Le décryptage des mécanismes conduisant à une rémission de l’infection par le VIH après l’arrêt des traitements a pour objectif d’identifier les facteurs, éventuellement génétiques, permettant au système immunitaire de contrôler la réplication virale.
Pourquoi certaines personnes vivant avec le VIH présentent-elles un contrôle du virus plusieurs années après l’arrêt des traitements? Ces rares cas de rémission à long terme suscitent beaucoup d’intérêt et font l’objet de plusieurs recherches à travers le monde afin d’en comprendre les mécanismes, et ce, dans l’espoir de les reproduire chez d’autres patients. Présenté l’été dernier à Paris, lors de la 9ème IAS, le cas d’une fillette sud-africaine a de nouveau attiré l’attention. Née d’une mère séropositive et infectée à la naissance par le VIH, elle a été placée sous traitement à l’âge de 2 mois, avant que celui-ci ne soit interrompu dix mois plus tard. À 9 ans, elle présentait encore une charge virale indétectable. Il s’agit du troisième cas connu de rémission sans traitement observé chez un enfant.
Une combinaison complexe à l’étude
En France, la cohorte Visconti réunit 23 adultes en rémission depuis douze ans en moyenne, après avoir pris un traitement pendant près de quatre ans. « Tous ces patients ont un point commun · ils ont bénéficié très tôt d’un traitement antirétroviral, initié dès la phase de la primo-infection», c’est-à-dire en moyenne dans les dix semaines qui ont suivi la contamination, précise la P’ Christine Rouzioux, du CHU Necker (Paris) et administratrice de Sidaction, qui coordonne l’étude. Les travaux menés auprès de ces patients ont montré qu’un traitement précoce permet de préserver l’activité des cellules NK (Natural Killer, pour « cellules tueuses naturelles» en français), des cellules du système immunitaire particulièrement impliquées dans le contrôle de l’infection. La constitution de réservoirs viraux se retrouve ainsi limitée. « La mise sous traitement précoce est nécessaire pour bloquer l’expansion des réservoirs dans l’organisme, mais elle n’est sans doute pas suffisante, il faut aussi un terrain favorable, indique Christine Rouzioux. Il s’agit certainement d’une combinaison complexe de plusieurs facteurs. »
« Différents mécanismes semblent associés, confirme le D’ Asier Saez-Cirion, de l’Institut Pasteur (Paris), également investi dans l’étude Visconti. Pour obtenir une rémission, il faut un équilibre entre un réservoir viral suffisamment restreint pour que la multiplication du virus soit limitée et une réponse immunitaire efficace. Nos derniers résultats suggèrent l’influence de certains facteurs génétiques. Il reste à déterminer les marqueurs prédictifs pour sélectionner les candidats susceptibles d’atteindre une rémission virologique durable après arrêt des traitements. » Le chercheur espère tester la stratégie sur une population cible d’ici deux ans. En attendant, il est fortement déconseillé d’expérimenter soi-même l’interruption thérapeutique. « Cela pourrait au contraire renforcer les réservoirs viraux, alerte la Pr Rouzioux. Surtout si le traitement a été initié longtemps après la primo-infection. »