vih Omar Bogui : le VIH en héritage

24.01.22
Cécile Josselin
8 min
Visuel Omar Bogui : le VIH en
héritage

L’Afrique concentre la majorité des enfants qui naissent avec le VIH. L’apprentissage de leur séropositivité à l’adolescence est souvent vécu comme un choc. Omar Bogui a vécu cette expérience avant de s’engager dans la lutte contre le VIH au Togo puis en France. Portrait.

Quand il a appris sa séropositivité vers 13-14 ans, Omar Bogui a d’abord été furieux. « Toute ma famille savait mais personne ne m’avait rien dit. Alors, quand ma sœur me l’a appris un jour où je faisais le con, cela m’a profondément choqué et j’ai décidé d’arrêter les traitements et de me laisser mourir », nous confie autour d’un café de la place d’Italie le jeune togolais aujourd’hui âgé de 24 ans.

Loin d’être le seul dans ce cas, le jeune homme, étudiant à Nanterre depuis octobre dernier, a été pris en charge par une association (Action contre le Sida) qui fonde son action sur le mentorat. Les adolescents qui découvrent leur séropositivité sont soutenus et pris en charge par d’autres adolescents qui ont eux-mêmes vécus cette expérience et jouent le rôle de pairs éducateurs. Leur parole a ainsi plus de poids et ils sont plus volontiers écoutés.

Pour Omar, comme pour beaucoup de jeunes de son âge, cette révélation a été un choc d’une rare violence même si, avec le recul, de nombreux éléments auraient pu l’alerter. « Enfant, je tombais souvent malade. Alors, mon grand-père qui était représentant à l’IPPF [un consortium du Royaume-Uni qui s’occupe de la santé en Afrique, ndlr] a décidé vers 2005, à l’insu du reste de ma famille, de demander un dépistage du VIH. Il s’est révélé positif. À partir de là j’ai pris des médicaments et on m’emmenait régulièrement à l’hôpital, mais j’y allais sans me poser de question », nous avoue-t-il.

Même lorsque l’un de ses professeurs donne à l’école un cours sur la reproduction dans lequel il évoque les infections sexuellement transmissibles (IST), Omar ne fait pas le lien entre les ARV (antirétroviraux) dont lui parle son professeur et les médicaments qu’il prend. « Cela m’a traversé l’esprit. J’ai même fait des recherches en ce sens mais j’ai tout de suite rejeté cette hypothèse comme étant impossible. Cela ne pouvait pas m’arriver à moi », considérait le jeune homme alors en plein déni. Il a fallu que sa sœur lui fasse un jour la leçon en lui demandant, parce qu’il négligeait son traitement, s’il savait seulement quels médicaments. Il réalise alors qu’il est séropositif et exige la vérité de sa grand-mère qui lui a alors tout avoué.

Un silence lourd de conséquences

Benjamin d’une fratrie de trois enfants, Omar n’a pas connu son père et a perdu sa mère, qui faisait des tresses à Lomé, vers 4-5 ans. Pour lui, tout cela reste un peu flou, le jeune homme se perdant un peu dans les dates. Il sait juste ce que sa grand-mère, qui l’a élevé jusqu’en 2010 avec son frère, et sa soeur ont bien voulu lui dire. A savoir qu’il a contracté le VIH à la naissance parce qu’il avait été allaité à la maternité par une compagne de chambre de sa mère qui, trop faible, n’avait pas assez de lait.

« Ma grand-mère ne m’a rien dit alors que j’étais enfant pour me protéger, analyse t-il aujourd’hui. Elle a estimé que j’étais trop jeune pour comprendre et accepter le diagnostic mais sur le moment je n’ai pas compris et je me suis révolté. Aujourd’hui, je sais qu’elle a eu raison », admet-il.

Après un passage à vide qui a duré quelques mois, Omar décide de reprendre sa vie en main et de suivre de nouveau son traitement. Remonté à bloc et plein d’ambition, il envisage même un temps de devenir médecin « pour trouver un remède à la maladie » qu’il pense d’abord tester sur lui, avant de revenir à la réalité sur les conseils de sa grand-mère qui le connaît bien.

