Son nom a récemment résonné dans les journaux. En cause ? Une vidéo qui montre comment les cellules des muqueuses génitales masculines sont infectées par le VIH. Si le processus est connu, c’est la première fois qu’il est observé en temps réel.
Cette directrice de recherche au CNRS, biologiste de formation, n’en est pas à son coup d’essai. Voilà plus de vingt ans que Morgane Bomsel s’intéresse aux muqueuses et au VIH. Le domaine est particulier. « Je ne suis pas le sens du courant. » En suivant les lignes de son brillant parcours, on emprunte effectivement des chemins de traverse. Morgane Bomsel ne recule ni devant les difficultés ni devant les échecs. « La recherche, c’est l’art de concrétiser. » Alors, il faut suivre les bonnes pistes.
Comme celle d’un vaccin muqueux pour bloquer le virus. En 1991, elle part travailler à San Francisco (États-Unis) et rencontre la communauté homosexuelle, ravagée par l’épidémie du VIH. Sa réflexion est en marche : et si le virus passait par les muqueuses ? De retour à Paris, du haut de ses 30 ans, elle se fait une place à l’institut Cochin afin d’étudier ces mécanismes.
S’affirmer hors des sentiers battus
Sous l’œil stimulant de Jean-Paul Lévy, elle développe ses idées, agrandit son équipe et publie ses résultats. En 1997, l’article du Pr Mario Clerici fera écho à ses travaux. Il vient de découvrir l’existence de femmes naturellement immunisées contre le VIH, ainsi que la présence d’anticorps spécifiques dans leurs muqueuses sexuelles.
Soutenus dès 2003 par l’entreprise Mymetics, Morgane Bomsel et son équipe commencent à travailler sur le développement d’un vaccin muqueux. La chercheuse explore des pistes qui sortent des sentiers battus. En 2010, des essais conduits sur des singes femelles montrent un taux de protection vaccinale de 100 %.
En 2013, les tests cliniques de phase 1, de toxicité et d’immunogénicité réalisés sur des humains confirment ce premier succès. Mais une période difficile démarre alors pour Morgane Bomsel. Mise à mal, mal comprise, la scientifique peine à se faire entendre. Entre la résonance médiatique de ses avancées et le flou institutionnel, elle vit des heures incertaines.
Car les fonds manquent cruellement pour poursuivre les tests d’efficacité du vaccin sur l’humain. La crise de 2008 a freiné les investissements privés et les financements publics français sont alloués à d’autres domaines. Peu importe, Morgane Bomsel patiente. Elle sait que la mise au point d’un vaccin n’est pas un long fleuve tranquille. Droite dans ses bottes, solide dans ses convictions, elle attend que la roue tourne, que les mandarinats s’essoufflent.
Il y a deux ans, elle a reçu le prix Jaffé de l’Académie des sciences, ainsi que la Légion d’honneur. « Il y a une reconnaissance, même si je ne sais pas d’où elle vient », s’amuse-t-elle. Celle qui a grandi entourée de biologistes rappelle qu’elle vient d’un autre monde, qu’elle n’est pas virologue et qu’elle a appris l’immunologie en suivant des cours intensifs à Amsterdam. « Cela m’a aidé à trouver des solutions différentes. » Une histoire et un décalage qu’elle cultive comme une force.