En dépit de la crise sanitaire, près de 4,5 millions d’euros ont été récoltés lors du Sidaction fin mars. Le signe que le VIH reste une source de forte mobilisation. Un espoir pour les associations qui, depuis un an, se trouvent confrontées à la nécessité de diversifier leurs modes de collecte, en investissant notamment davantage le numérique.
Comment continuer à mobiliser autour de la cause du VIH ? Et comment réussir à collecter des fonds ? Depuis un an, ces questions ne cessent de tarauder les associations, bien conscientes de la difficulté à faire émerger dans le débat public d’autres sujets sanitaires que le Covid-19. « Il y a un enjeu très fort pour continuer à rendre visibles les problématiques de la lutte contre le sida et recueillir suffisamment de moyens pour poursuivre nos actions », souligne Marc-Antoine Bartoli, le président d’Act Up. « Cette crise n’est pas simple à traverser mais, en même temps, elle peut être un moyen pour réfléchir à d’autres modes de collecte, en particulier sur le digital », ajoute Elodie Lambourde, la directrice de la communication et de la collecte à Aides.
C’est dans ce contexte de large incertitude qu’a été organisé en mars le Sidaction 2021. Avec une belle surprise à l’arrivée et 4,5 millions d’euros de promesses de dons récoltés en un week-end. Pour être précis, ces promesses se sont élevées à 4 479 159 euros. « Face au contexte actuel incertain, aux difficultés économiques rencontrées par de nombreux Français et à l’annulation de nos animations régionales, nous étions inquiets. Malgré cela, le grand public et les médias ont répondu présents au-delà de nos espérances » a déclaré Florence Thune, directrice générale de Sidaction, en insistant sur la nécessité que le VIH ne reste pas « invisibilisé ».
Des partenaires fidèles au Sidaction
Après l’annulation du Sidaction 2020, les médias partenaires ont été fidèles au rendez-vous, avec la diffusion, dans la soirée du samedi 27 mars, de l’émission « Merci Line », dédiée à l’engagement de Line Renaud, la vice-présidente de Sidaction. L’association a aussi pu compter sur l’engagement de son ambassadeur, Jean-Paul Gaultier. Et ses chaussettes « SAFE SEX FOREVER » vendues au profit de l’association.
Ce qui montre que, dans un contexte un peu morose, collecter de l’argent au profit de la lutte contre le VIH reste possible. « Pour notre part, nous n’avons pas constaté véritablement de baisse d’engagement de la part de nos donateurs habituels », souligne Marc-Antoine Bartoli, en ajoutant que l’impact de la crise de la Covid s’est surtout fait sentir dans le recrutement de nouveaux membres. « Depuis un an, nous avons moins de volontaires pour militer ou mener des actions, poursuit-il. Du coup, nous n’avons pas répondu à certaines demandes de subventions car nous savions que nous aurions du mal à mener toutes les actions qui étaient envisagées avant l’arrivée de l’épidémie de Covid. On s’est recentré sur certaines missions davantage’faisables’ dans ce contexte comme la permanence des droits sociaux, financée par Sidaction ».
« Un bel élan de nos donateurs historiques »
A Aides, le premier et le deuxième confinement a entravé les collectes de rue qui ont dû être interrompues durant cinq mois en 2020. « L’impact a été conséquent puisque ces collectes représentent 90% de nos ressources privées. Heureusement que, dans le même temps, nous avons constaté un bel élan de nos donateurs historiques qui ont continué à nous soutenir, y compris par des dons d’urgence. Ce qui nous a permis de maintenir nos actions pendant la crise », se félicite Elodie Lambourde.
Les collectes de rue étant devenues plus difficiles, Aides a décidé de prendre le virage du numérique à un rythme plus rapide que prévu. « C’était dans les tuyaux mais tout s’est accéléré avec cette crise qui a démontré la place prise, aujourd’hui, par les réseaux sociaux dans la collecte de fonds et le recrutement de nouveaux donateurs. En 2020, on a enregistré une hausse de 21% de la collecte sur les réseaux par rapport à 2019 », indique Elodie Lambourde en saluant le « très bel accueil » réservé à la campagne « Pourtant je m’appelle » contre les inégalités et les discriminations en décembre 2020.
