ça je ne le fais pas, et je trouve que c’est dangereux. Quand un type te dit qu’il se fait dépister de manière régulière, et sous PrEP, qu’est-ce qui te dit que c’est vrai ?”. Antoine est clair là dessus “le médecin me l’a bien dit : c’est vous qui prenez la PrEP, pas l’autre”. Justement, coté responsabilités, Antoine assume complètement : “Je ne cache pas le fait que je suis prepeur. Si on me le demande, je le dis. Mais dans le cadre d’un rapport protégé avec capote – ce qui est mon cas- je ne vois pas l’intérêt d’en parler systématiquement”.

On en vient alors au fond du sujet. Pourquoi Antoine prend-il la PrEP ? “Je ne suis pas dans la prise de risque, au sens que je me protège toujours avec un préservatif. Mais parfois, ça m’arrive d’aller dans des saunas, des backrooms et des soirées fétiches et effectivement c’est le genre d’endroit où tu peux perdre le contrôle. Alors oui, on peut considérer que ça c’est une prise de risque […] du coup tu vas faire tes tests pour voir si tout va bien et pour celui du VIH, le résultat peut être très long à attendre… l’angoisse quoi ! Pour moi, la PrEP, c’est une manière de prendre soin de moi, et de m’éviter ces moments de stress si jamais tout ne se passe pas comme prévu malgré les précautions que je prends”.

Et si un jour Antoine est de nouveau en couple, qu’en sera-t-il de son traitement ? “Culturellement, ce n’est pas un tabou dans la communauté gay d’avoir des relations libres, même en couple. Alors ce sera une décision qui se prendra à deux. Si je tombe amoureux, franchement je pense que je ne verrai pas l’intérêt de continuer. Si les tests sont faits ensemble on peut décider d’arrêter la capote et stopper le traitement”.

Merci à lui pour ce partage.

____
1. http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Utilisation-de-la-prophylaxie-pre-exposition-PrEP-au-VIH-par-Truvada-ou-generiques-entre-janvier-2016-et-juillet-2017-Point-d-information

2. Pour des raisons d’anonymat, le prénom a été changé.

3. Pour en savoir plus : http://vih.org/20151124/prep-t-elle-effets-secondaires/136414

@Martinez_J_
martinez.j.pro@gmail.com

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités