Si certains antirétroviraux entrainent des effets indésirables – tels que des diarrhées – et peuvent impacter la stabilité du microbiote intestinal, l’inverse est-il possible ? Second volet de notre série, ce nouvel article précise comment les microbiotes vaginaux et intestinaux influent sur l’efficacité des traitements et vaccins dirigés contre le VIH.
Une étude mesurant l’efficacité d’une PreP [i] administrée localement chez des femmes a montré que la composition du microbiote vaginal pouvait jouer sur l’efficacité du traitement. Menée en 2010, cette étude a apporté la preuve de concept que l’administration locale de tenofovir réduisait les risques de transmission du VIH chez les femmes [ii]. En effet, l’utilisation d’un gel au tenofovir permettait de réduire les risques d’infection de 39% sur l’ensemble de la cohorte. Ce pourcentage augmentait jusqu’à 54% chez les femmes ayant une bonne adhérence à la PreP.
Au cours de leur analyse, les chercheurs se sont aperçus qu’un dérèglement de la flore vaginale impactait l’efficacité du tenofovir. Chez les femmes ayant un microbiote vaginal dominé par les Lactobacillus, le tenofovir réduisait les risques d’infection VIH de 61%. Ce pourcentage tombait à 18% pour les femmes ayant un microbiote vaginal dominé par des bactéries pathogènes.
Les analyses ont mis en évidence que les bactéries pathogènes de type Gardnerella vaginalis présentent dans la flore métabolisaient le tenofovir réduisant ainsi son efficacité [iii]. Ce cas semble être isolé à l’utilisation de tenofovir en application locale, puisque la composition du microbiote vaginal n’impacte pas l’efficacité d’une PreP orale comme le pointe l’analyse rétrospective menée sur l’essai PartnersPrEp. De même, la composition de la flore vaginale ne semble pas impacter la concentration en dapivirine d’anneaux vaginaux.
Réponse immune vaccinale : quand le microbiote intestinal s’en mêle
Les preuves d’une influence du microbiote intestinal sur la réponse aux vaccins commencent à émerger. De fait, il existe une sorte de dialogue entre le système immunitaire et la flore microbienne. Le système immunitaire aide au maintien de l’homéostasie entre l’organisme et les différentes populations microbiennes qui y vivent. Quant au microbiote, il façonne puis module l’immunité tout au long de la vie des individus. Cette interaction, continue et équilibrée, est essentielle à la préservation des fonctions normales de l’organisme. Il semble alors logique que ce microbiote puisse impacter la réponse immune vaccinale.
Des anticorps anti-VIH, ciblant la protéine d’enveloppe gp41, ont été retrouvés chez des individus n’ayant jamais été en contact avec le virus. Comment ces anticorps ont-ils pu se développer ? La réponse tient en deux mots : réactivité croisée. Il arrive que des composants antigéniques issus de différents pathogènes (bactéries ou virus) partagent des similitudes. Les anticorps dirigés contre ces antigènes les reconnaitront aussi bien sur la bactérie que sur le virus.
Dans la cadre du VIH, les lymphocytes B intestinaux, qui produisent les anticorps, baignent dans un environnement antigénique comprenant des antigènes bactériens mimant cette protéine gp41. C’est notamment le cas de la RNA polymérase de la bactérie E.coli qui partage des morceaux de séquence et des motifs structuraux avec une région de la protéine gp41. Ainsi les lymphocytes B naïfs intestinaux vont être éduqué à produire des anticorps cross-réactifs contre la gp41 et les produits bactériens [iv]. Une partie de ces lymphocytes B va se transformer en cellules mémoire qui seront prêtes à s’activer lors d’une nouvelle rencontre avec l’antigène.
Dans le cadre d’une vaccination contre le VIH, la réponse lymphocytaire B induite par le vaccin contre l’enveloppe du VIH pourra alors provenir du pool de cellules immunitaires mémoire à réactivité croisée du microbiote intestinal. Malheureusement, le faible pouvoir neutralisant de ces anticorps à réactivité croisée les rendent inefficaces à protéger de l’infection par le VIH. La présence de ces anticorps altérant l’efficacité de la réponse immune au vaccin, démontrent que le microbiote peut être un frein à l’induction d’anticorps protecteurs contre le VIH-1.
Les micro-organismes présents dans les microbiotes, qu’ils soient pathogènes ou commensaux, peuvent impacter l’efficacité de certains traitements mais également la réponse immunitaire aux vaccins. Ces données doivent être prises en compte par les chercheurs afin d’adapter au mieux traitements et vaccins pour arriver à une efficacité optimale.
[i] PreP : prophylaxie pré-exposition
[ii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20643915/