vih Métabolisme des lymphocytes T et VIH : ami ou ennemi ?

19.07.19
Nora Yahia
5 min

Pour leur développement et leur fonctionnement les cellules ont besoin d’énergie. Cette source d’énergie provient de la transformation de nutriment via deux mécanismes : la glycolyse qui se déroule dans le cytoplasme de la cellule et la phosphorylation oxydative qui a lieu dans les mitochondries[1] (sorte de petite usine à énergie). Les récents résultats publiés dans la revue Nature Metabolism par deux équipes françaises montrent que ce métabolisme cellulaire représente un élément clé dans l’infection VIH ; qui peut être bénéfique ou néfaste pour les lymphocytes. 

L’étude[2] menée par l’équipe d’Asier Saez-Cirion, à l’Institut Pasteur, s’est portée sur les lymphocytes T CD8, cellules du système immunitaire capable de détruire les cellules infectées. Lorsque le virus VIH infecte l’organisme, une importante réponse immune des lymphocytes T CD8 est mise en place. Dans un premier temps cette réponse permet de contrer l’infection et limiter la propagation du virus. Cependant ces lymphocytes vont rapidement s’épuiser à la tâche; laissant le champ libre au virus pour se propager et persister dans l’organisme. Pourtant chez les contrôleurs, un rare groupe d’individus (1 sur 1000) capable de contrôler leur charge virale sans prise de traitement, ces lymphocytes T CD8 semblent rester fonctionnels. L’équipe de recherche a voulu comprendre quels étaient les mécanismes permettant à ces lymphocytes de rester opérationnels.

L’analyse des profils métaboliques a montré que la capacité des lymphocytes des contrôleurs à utiliser plusieurs voies métaboliques est un élément clé de l’efficacité de la réponse immune qu’ils engagent contre le virus. En effet alors que les lymphocytes T CD8 des non-contrôleurs ont un profil métabolique qui dépend exclusivement du glucose, ceux des contrôleurs sont capables d’utiliser une source diversifiée de métabolites. Iles utilisent notamment la voie de la phosphorylation oxydative, qui a lieu dans les mitochondries. Les lymphocytes T CD8 des contrôleurs dépendent des mitochondries pour leur réponse antivirale et leur capacité de survie ainsi que leurs fonctions effectrices. À l’aide d’une cytokine stimulant l’activité des mitochondries, les chercheurs ont pu reprogrammer in vitro les lymphocytes des non-contrôleurs et restaurer les capacités de ces cellules à éliminer le virus. Enfin, les profils transcriptomiques de ces deux populations lymphocytaires sont différents. Les lymphocytes des contrôleurs sont naturellement programmés pour la survie et les fonctions effectrices, ceux des non contrôleurs expriment des gènes liés à l’activation et la sénéscence.

En parallèle, l’équipe du Dr Naomi Taylor, à l’Institut de Génétique Moléculaire de Montpellier, s’est intéressée à déterminer la contribution de la glutamine et du glucose – nutriments utilisés comme source d’énergie – dans la susceptibilité des lymphocytes T CD4 au virus VIH[3]. Il y a des raisons de croire que l’interaction entre le métabolisme de ces deux nutriments jouent un rôle dans les infections virales : la réplication du virus de la dengue dépend de la métabolisation du glucose, alors que le virus de la vaccine dépend de celle de la glutamine. Les expériences menées par l’équipe montpelliéraine ont montré que la métabolisation de la glutamine représente un élément déterminant régulant la prolifération des lymphocytes T CD4 mais également leur susceptibilité à l’infection. En effet, la privation des cellules en glutamine entraine une réduction du taux d’infection. Par ailleurs, lorsque la voie de la glycolyse est détournée au profit de l’utilisation de la voie mitochondriale, une augmentation du taux d’infection est observée. L’ensemble des travaux révèlent que la voie métabolique favorisant l’activité mitochondriale et la phosphorylation oxydative résulte en une augmentation de la susceptibilité des lymphocytes T CD4 à l’infection.

Ces deux études mettent en évidence l’implication du métabolisme glucidique dans l’infection VIH et plus particulièrement le rôle central des mitochondries. Alors que le métabolisme mitochondriale permet aux lymphocytes T CD8 des contrôleurs de contrer l’infection VIH, il va dans les lymphocytes T CD4 accroitre leur susceptibilité au VIH. Les découvertes issus de ces travaux apportent de nouveaux éléments dans notre compréhension de la réponse à l’infection par le VIH, mais il reste à comprendre pourquoi les mitochondries jouent ce rôle antagoniste et qu’est ce qui signale le choix de la voie métabolique chez les contrôleurs.

Notes

[1] Petite structure spécialisée dans la production d’énergie présente dans le cytoplasme des cellules

[2]https://www.nature.com/articles/s42255-019-0081-4

[3] https://www.nature.com/articles/s42255-019-0084-1

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