vih Où va la jeune recherche contre le VIH ?

08.10.24
Angeline Rouers
7 min
Visuel Où va la jeune recherche contre le VIH ?

Une connaissance plus fine de son fonctionnement, une offre de traitements et d’outils de prévention accrue, une meilleure prise en charge des personnes : le VIH n’en finit pas de stimuler les enjeux d’une recherche multidisciplinaire et de mobiliser l’intérêt de jeunes chercheurs, soutenus par Sidaction.

Si les mécanismes de fonctionnement du VIH, étudiés depuis plus de quarante ans, sont aujourd’hui bien connus, ils présentent encore des zones d’ombre. Thomas Serrano, en dernière année de thèse à l’Institut Pasteur (Paris), s’intéresse à l’une d’entre elles. «J’ai étudié les interactions entre hôtes et pathogènes très tôt dans mon cursus universitaire, explique-t-il. J’ai vite compris la singularité et la complexité du VIH. »

La réplication virale

Les recherches de Thomas serrano portent sur l’une des dernières étapes de la réplication virale, lorsque le VIH bourgeonne de la cellule pour s’en extraire. Ce jeune chercheur s’intéresse au rôle de protéines connues pour leur implication dans la division cellulaire. Ses découvertes pourraient permettre de développer de nouvelles molécules antivirales pour combattre le VIH. « Imaginer les applications concrètes de mon travail est ce qui me motive au quotidien », révèle-t-il.

Alexandre Legrand vient de soutenir sa thèse, financée par Sidaction, au Centre international de recherche en infectiologie (Lyon). Elle porte également sur les mécanismes de réplication virale. « Mon intérêt pour le VIH est né de mes cours de biologie, rapporte-t-il. J’étais fasciné par ce virus qui défie le système immunitaire et qui est, encore aujourd’hui, une priorité à combattre. » Alexandre étudie les gènes SAMD9 et SAMD9L, qui jouent un rôle dans la réponse immunitaire. Quand SAMD9L est activé, il bloque la réplication du VIH, contrairement à SAMD9.

Alexandre s’intéresse notamment à l’expression de ces gènes chez les primates. Les études ont révélé que les bonobos ont perdu le gène SAMD9, tandis que SAMD9L a muté afin de renforcer son effet antiviral. L’hypothèse est que ces adaptations se sont produites en réponse à des épidémies virales anciennes. Les travaux d’Alexandre apportent de nouveaux éléments dans la compréhension des défenses naturelles contre les virus, dont le VIH. «Mieux comprendre nos défenses, c’est les aider à mieux combattre ! » affirme-t-il.

Le système immunitaire

Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sous traitement antirétroviral (ARV) ne contrôlent pas l’infection de la même façon. Par exemple, certaines d’entre elles ne restaurent pas leur taux initial de lymphocytes T CD4, alors que les ARV permettent de contrôler la charge virale en la rendant indétectable. On parle de PVVIH immunodiscordantes.

Pour mieux comprendre ce phénomène, la recherche translationnelle, qui se positionne entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, est un bon outil. En particulier pour Charlotte Silvestre : « Je suis pharmacienne de formation. Mon projet me permet de m’investir de façon plus concrète dans le suivi des patients. »

Doctorante, en dernière année de thèse à l’Institut de recherche en infectiologie (Montpellier), Charlotte essaye de comprendre le fonctionnement du système immunitaire et se penche notamment sur une population de cellules : les Natural Killer (NK). Ce sont des lymphocytes capables de tuer les cellules infectées. La présence de vésicules extracellulaires pro-inflammatoires pourrait être à l’origine d’une dérégulation des cellules NK et empêcherait leur bon fonctionnement contre le VIH. Grâce à ce projet, Charlotte met aussi en pratique ses connaissances de pharmacienne en évaluant l’efficacité d’un médicament antirétroviral, le temsavir, à améliorer les fonctions des cellules NK chez les PVVIH immunodiscordantes.

Les sciences sociales à la rescousse

Comprendre le fonctionnement du virus et la réponse du système immunitaire est crucial pour développer de nouvelles molécules thérapeutiques et des vaccins. Encore faut-il connaître les besoins – parfois très spécifiques – des populations les plus vulnérables au virus. Tous les nouveaux traitements ou vaccins nécessitent une bonne « adhésion » des publics concernés afin d’assurer leur succès. Les recherches en sciences sociales sont alors primordiales, bien que souvent mises de côté.

« Les financements des études en sciences sociales sur le VIH/sida sont de plus en plus rares, précise Lucille Gallardo, chercheuse postdoctorante à l’université d’Aix-Marseille. Sidaction est une des seules structures à soutenir ce type de projet, dont le mien, qui porte sur la sociohistoire de l’action publique étrangère française contre le sida entre 1981 et 1994. »

Durant sa thèse, Lucille a d’abord observé l’action associative contre le sida. Son projet de postdoctorat s’inscrit dans la continuité. « Après avoir étudié l’aspect associatif, j’analyse l’action publique, précise-t-elle. Comprendre les politiques publiques antisida – comment sont-elles formulées et qui en sont les acteurs – permettra de mieux agir dans la mobilisation contre le sida. »

Un des points de son projet est d’étudier le rôle des « sachants » dans la formulation de ces politiques. « Le rôle des médecins experts m’intéresse particulièrement. Dans la récente épidémie de Covid-19, les comités d’experts ont joué un rôle dans les décisions politiques, explique-t-elle. Nombre de ces experts sont d’ailleurs aussi reconnus dans le domaine du VIH. Je souhaite mieux analyser leur rôle et l’impact qu’ils ont eu dans la formulation de politiques de lutte contre le sida. »

Les interventions portant sur la prévention, l’information en santé sexuelle ou encore la facilitation de l’accès au soin se sont multipliées ces dernières décennies. Pourtant, certaines populations sont encore négligées et restent donc potentiellement plus à risque d’exposition au VIH. C’est le cas, par exemple, des personnes transmasculines, qui font l’objet de la thèse d’anthropologie de Paul Rivest à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (Aix-en-Provence).

« Les hommes trans sont très peu considérés dans les actions de prévention mises en place en santé publique, constate Paul. Mon but est de rendre visible une population invisible. La plupart des études menées sur les personnes trans se sont focalisées sur les femmes trans, celles sur les hommes trans sont extrêmement rares. » La sexualité des personnes transmasculines présente des particularités et s’avère complexe, il est nécessaire de la comprendre afin de mieux les prendre en charge.

En soutenant des projets multidisciplinaires, Sidaction permet de faire avancer la recherche sur tous les fronts. Thomas, Alexandre, Charlotte, Lucille et Paul ont tous reconnu l’importance de cette multidisciplinarité. « Plusieurs événements auxquels nous sommes conviés sont coorganisés par Sidaction tout au long de l’année. Ce sont des lieux d’échanges avec des intervenants dans tous les domaines », présente Charlotte. « C’est ce qui me motive à m’investir encore plus dans mon projet, cela permet aussi de créer des vocations », ajoute Thomas.

La génération actuelle de jeunes chercheurs est souvent née après la découverte du VIH, mais tous en sont venus à la même conclusion : le VIH touche toujours des millions de personnes chaque année ; la lutte doit continuer.

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