Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) présentent un risque deux fois plus élevé de développer des maladies cardiovasculaires (MCV). Alors que certaines associations entre les MCV et les médicaments antirétroviraux sont connues, une nouvelle étude in vitro met en lumière les effets inattendus des inhibiteurs de l’intégrase sur les plaquettes sanguines.
C’est documenté, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) jouissent désormais, grâce aux thérapies antirétrovirales (TAR), de la même espérance de vie que la population générale. Malgré tout, elles présentent toujours un risque plus élevé de développer des maladies cardiovasculaires (MCV). Un effet des traitements ? Une nouvelle étude, présentée lors de la dernière Conférence européenne sur le sida (EACS 2023) revient sur les effets des inhibiteurs de l’intégrase sur le développement des MCV chez les PVVIH.
Le lien entre le VIH et les MCV suscite de nombreuses questions. Pour répondre à une d’entre elles, les chercheurs de l’Imperial College à Londres se sont penchés sur un aspect peu exploré : l’impact des inhibiteurs de l’intégrase, une classe de médicaments antirétroviraux de plus en plus utilisée, sur les plaquettes sanguines [i]. Plus précisément, cette recherche s’est intéressée à deux inhibiteurs de l’intégrase couramment utilisés, le bictegravir (BIC) et le dolutegravir (DTG), seuls ou en combinaison avec d’autres ARV, et leur impact sur l’activation des plaquettes [ii].
Les chercheurs ont utilisé des échantillons sanguins de donneurs VIH-négatifs et ont exposé les plaquettes à des concentrations maximales plasmatiques cliniques des médicaments. Ils ont ensuite mesuré l’activation des plaquettes en réponse à différents stimuli, notamment le collagène, l’adénosineadénosine diphosphate (ADP) et le peptide activateur du récepteur de la thrombine (TRAP-6). Les résultats ont été obtenus grâce à des techniques d’agrégation plaquettaire par transmission de lumière et de cytométrie en flux.
Une agrégation plus élevée associée au DTG, même en combinaison
Les résultats de l’étude indiquent que le traitement par le DTG entraîne une agrégation significativement plus élevée des plaquettes en réponse à l’ADP par rapport au BIC (+1,49 fois, p=0,0231) et au groupe témoin (+3,6 fois, p=0,0062) à de faibles concentrations d’ADP. De plus, les plaquettes activées par le collagène [3 μg/ml] exposées au DTG présentent une augmentation de +1,94 fois de l’agrégation par rapport au groupe témoin (p=0,0042). Ces différences significatives sont maintenues lorsque les médicaments sont utilisés en combinaison avec d’autres ARV.
Ces résultats suggèrent que le dolutegravir, utilisé seul ou en combinaison dans le cadre de la TAR, peut sensibiliser les plaquettes à une stimulation à faible dose d’ADP et de collagène. Cela pourrait indiquer que le DTG, contrairement au BIC, présente le potentiel d’augmenter le risque de MCV chez les PVVIH. Il est néanmoins essentiel de noter que ces conclusions sont basées sur des expériences in vitro, et davantage d’études sont nécessaires pour valider ces résultats. Une évaluation de l’activation des plaquettes en situation réelle et en milieu clinique est nécessaire pour confirmer ces observations.
Cette recherche soulève des questions importantes sur le choix des médicaments antirétroviraux pour les PVVIH. Elle suggère la possibilité de développer des schémas thérapeutiques personnalisés visant à réduire le risque de MCV, en tenant compte des réponses des plaquettes sanguines aux médicaments. Comprendre comment ces médicaments interagissent avec les processus biologiques du corps est essentiel pour garantir la meilleure qualité de vie possible aux PVVIH.
[i] R. Keniyopoullos et al. Dolutegravir but not bictegravir exposure increases in vitro platelet aggregation. 19th European AIDS Conference, Warsaw, presentation PS3.O2, 19/10/2023.
[ii] Les plaquettes sanguines jouent un rôle essentiel dans la coagulation sanguine, mais elles sont également impliquées dans le risque de MCV. Les plaquettes activées peuvent favoriser la formation de caillots sanguins, ce qui peut conduire à des problèmes cardiovasculaires graves.