vih Microbiote et VIH (III) : soigner le microbiote des PvVIH

21.10.20
Nora Yahia
6 min
Visuel Microbiote
et VIH (III) : soigner le microbiote des PvVIH

Pour clore cette série sur le microbiote et le VIH, focus sur les solutions thérapeutiques disponibles ou en développement pour traiter les dysbioses et améliorer la santé des PvViH. De la prise de probiotiques au traitement anti-inflammatoire, les pistes à l’étude sont nombreuses.

De nombreuses approches thérapeutiques ont été mises en place pour remédier aux dérèglements du microbiote. Elles passent notamment par l’administration de bactéries saines en vue de restaurer l’intégrité microbienne, réduire l’inflammation et l’activation immunitaire. Une autre approche consiste à agir sur les composés immuns, pour rétablir l’équilibre intestinal mis à mal par l’infection VIH et le dérèglement du microbiote.

Agir sur les composés immuns et la translocation bactérienne

L’infection VIH entraine une perte des lymphocytes T et l’induction d’un état inflammatoire chronique, notamment au niveau des intestins. Une des stratégies évaluées par les chercheurs consiste à administrer des cytokines jouant sur ces deux composantes afin de rétablir la balance. L’administration d’IL-21 à des macaques infectés par le SIV [i] a conduit à une amélioration des fonctions des lymphocytes T [ii]. Les macaques ayant reçu le traitement présentaient des taux élevés de lymphocytes Th17 intestinaux. Fait intéressant, ce taux de lymphocytes Th17 était associé à des niveaux réduits de translocation microbienne et d’activation / inflammation systémique dans l’infection chronique. 

Une autre approche à l’étude consiste en l’administration de Metformin, un médicament utilisé dans le cadre du diabète. Des études ont démontré les capacités anti-inflammatoires et de modulation du microbiote intestinal de cet antidiabétique. L’essai LILAC a été conduit chez 22 PvVIH sous ARV avec charge virale indétectable pour tester l’effet de la Metformin [iii]. Le médicament était bien toléré et les médecins ont noté une diminution de l’inflammation ainsi qu’une augmentation de la diversité microbienne et un changement dans le microbiote fongique suite au traitement.

Pour contrer la translocation des bactéries intestinales dans la circulation, les équipes de recherche se sont intéressées au Sevelamer, une molécule capable de séquestrer le LPS bactérien [iv]. Les essais menés dans des modèles de primates non humains ont apporté de bons résultats. Le composé a permis de diminuer de manière significative l’inflammation chez les animaux infectés non traités [v]. Malheureusement le passage chez l’homme n’a pas abouti, le Sevelamer n’ayant pas permis de réduire la translocation bactérienne [vi].

Des probiotiques pour lutter contre la dysbiose

L’effet de la prise de probiotique sur le microbiote intestinal des PvVIH a été étudié par de nombreux groupes de recherche. En 2015, une étude a montré que la prise de probiotique contenant les espèces bactériennes Lactobacillus bacterium et Streptococcus spp réduisait de manière significative l’activation des lymphocytes T chez des PvVIH sous ARV [vii]. Une diminution de l’inflammation chronique a également été rapportée. Pour autant, les différentes études menées ne semblent pas faire consensus et peuvent parfois se contredire quant à savoir si un microbiote « sain » peut être reconstitué de manière stable et s’il peut réduire l’inflammation. Des études plus poussées sont nécessaires pour valider les résultats annoncés.

Dans le cadre de la vaginose bactérienne, les traitements antibiotiques montrent peu d’efficacité et les récidives sont fréquentes. Pour tenter de palier à ces problèmes, des thérapies basées sur la prise de bactéries saines ont été mises en place. Un traitement nommé LACTIN-V, consistant en l’administration de Lactobacillus crispatus CTV-05 est actuellement en cours d’investigation. Un essai de phase 2b évaluant l’efficacité de ce traitement dans la prévention des vaginoses bactériennes vient de se terminer. Les résultats indiquent que l’utilisation de Lactin-V versus un placebo, après un traitement par métronidazole, a entraîné une réduction significative de l’incidence de récidive de la vaginose bactérienne à 12 semaines [viii]. Un nouvel essai de phase 2, évaluant l’effet du LACTIN-V sur l’inflammation génitale chez les femmes à haut risque d’acquisition du VIH, est en cours de recrutement en Afrique du Sud [ix].

La transplantation de microbiote fécale pourrait également devenir une approche utilisée pour traiter la dysbiose microbienne dans le cadre de l‘infection à VIH. Cette technique consiste à greffer le microbiote intestinal d’un donneur sain à un patient receveur. Cette méthode a déjà fait ses preuves dans le traitement de la colite ulcérante ou de l’infection à Clostridium difficile. Plusieurs essais cliniques ont été menés pour tester cette approche chez les PvVIH. Les données issues de ces essais ne sont malheureusement pas concluants que ce soit sur la prise de greffe du microbiote qui reste faible, ou les changements dans les paramètres immuns (proportion de lymphocytes T et inflammation) [x]. Comme pour les probiotiques, d’autres études sont nécessaires pour optimiser ces traitements (caractéristiques des donneurs et des receveurs, dosage, pré-traitement antibiotique) en vue d’une future application.

Le microbiote et ses possibles interactions avec le virus VIH ne semble pas avoir encore dévoilé tous ses secrets. Mais ces résultats de recherche tendent à montrer qu’en agissant sur ces populations bactériennes, la santé des PvVIH de même que la prévention de l’infection chez les femmes peuvent en être améliorées.

Notes

[i] Simian Immunodeficiency Virus

[ii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23853592/

[iii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31005944/

[iv] Lypo-poly-saccharide : composant de la membrane externe des bactéries à Gram négatif. Cette endotoxine est un puissant inducteur de l’inflammation mais est également impliqué dans le sepsis

[v] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24837437/

[vi] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4215074/

[vii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26376436/

[viii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32402161/

[ix] https://grantome.com/grant/NIH/R01-HD098978-01

[x] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32777940/

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités