vih Lipodystrophies : le revers de la médaille des ARV

08.07.19
Angéline Rouers
4 min

Les lipodystrophies correspondent à des anomalies de la répartition de la masse graisseuse, appelée « tissu adipeux ». L’atteinte est plus importante chez les personnes vivant avec le VIH (50 % d’après une enquête de 2009 , contre moins de 2 % dans la population générale). Il s’agit soit d’une perte (lipoatrophie) de masse grasse au niveau périphérique, comme le visage, soit d’un excès (lipohypertrophie) au niveau de l’abdomen, de la poitrine et de la base du cou. Des témoignages de personnes vivant avec le VIH, recueillis en 2012, soulignaient qu’un fort amaigrissement est généralement un signe évocateur du sida, une séropositivité que ces personnes ne souhaitent pas afficher. La gêne et l’inconfort, dus à ces modifications physiques, mènent souvent à une désocialisation des personnes atteintes. Une question se pose alors : d’où vient ce syndrome ? 

VIH ou ARV ?

Les deux pourraient bien être responsables dans cette affaire. « Pendant longtemps seuls les traitements antirétroviraux [ARV] ont été incriminés dans le développement de lipodystrophies, explique Jennifer Gordwood, étudiante en thèse à l’hôpital Saint-Antoine (Paris). Depuis 2015, nous savons que le tissu adipeux est un site réservoir du VIH et il a été montré que le virus a un rôle propre dans les atteintes de ce tissu. » 

En ce qui concerne le rôle des ARV, ce sont les premières générations des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et les inhibiteurs de protéase (IP) qui sont en cause. Plusieurs mécanismes sont proposés pour expliquer comment les ARV atteignent les tissus adipeux. Ils peuvent tout d’abord agir sur la fonction des adipocytes, les cellules du stockage des lipides. Selon Jennifer Gordwood, « certains ARV induisent une résistance à l’insuline […] en affectant par exemple le transport du glucose ». Les autres mécanismes rapportés sont l’altération du recrutement des précurseurs adipocytaires ou encore le vieillissement prématuré du tissu adipeux à la suite de l’atteinte fonctionnelle de certaines enzymes. 

Limiter les atteintes métaboliques

Parmi les retombées des lipodystrophies, les atteintes métaboliques et cardio-vasculaires sont les mieux documentées. La dyslipidémie, une concentration anormalement haute ou basse des lipides dans le sang, en est un exemple, avec des répercussions cardio-vasculaires élevées. Les récents travaux d’Annie Ladoux, chercheuse à l’institut de biologie Valrose (Nice), et de ses collaborateurs, pourraient apporter de nouvelles clés pour limiter ces atteintes métaboliques : « Nous avons découvert que les inhibiteurs de la protéase du VIH inhibent fortement la transformation du tissu adipeux blanc – qui stock l’énergie sous forme de graisses – en tissu adipeux beige. » Le tissu adipeux beige a les mêmes propriétés que le tissu adipeux brun, connu pour produire de l’énergie en « brûlant » les graisses. Le tissu adipeux brun diminue avec l’âge, mais est normalement compensé par le tissu adipeux beige, processus qui semble altéré par les ARV. Cependant, les travaux préliminaires de l’équipe d’Annie Ladoux sont encourageants : « Nous avons montré que le resvératrol – un polyphénol ayant des propriétés antivieillissement – est capable de restaurer la production d’adipocytes beiges, bloquée par le lopinavir [IP]. » Une piste que les chercheurs vont explorer plus en détail. 

Quelles solutions pour les patients ?

D’abord, un suivi diététique pour limiter les atteintes. La chirurgie esthétique peut également être envisagée, mais elle ne permet pas de résoudre les troubles des tissus adipeux profonds. La solution préconisée reste d’adapter le traitement en remplaçant les molécules en cause. Les médicaments de dernière génération sont très efficaces contre le VIH et sont rarement responsables de redistribution du tissu adipeux. Néanmoins, « le dolutégravir et le raltégravir, des inhibiteurs d’intégrase, ont récemment été associés à une prise de poids, plutôt globale, sans doute due à une prise de tissu adipeux. Ils ne sont cependant pas liés à une dyslipidémie », explique Jacqueline Capeau, professeure émérite à l’université de la Sorbonne. Et d’ajouter : « Des études cliniques doivent être réalisées pour mieux identifier ces effets et voir s’ils s’associent ou non à des perturbations du métabolisme glucidique, telles que la résistance à l’insuline. »

Les recherches continuent donc leur chemin avec pour but de réduire au mieux les effets secondaires des traitements ARV qui doivent, aujourd’hui encore, être pris à vie par les personnes vivant avec le VIH.

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