Le président de la République devrait s’exprimer ce dimanche 26 juin sur la participation financière de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida pour les trois prochaines années.
Les associations ont lancé cette semaine un appel solennel à François Hollande, inquiètes de l’atermoiement des autorités sur la participation de la France à la reconstitution des ressources du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la période 2017-2019. Le président de la République est attendu sur le sujet à l’occasion du festival Solidays (24-26 juin). Pour ceux qui soutiennent le Fonds mondial, la France doit a minima conforter les engagements pris sur la période précédente.
La France aime faire durer le suspense, quitte à entretenir le grand flou. Alors que de nombreux pays annoncent déjà une hausse de leurs efforts en faveur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le second contributeur mondial (derrière les Etats-Unis) reste silencieux. A trois mois d’une conférence cruciale de reconstitution des ressources à Montréal, les autorités françaises sont pressées par les acteurs de santé de dévoiler leurs intentions.
Malgré les assurances régulières de François Hollande, et plus récemment de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, devant les Nations Unies, aucun engagement financier concret n’a pour l’instant été mis sur la table. Le Quai d’Orsay, qui a la maîtrise du stratégique « programme 209 » (budget dédié à la politique de développement), n’a pas pipé mot. Les questions au gouvernement de plusieurs députés, dont récemment Géneviève Fioraso et Romain Colas (PS), sont restées lettre morte. Selon plusieurs sources associatives, François Hollande devrait mettre un terme au suspense en se prononçant ce week-end, à l’occasion de festival de musique Solidays. Une éventualité qui ne nous avait pas encore été confirmée, jeudi, par l’Elysée. Au cas où, les défenseurs français du Fonds mondial ont décidé de mettre un coup de pression.
La dernière salve est venue cette semaine d’un sondage Ifop – un brin orienté – commandé par Coalition Plus (collectif regroupant notamment Aides et l’Association de Lutte Contre le Sida au Maroc). On y apprend que 7 Français sur 10 estiment que la lutte contre le sida est un objectif prioritaire de l’aide au développement, et que 75% pensent qu’une aide technique et financière en direction des pays en développement peut réduire l’extension ou l’apparition de certaines pandémies. Ils sont ainsi en accord avec les objectifs d’Onusida visant à éradiquer le sida d’ici 2030… à condition, bien sûr, que les contributeurs mondiaux augmentent drastiquement leurs efforts de près de 6 à 7 milliards d’euros par an. « L’opinion française et la communauté internationale ont conscience des enjeux et du peu qu’il manque pour arriver à un monde sans sida », observe dans un communiqué conjoint du collectif Aurélie Beaucamp, le président d’Aides.
Les Français soutiennent massivement
Une promesse, ça engage
Les acteurs associatifs se rappellent aussi des garanties apportées par François Hollande voici maintenant trois ans. Il avait promis de la constance, avec l’effort de 360 millions par an sur la période précédente (2014-2016). Cette promesse a-t-elle été honorée ? La participation française au Fonds mondial repose sur deux sources de financement, le budget dédié à la politique de développement (programme 209), et les recettes des taxes sur les billets d’avion et sur les transactions financières (TTF). Or, il apparaît que, pour maintenir un budget constant, les recettes de ces taxes ont eu un rôle majeur. « François Hollande avait promis une hausse de l’aide publique au développement », nous explique Alix Zuinghedau, responsable du plaidoyer bailleurs chez Coalition Plus. « Résultat : on a eu l’inverse. Les recettes des taxes devaient être additionnelles, en réalité cela s’est terminé avec un système de vase communiquant. Les taxes ont rapporté 900 millions d’euros dont nous n’avons pas vu la couleur ».
A l’Assemblée, nous sommes nombreux, sur tout les bancs, à estimer que la France doit a minima tenir son rang pour des raisons humanitaires et morales
Du côté du programme 209, les députés ont sauvé in extremis, en 2016, le budget dédié à l’aide publique au développement, que l’exécutif envisageait de réduire de 217 millions en 2013 à 127 millions en 2016. « Pour 2017, c’est un point de vigilance », admet le député PS de l’Essonne Romain Colas. « Nous attendons les orientations présidentielles. A l’Assemblée, nous sommes nombreux, sur tout les bancs, à estimer que la France doit a minima tenir son rang pour des raisons humanitaires et morales. » « La France doit concrétiser ses discours en annonçant a minima le maintien de sa contribution à hauteur de 1.08 milliard d’euros pour 2017-2019 », a également jugé le collectif Santé Mondiale, dont fait partie Sidaction. Les associations attendent en outre l’aboutissement des négociations sur la TTF européenne, qui permettrait de dégager 5 milliards de recettes par an. « L’équivalent de ce qu’il faudrait pour mettre fin à l’épidémie de sida », rêve Alix Zuinghedau.
Les déclarations récentes des autorités peuvent laisser espérer l’annonce par François Hollande d’un maintien de la participation de la France, premier contributeur par habitant au Fonds mondial. La pression internationale pourrait également jouer. Récemment, plusieurs pays ont annoncé, chacun à leur mesure, des hausses budgétaires en faveur de la lutte contre le sida. Les Etats-Unis, premier contributeur du Fonds mondial en valeur absolue, vont créer un fonds d’investissement de 100 millions d’euros pour les « populations clés » de l’épidémie. S’agissant spécifiquement du Fonds mondial, le Canada, pays hôte de la conférence de reconstitution en septembre, a décidé de relever de 20% son effort (541 millions d’euros sur trois ans). Le Japon, forcé de compenser la chute du yen par rapport au dollar, a augmenté son effort de 46%. Au-delà des efforts symboliques, comme celui du Portugal (+ 50%, à 50.000 euros pour 2016), l’Union européenne promet une hausse de 27%. Diplomatiquement, difficile de laisser penser que la France n’honorerait pas sa part dans cette tendance. « Je suis résolument optimiste », explique Romain Colas. « Jusqu’à présent, François Hollande a affiché sa détermination sur le sujet. »
Les raisons d’y croire
La France doit-elle se contenter d’un maintien a minima de sa participation, alors que l’éradication des pandémies nécessiterait de monter à 35 milliards d’euros par an selon Coalition Plus ? Le collectif milite aujourd’hui pour que François Hollande annonce une hausse effective de l’effort national. Réaliste ? « La maintien, c’est un minimum. Ce qui nous rendrait vraiment optimistes, ce serait des probabilités élevées », résume Alix Zuinghedau, sans chiffrer de montant. Cet effort financier dépendrait des perspectives budgétaires de la France pour 2017, dernier budget du quinquennat avant les élections. Tout un programme…