Même si toutes les associations sont en souffrance, c’est sans doute pour Solidarité Sida que l’épidémie de Covid a le plus de conséquences. Après l’annulation du festival Solidays en juin 2020, l’association, subitement privée de ses ressources, avait lancé un appel à la mobilisation générale. « Les partenaires publics et privés de Solidays ont aussi répondu présents face à cette situation exceptionnelle. Grâce à la mobilisation de chacun, la perte de 3,2 millions d’euros de résultat du festival a été partiellement compensée. Mais malgré ces bonnes nouvelles, le financement des nombreux programmes d’aide aux malades et de prévention est toujours menacé », expliquait alors Solidarité sida à qui il manquait un million d’euros.
« C’est l’avenir de Solidarité Sida et de nos 114 programmes qui est en jeu »
En février dernier, c’est la mort dans l’âme qu’a été prise la décision d’annuler également l’édition 2021 de Solidays. « La probabilité de pouvoir jouer en plein air, en grande jauge, debout cet été est tellement faible qu’il ne nous semble pas raisonnable de vouloir y croire plus longtemps », constatait alors Solidarité Sida. Aujourd’hui, notre responsabilité est d’acter à nouveau l’annulation de notre festival « pas tout à fait comme les autres »pour reporter toute notre énergie sur la recherche des 3,5 millions d’euros de résultat qui vont disparaître cette année encore. C’est l’avenir de Solidarité Sida et des 114 programmes que nous soutenons dans 21 pays qui est en jeu », ajoutait l’association.
L’annulation des Solidays pour la deuxième fois consécutive est évidement un coup dur. Surtout que cette année, la billetterie pour le festival n’avait pas encore été ouverte. Une grosse différence avec l’année 2020 où de nombreux festivaliers avaient fait don de leur billet déjà acheté, ce qui avait permis à l’association de faire rentrer environ 1 million d’euros dans ses caisses.
« Nous travaillons à ce que Solidays existe autrement avec un projet d’un Solidays en télé pour célébrer autrement la jeunesse et la solidarité en musique. Et aussi sur une grande campagne de mobilisation le week-end du 18 au 20 juin pour trouver l’argent qui nous manquera », indiquait, en février dernier au Parisien, Luc Barruet, le directeur-fondateur de Solidarité Sida. Sollicitée aujourd’hui par Transversal, l’association préfère ne pas prendre la parole pour l’instant. « Nous ne souhaitons pas nous exprimer tant que nous n’avons pas un peu plus de visibilité sur les prochaines semaines » explique-t-on.
Action Traitements, des perspectives plus floues pour 2021.
La période actuelle est aussi remplie d’incertitudes pour les associations qui, comme Actions Traitements, ne font pas de collecte de fonds auprès du grand public. « Nos ressources proviennent quasi exclusivement de subventions publiques et privées. Et pour l’année 2020, on ne s’en est pas trop mal tiré », constate Julia Charbonnier, la directrice de l’association. « Les laboratoires pharmaceutiques ont maintenu leur subvention au même niveau et il y en a même un qui a peu augmenté la sienne. Même chose pour le public. L’Agence régionale de santé (ARS) nous a accordé de fonds supplémentaires en 2020 », ajoute-elle.
Les perspectives sont plus floues pour 2021. « Nous avons fait nos demandes de subventions et nous attendons les réponses. Mais on sait déjà que n’aurions rien cette année de la part de Santé publique France sans qu’on sache de manière certaine si cela est lié ou non à la crise sanitaire, souligne Julia Charbonnier. Ce qui est sûr, en revanche, est que la Covid constitue désormais une porte d’entrée pour obtenir des financements. C’est ce que nous a indiqué la personne qui suit notre dossier au conseil régional d’Île-de-France. Selon elle, les financements ont plus de chance d’aller vers des projets qui, tout en concernant principalement le VIH, prend aussi en compte la problématique du coronavirus ».
Dans un contexte compliqué, il reste quand même des secteurs où la collecte de fonds pour le sida reste bien accueillie. Il y a bien sûr celui de la mode, fidèle depuis longtemps à la cause du VIH mais aussi celui de l’art. « Un événement-phare de notre collecte, désormais, est notre opération #fetelamour, 100% digitale. La première édition a été lancée le 4 juillet 2020 après seulement 8 semaines de préparation. Et elle a rassemblé plus de 60 personnalités et artistes », indique Elodie Labourde en ajoutant que la deuxième édition se tiendra les 10,11 et 12 juin prochain.
De son côté, Act-Up travaille en lien avec le Mac Val, le musée d’art contemporain du Val-de-Marne. « Les artistes sont un relais important à la fois pour tenter des collecter mais aussi pour continuer à parler du VIH sida. Et contribuer à éveiller les consciences sur le fléau que continue de représenter cette épidémie là », souligne Marc-Antoine Bartoli