vih New York City AIDS memorial – Lieu de vie et de réflexion

07.01.20
Yves Jammet
5 min
Visuel New York City
AIDS memorial – Lieu de vie et de réflexion

West Village, The Saint-Vincent’s Triangle. Inauguré le 1er décembre 2016, le monument new-yorkais se situe dans Greenwich Village, au sud-ouest de Manhattan. Un emplacement paradoxal avec, d’un côté, un Village marqué par un esprit de liberté : la bohème, les bars clandestins de la prohibition des années 1920, le jazz au Village Vanguard, les beatniks et les articles du Village Voice, les activistes de la contre-culture des années 1960 et les icônes disco de Village People des années 1970. C’est aussi le quartier historique des minorités sexuelles. S’y trouvent le bar The Stonewall Inn, qui vient de célébrer le cinquantième anniversaire des émeutes en faveur des droits homosexuels, et le centre LGBT, où Keith Haring a peint la fresque Once upon a time sur les murs des toilettes des hommes, peu de temps avant de mourir. En bref, le Village, c’est un esprit de fête.

D’un autre côté, pendant les années 1980-1990, ce quartier a été l’épicentre du VIH. Le centre médical catholique Saint-Vincent a été l’un des premiers hôpitaux des États-Unis à accueillir les malades du sida. Ici, beaucoup ont appris le nom du virus dont ils étaient atteints et dont ils allaient mourir. Beaucoup de parents ont découvert un pan de la vie de leur enfant. Institution d’excellence et accessible aux plus démunis, la notoriété de Saint-Vincent s’est encore accrue avec l’accueil des blessés des attentats du 11 septembre. Mais, l’hôpital, fermé en avril 2010, a été démoli fin 2012-début 2013. Une luxueuse copropriété le remplace qui signe de la gentrification du Village.

Une pergola triangulaire

Le projet de monument proposé par le studio ai architects, lauréat du concours lancé par l’association qui souhaitait créer un lieu commémoratif, a beaucoup évolué entre 2011 et 2016, période de concertation avec les riverains, les associations de militants, le promoteur immobilier et les pouvoirs publics. Aujourd’hui, le terre-plein central situé au pied du condo s’appelle Saint-Vincent’s Triangle. Aménagé en deux parties, il comporte un jardin public, que borde la Septième Avenue, et la pergola qui le prolonge en forme de pointe. Partie la plus visible du monument, cette pergola est constituée de sept grands triangles en acier blanc, ajourés. Quatre servent de toiture, trois de pieds. Chacun d’entre eux est composé de 16 triangles plus petits et de formes diverses : équilatéraux, isocèles, rectangles. Sous la pergola, dans l’axe des rues adjacentes, deux bancs de béton délimitent l’espace du lieu de mémoire. Au centre, une fontaine cylindrique en marbre noir, d’où s’écoule imperceptiblement de l’eau qui fait miroir. Le tout s’éclairant à la nuit tombée.

Symbole de la communauté homosexuelle, le triangle rose a été approprié du jour où la honte sociale s’est transformée en fierté. Act Up a littéralement renversé le triangle rose discriminatoire des nazis pour en faire le triangle de l’affirmation homosexuelle, au moment le plus aigu de la crise du sida. Silence = Death (1986). En proposant une diversité de triangles, le studio ai cherche à traduire la diversité des homosexualités. Dans ce sens, la pergola dit la stabilité et l’instabilité, la force et la fragilité de toutes les relations amoureuses et sexuelles. « C’est à la fois un abri et un lieu ouvert sur la ville. Un lieu de vie et de réflexion », explique Paul Kelterborn, l’un des deux initiateurs du projet.

Un poème en rond

Au pied de la fontaine, des passages du poème Song of myself (Chant de moi-même) de Walt Whitman sont gravés en majuscule dans le granit. En cercles concentriques, tels des ricochets, les vers recouvrent tout le sol du monument.

I celebrate myself, and sing myself,

And what I assume you shall assume,

for every atom belonging to me as good belongs to you.

Je me célèbre moi-même, me chante moi-même,

Et ce que j’assume tu l’assumeras,

Car tous les atomes qui m’appartiennent ne t’appartiennent pas moins.

Ce texte, que Whitman a travaillé de 1855 à 1892, célèbre l’expérience unique d’être en vie tout autant que les États-Unis. En même temps, il marque la naissance de la poésie américaine et a inspiré aussi bien l’auteur des Nourritures terrestres [André Gide] qu’Allen Ginsberg et Patti Smith.

C’est la plasticienne Jenny Holzer qui l’a choisi et l’a disposé ainsi en réponse à l’architecture.

Des mots au poing

Artiste internationalement reconnue, Jenny Holzer utilise visuellement les mots depuis la fin des années 1970. Dès le début de l’épidémie et jusqu’à aujourd’hui, elle s’est associée à la lutte contre le sida. En faisant, entre autres, imprimer des textes sur des emballages de préservatif masculin : « PROTECT ME FROM WHAT I WANT » ou « EXPIRING FOR LOVE IS BEAUTIFUL BUT STUPID » (Untitled, 1985). Depuis 1993, elle a renoncé à utiliser ses propres textes et préfère citer ceux d’auteurs célèbres ou inconnus, ou encore des rapports classés « secret défense ». Aujourd’hui, elle envisage de réaliser une version mobile du monument, via une application, parce que le combat contre le virus continue et quel’art permet de mettre en débat les valeurs conflictuelles sur lesquelles la vie repose ainsi que les solutions contradictoires qu’elle peut commander. Le 1er décembre 2018, depuis le monument, elle a fait rouler dans tout New York une flotte de camions noirs sur les parois desquels des écrans à LED géants blancs donnaient à lire : « I JUST FEEL FUCKING SICK » et « DARE LOVE »* (Lighthefight, 2018).

*« Je me sens malade à en crever » et « Osez l’amour ».

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