vih Papillomavirus humain et cancer : où en est la recherche ?

11.10.17
Angeline Rouers
7 min

HPV : Quèsaco ?

Le papillomavirus humain (HPV pour Human Papillomavirus, en anglais) infecte les cellules épithéliales de la peau et des muqueuses et se transmet généralement par voie sexuelle. Il existe plus de 100 types différents d’HPV, certains étant plus nocifs que d’autres. Il est d’ailleurs possible et fréquent d’être infecté par plusieurs types d’HPV en même temps. La plupart du temps, ils sont à l’origine d’une infection asymptomatique qui disparaît d’elle-même après un ou deux ans grâce à l’action du système immunitaire. Mais quelques types d’HPV peuvent persister dans l’organisme et causer des lésions bénignes (c’est le cas par exemple des HPV6 et HPV11) ou, de façon plus grave, causer des cancers sur le long terme. On parle alors de virus oncogènes. Les HPV16 et HPV18 seraient ainsi responsables de près de 70 % des cancers du col de l’utérus.

De l’infection par le HPV au cancer

Une infection par un HPV oncogène n’aboutit pas nécessairement à un cancer, même lorsqu’il s’agit des types HPV16 et HPV18. La prévalence du cancer est estimée à 10 % lors d’infections persistantes.

Les HPV sont généralement associés aux cancers génitaux (col de l’utérus, pénis, vulve, vagin, anus), mais aussi aux cancers des voies aérodigestives supérieures (ils sont responsables de 35 % des cancers des amygdales). Concernant les cancers du col de l’utérus, 99 % sont causés par une infection par un HPV.

Le virus oncogène modifie les cellules qu’il infecte. Dans le cas du col de l’utérus, il s’agit des cellules épithéliales de l’utérus. De telles modifications entraînent une désorganisation de l’épithélium utérin et créent des lésions précancéreuses. Le HPV est aussi capable de produire des protéines oncogènes (E6 et E7) qui affaiblissent le système immunitaire de façon à ce que l’infection puisse persister1.

Ensuite, soit les lésions précancéreuses régressent et disparaissent, soit elles perdurent et peuvent mener à un cancer, dix à vingt ans plus tard. D’où la nécessité pour les femmes de faire des frottis réguliers, qui permettent de détecter et traiter ces lésions (voir p. 32). Cette technique, très courante et spécifique, a cependant ses limites, notamment pour détecter des lésions plus avancées, dites de haut grade. Les recherches travaillent à l’amélioration de la sensibilité des tests pour mieux prévenir les cancers. Par exemple, il est aujourd’hui possible de coupler l’analyse cytologique classique à la détection de marqueurs précancéreux (p16 et Ki-67), permettant de détecter des lésions de haut grade passées au travers des mailles du filet2.

Le HPV est aussi capable de produire des protéines oncogènes (E6 et E7) qui affaiblissent le système immunitaire de façon à ce que l’infection puisse persister.

Le HPV est aussi capable de produire des protéines oncogènes (E6 et E7) qui affaiblissent le système immunitaire de façon à ce que l’infection puisse persister.

Le cancer du col de l’utérus en chiffres

Selon les dernières données recueillies par l’agence nationale Santé publique France, le cancer du col de l’utérus occupe la 11e place des cancers les plus fréquents chez les femmes en France métropolitaine. En 2012, 3 000 nouveaux cas et 1 100 décès ont été rapportés. Des chiffres qui sont néanmoins en baisse depuis 1980 (respectivement en moyenne –2,5 % et –3,2 % par an, avec une diminution moins marquée depuis 2000). La prévalence du cancer du col de l’utérus est dépendante de l’âge, avec une nette augmentation du risque après 40 ans. Ainsi, tandis que 9 femmes sur 10 diagnostiquées avant 45 ans survivraient à leur cancer après cinq ans, le ratio chute à 3 femmes sur 10 lors d’un diagnostic posé après 75 ans. Il est important de noter que pas moins de 40 % des femmes ne réalisent pas leur frottis de dépistage dans les temps. Une étude récente, menée par Stéphanie Barré et ses collègues, de l’Institut national du cancer, met en avant des raisons économiques ainsi que d’autres critères, tels que l’âge (diminution des dépistages après 50 ans), une invalidité ou encore l’existence de pathologies chroniques, comme le VIH13.

VIH, HPV et cancer

L’infection par les HPV touche davantage les femmes infectées par le VIH que les femmes séronégatives (environ 60 % de prévalence contre 30 %). La persistance du virus est également plus importante, en particulier chez les femmes très immunodéprimées, entraînant une apparition plus fréquente de lésions précancéreuses et le développement accru du cancer du col de l’utérus. Le cancer anal est aussi plus répandu. Les travaux menés par Isabelle Heard, du Centre national de référence des HPV à l’Institut Pasteur (Paris), annoncent même une plus forte prévalence des HPV à haut risque (HPV16 en tête) dans le canal anal (47,6 %) comparé au col de l’utérus (26,4 %) chez les femmes vivant avec le VIH4. D’où la nécessité de leur proposer un dépistage des lésions précancéreuses anales en routine. D’autant plus que, comme les lésions utérines, les lésions anales sont plus fréquentes et plus difficiles à traiter lors d’une immunodépression sévère.

Vers un vaccin thérapeutique

Bien qu’un vaccin prophylactique existe depuis plusieurs années, son utilisation en France est malheureusement insuffisante, et les chercheurs mettent aujourd’hui beaucoup d’espoir dans le développement d’un vaccin thérapeutique. Et bien que ce vaccin n’ait pas pour but de prévenir l’infection, il vise en tout cas à prévenir l’apparition d’un cancer.

De nombreuses stratégies ont ainsi été imaginées pour cibler et détruire les cellules épithéliales infectées par le HPV et donc pour éliminer les lésions précancéreuses5. Certaines d’entre elles sont basées sur l’administration de petits morceaux inoffensifs du virus : des protéines ou peptides (libres ou dans un vecteur d’expression) ou des vaccins à base d’ADN. Il est aussi possible d’apprendre aux lymphocytes ex vivo à reconnaître les HPV, puis de les réinjecter dans l’organisme. Ou encore, des chercheurs envisagent d’utiliser des anticorps capables de bloquer spécifiquement des molécules à la surface des lymphocytes de façon à les rendre plus performants dans leur activité cytotoxique contre les cellules infectées.

De nombreuses études en cours qui laissent entrevoir un futur bien différent dans le traitement des lésions précancéreuses, notamment dans la prévention du cancer du col de l’utérus. Mais, à nouveau, la mise en place de ces stratégies nécessite de connaître l’existence de ces lésions et donc d’être dépisté à temps !

Notes

1 – Shen-Gunther J et al., “Deep sequencing of HPV E6/E7 genes reveals loss of genotypic diversity and gain of clonal dominance in high-grade intraepithelial lesions of the cervix”, BMC Genomics, 2017.

2 – Possati-Resende JC et al., “The accuracy of p16/Ki-67 and HPV test in the detection of CIN2/3 in women diagnosed with ASC-US or LSIL”, PLoS One, 2015.

3 – Barré S et al., « Caractérisation des femmes ne réalisant pas de dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis cervico-utérin en France », BEH, 2017.

4 – Heard I et al., “Prevalence of and Risk Factors for Anal Oncogenic Human Papillomavirus Infection Among HIV-Infected Women in France in the Combination Antiretroviral Therapy Era”, J. Infect. Dis., 2016.

5 – Skeate JG, et al., “Current therapeutic vaccination and immunotherapy strategies for HPV-related diseases”, Hum Vaccin Immunother, 2016.

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