J’ai vu comment les enfants souffrent et comment il est difficile de leur faire comprendre la nécessité de continuer à prendre leur traitement.

Il s’engage alors dans une licence de sociologie à Lomé toujours dans l’idée de lutter contre le VIH, mais cette fois en s’attaquant à la prise en charge des jeunes enfants et adolescents. Il fait son stage au service social de la structure qui l’a suivi quand il était adolescent. « Là j’ai vu comment les enfants souffrent et comment il est difficile de leur faire comprendre la nécessité de continuer à prendre leur traitement. Parfois, leur propre famille les délaisse, nous explique-t-il. À partir de là, leur cursus scolaire part en vrille et leur vie devient chaotique », s’attriste le jeune homme qui reconnaît à quel point le soutien de sa famille a été pour lui déterminant.

À cette époque, Omar se rend aussi compte de la difficulté à vivre avec ce secret. « La première personne à laquelle je l’ai dit sur un banc de l’école était un camarade de classe qui ne m’a pas cru. La deuxième personne était une fille qui était dans le même cas que moi et la troisième, une autre fille avec laquelle je suis sortie dont la sœur était aussi séropositive. C’était ainsi plus facile, reconnaît-il. Aujourd’hui, je le dis très vite aux femmes avec lesquels je sors. Comme ça, elles sont tout de suite fixées. Soit elles l’acceptent et restent avec moi, soit elles partent », déclare-t-il tout net.

«Démonter les préjugés sur la maladie »

Avec les autres personnes qu’il rencontre, Omar reste plus évasif. Il ne le cache ni ne le dit. Mais comme il est très engagé dans la lutte contre le VIH, il pense que beaucoup s’en doutent. En effet, pour mieux assumer son statut et pour rendre ce qu’on lui a donné, Omar a très tôt décidé de s’investir dans l’action associative. « Après mon stage, j’ai intégré le département de suivi et d’évaluation d’une association. J’étais chargé de déterminer le degré de précarité et de vulnérabilité des enfants et adolescents qui nous étaient envoyés afin de leur attribuer l’aide la plus adéquate. »

Coordinateur de plusieurs projets de Sidaction pour inscrire des jeunes dans la vie professionnelle, Omar a aussi été pair éducateur, ce qui lui a donné l’occasion de convaincre une quinzaine de jeunes de reprendre leurs traitements. « C’est important de les intégrer dans ce processus », assure le jeune homme qui milite également pour qu’on leur laisse des postes dans les conseils d’administration des associations de lutte contre le VIH. 

Sensibiliser les gens atteints ou non par le virus à la réalité du VIH est un autre aspect de la mission qu’il s’est confiée. Comme il l’a fait au Togo pour une organisation non gouvernementale, il continue aujourd’hui à le faire en France via une plateforme Whats’app et Facebook montée à l’occasion de la crise sanitaire avec l’aide de Sidaction.

« Cela permet de démonter les préjugés sur la maladie. Il y a encore des gens qui ont des à-priori et pensent que les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont été contaminées parce qu’elles se vouaient à une vie de débauche. Même des gens qui sont engagés dans la lutte contre le VIH », a t-il pu constater avec stupeur il y a quelques mois. « Je suis sorti au Togo avec une femme de 28 ans qui était parfaitement au courant de ma séropositivité. Je menais des actions de sensibilisation contre le VIH tous les 1er décembre avec sa mère mais quand ma petite amie est tombée enceinte, elle s’est faite avorter de peur de le dire à sa mère qui n’était pas au courant de notre relation et qui a très mal réagi en l’apprenant. Cela m’a beaucoup choqué », nous confie le jeune homme.

En France où il a débuté en octobre un master en démographie sur un sujet sans rapport avec le VIH, Omar entame une nouvelle période de sa vie qu’il souhaite élargir à d’autres domaines. Son rêve : aller jusqu’au doctorat, devenir enseignant-chercheur pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et continuer à défendre les droits les PVVIH à travers le monde. On le lui souhaite. 

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