vih Microbiote et VIH (I) : le dérèglement et ses conséquences

01.10.20
Nora Yahia
5 min
Visuel Microbiote
et VIH (I) : le dérèglement et ses conséquences

Le champ d’étude du microbiote s’est beaucoup développé ces dernières années grâce aux avancées technologiques. Ces micro-organismes, cohabitant en parfaite entente avec notre organisme, sont étudiés à la loupe par les chercheurs, qui tentent d’en déchiffrer l’influence sur notre physiologie. Alors que le rôle des microbiotes dans la physiopathologie de certaines maladies commencent à émerger, qu’en est-il pour l’infection VIH ?

Le microbiote représente l’ensemble des micro-organismes (bactéries, virus, champignons, levures et protozoaires) vivant dans un environnement spécifique. Chez les êtres humains, on trouve différents types de microbiote selon les surfaces colonisées : le microbiote cutané, vaginal, intestinal, des voies respiratoires et urinaires, de la sphère ORL [i]. Ces microbiotes jouent un rôle important dans l’organisme. Leur dérèglement peut avoir des répercussions sur la santé des individus. De nombreuses études ont d’ailleurs montré un rôle du dérèglement du microbiote intestinal dans l’apparition de maladies telles que le diabète ou la maladie de Crohn.

Qu’en est-il dans l’infection VIH ? Dans quelles mesures le microbiote ou son dérèglement peuvent-ils impacter la physiopathologie de l’infection ou l’efficacité des traitements et vaccins ? Quelles solutions sont mises en place pour remédier à ces troubles ? C’est à ces questions que les trois articles de cette série sur le microbiote et le VIH vont tenter de répondre.

Microbiote intestinal et VIH

Avec plus de 100 000 milliards de micro-organismes résidant dans les intestins, le microbiote intestinal est le plus important de tous[ii]. Tout comme les empreintes digitales, ce microbiote est propre à chaque individu. Principalement constituée de bactéries, cette flore commence à se développer à la naissance. Jusqu’à l’âge adulte le microbiote se diversifie puis se stabilise. Les changements physiologiques (diminution de l’immunité, alimentation moins variée, traitements) ainsi que le mode de vie accompagnant l’avancée dans l’âge vont entrainer un appauvrissement du microbiote. Deux principales fonctions lui sont rattachées, au niveau digestif et immunitaire. Les bactéries de l’intestin dégradent les aliments que l’organisme ne peut digérer seul, et contribuent ainsi à fournir l’énergie dont le corps a besoin. Il contribue également au développement du système immunitaire, notamment au niveau des systèmes de reconnaissance du soi et du non-soi, afin de le former à la reconnaissance des signaux de danger.

Les intestins représentent aussi le site anatomique contenant la plus forte proportion de lymphocytes T CD4, la principale cible du virus VIH. Ainsi, lors de l’infection VIH, les intestins deviennent un site majeur de réplication virale mais également un terrain propice à la mise en place des réservoirs viraux. Ceci n’est pas sans conséquence pour la physiologie de l’intestin qui s’en retrouve fortement impacté. La destruction des lymphocytes T CD4, et plus particulièrement les lymphocytes Th17, entraine une perte de l’intégrité de la barrière épithéliale et une augmentation de la perméabilité cellulaire. Les bactéries présentent dans la lumière intestinale vont alors passer dans le système circulatoire, contribuant ainsi à l’activation immunitaire persistante et à l’inflammation chronique caractéristique de l’infection VIH [iii]. La composition de la flore intestinale change également suite à l’infection. Plusieurs études ont montré une diminution de la richesse et de la diversité bactérienne et un enrichissement en espèces bactériennes tolérantes à l’oxygène dont les Proteobactéries, qui sont associées à l’inflammation [iv].

Microbiote vaginal et VIH

Le microbiote vaginal, plus communément appelé flore vaginale, est composé de plus de 200 espèces bactériennes avec une prédominance de Lactobacillus [v]. Ces bactéries ont un rôle primordial dans la protection contre les infections. Elles s’opposent à la prolifération des agents pathogènes en assurant l’acidification du vagin et en entrant en compétition avec eux pour les nutriments et l’espace disponible. La composition du microbiote vaginal évolue au cours du temps, et va être influencé par de nombreux facteurs environnementaux et physiologiques comme les hormones. Le maintien d’une flore avec une prédominance de Lactobacillus est important pour la santé des femmes. La perte de ces bactéries, notamment causée par une carence œstrogénique ou une utilisation prolongée d’antibiotiques, entraine un déséquilibre de la flore, favorisant l’apparition d’infections telles que les candidoses, vaginoses bactériennes, et les infections sexuellement transmissibles.

Dans le contexte du VIH, la composition en bactérie de la flore vaginale joue sur la susceptibilité à l’infection. Une étude a montré que les femmes présentant une inflammation génitale avaient trois fois plus de risque d’être infectées par le VIH [vi]. Cette inflammation aurait pour origine un déséquilibre de la flore vaginale, se traduisant par la perte des bactéries saines Lactobacillus et l’augmentation du nombre de bactéries pathogènes anaérobies. Cette augmentation du risque d’acquisition du VIH serait causée par un recrutement au site d’inflammation de cellules immunitaires activées, cibles du VIH. L’inflammation vaginale induite par la dysbiose bactérienne faciliterait également l’infection par des variants viraux peu infectieux, qui ne pourraient conduire à une infection en absence d’inflammation.

Ces différentes données montrent que le dérèglement du microbiote, qu’il soit causé par le virus ou non, impacte l’équilibre de l’organisme et la réponse immunitaire mise en place. Ceci notamment avec la mise en place d’un état inflammatoire chronique qui est au centre de l’exacerbation de la pathologie. Le prochain article reviendra sur l’impact que ce dérèglement du microbiote peut avoir sur l’efficacité des traitements antirétroviraux et la réponse immunitaire vaccinale.

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