vih Patrick Fouda, l’activiste qui porte la voix des jeunes

13.06.24
Sonia Belli
7 min
Visuel Patrick Fouda, l’activiste qui porte la voix des jeunes

Cofondateur et directeur exécutif du Réseau Afrique de l’Ouest et Afrique centrale d’adolescents et jeunes positifs, Patrick Fouda redonne une voix à ce public, souvent mis à l’écart des politiques de santé qui le concernent pourtant directement.

Activiste et travailleur social, Patrick Fouda, âgé de 27 ans, se consacre à la lutte contre le VIH/sida chez les adolescents et les jeunes depuis près de dix ans. « C’est un engagement personnel qui est lié aux épreuves que j’ai traversées, explique-t-il. Je vis avec le VIH depuis mon enfance, mais j’ai eu à faire face à d’autres combats. Le premier a été de retrouver ma mobilité, après avoir été paralysé à 12 ans du cou jusqu’aux jambes à cause de mon traitement. Je n’ai donc pas tout de suite été confronté à ce qu’implique de vivre le VIH/sida. »

Une fois sa mobilité retrouvée, Patrick Fouda commence à participer, vers 18-19 ans, à des groupes de parole pour adolescents vivant avec le VIH. En écoutant les difficultés rencontrées par ses pairs, le jeune homme a une prise de conscience : « J’ai ressenti l’obligation de mettre à contribution la force acquise lors des épreuves que j’avais endurées pour renforcer les jeunes vivant avec le VIH ». Cette conviction l’amène à intégrer un programme de pairs éducateurs, financé par l’ONG sud-africaine Paediatric-Adolescent Treatment Africa (PATA), via le programme Re-Engage Adolescents and Children with HIV (REACH). Il participe ensuite à la création de Jeunesse Positive, première association d’adolescents vivant avec le VIH au Cameroun, qui devient, en 2020, le Réseau camerounais des adolescents et jeunes positifs (RéCAJ+).

Fédérer les jeunes vivant avec le VIH/sida

Quelque temps après, lors d’une conférence sur le VIH organisée à Dakar (Sénégal), Patrick Fouda est mis en contact avec les ambassadeurs du réseau Grandir Ensemble, dédié à la prévention et à la prise en charge du VIH/sida chez l’enfant et l’adolescent en Afrique francophone. « À la suite de cette rencontre, une impression que j’avais déjà s’est confirmée : dans les autres pays francophones, mes pairs étaient confrontés aux mêmes difficultés que j’avais rencontrées pour fonder Jeunesse Positive et le RéCAJ+ au Cameroun, se souvient-il. Les ambassadeurs de Grandir Ensemble, par exemple, se trouvaient limités dans leurs actions par les associations tutélaires, toutes composées d’adultes qui encadraient les jeunes. »

Le RéCAJ+, avec l’assistance technique du Bureau régional Afrique de l’Ouest et Afrique central de l’Onusida, mène une étude qui vise à cartographier les organisations dirigées par des jeunes vivant avec le VIH dans les pays francophones de ces deux régions. Cette étude avait pour objectif secondaire d’évaluer l’environnement dans lequel évoluent ces organisations et ces groupes. Elle a identifié huit organisations, pour la plupart embryonnaires, à l’exception du Réseau national des jeunes vivant avec le VIH (RNJ+) au Burundi et du RéCAJ+ au Cameroun. L’idée de créer un réseau régional pour les fédérer émerge. « En décembre 2023, la restitution de cette étude s’est déroulée à Yaoundé [Cameroun], en présence des pays participants. Elle a aussi tenu lieu de première assemblée générale, au cours de laquelle le Réseau Afrique de l’Ouest et Afrique centrale d’adolescents et jeunes positifs (RAJ+ AOC) a été officiellement créé », confirme Patrick Fouda.

Sensibiliser et responsabiliser

Le RAJ+ AOC se fixe pour objectifs de sensibiliser sur les défis spécifiques que doivent relever les jeunes vivant avec le VIH, de renforcer les capacités des organisations dirigées par des jeunes et de lutter contre la stigmatisation et la discrimination. « Il faut comprendre le contexte dans lequel nous nous trouvons en matière de lutte contre le VIH chez les enfants, les adolescents et les jeunes : la zone Afrique de l’Ouest et Afrique centrale est la plus en retard au monde, souligne Patrick Fouda. Le VIH de l’enfant et de l’adolescent a tendance à être caché, car il expose aussi la famille et, plus globalement, l’échec des programmes et des systèmes de santé mis en place pour éviter la transmission du VIH de la mère à l’enfant. »

Pour rendre visibles ces questions, les actions du RAJ+ AOC se concentrent d’abord sur le plaidoyer. Dans chaque pays où il est présent, le réseau œuvre aussi à renforcer le leadership et les capacités institutionnelles des organisations dirigées par des jeunes vivant avec le VIH. « Nous estimons qu’il est indispensable que la population concernée s’implique activement et dispose de toutes les ressources nécessaires, sans quoi il n’est pas possible d’obtenir des résultats satisfaisants », précise Patrick Fouda. En parallèle, le RAJ+ AOC mène de nombreuses activités de lutte contre la stigmatisation et la discrimination : campagnes de communication, plaidoyer, offres de service de dépistage et de traitement, etc.

Des défis encore nombreux

« Nous nous aventurons sur un terrain qui n’a pas été suffisamment exploré en plus de quarante ans de lutte contre le VIH/sida, poursuit le directeur exécutif du RAJ+ AOC. Cela signifie que nous partons pratiquement de zéro en termes d’analyse et d’actions concrètes à mener. Nous avons donc commencé par essayer de clarifier les difficultés qui se présentaient à nous. »

Les défis sont de plusieurs ordres. Les premiers sont liés à l’environnement général. Culturellement, en Afrique de l’Ouest et du Centre, il est peu courant de voir des adolescents ou des jeunes s’exprimer publiquement devant des adultes, et ce, d’autant moins sur des problématiques comme le VIH/sida. « Nous sommes aussi confrontés à des difficultés financières, poursuit l’activiste. Nous sommes tous bénévoles, ce qui est une bonne chose, mais il est nécessaire, à un moment donné, de rendre cet engagement plus professionnel, et cela ne va pas sans la mise à disposition de ressources qui ne sont pas toujours disponibles dans notre contexte. » Enfin, la stigmatisation et la discrimination restent encore très fortes, avec des préjugés persistants, associant la maladie au seul mode de transmission sexuelle et à des comportements jugés moralement condamnables. « Pourtant, pour la majorité d’entre nous, la contamination vient de l’échec de la prévention de la transmission de la mère à l’enfant », souligne Patrick Fouda.

Passer le flambeau

Ce réseau effectue actuellement un travail de profonde structuration et de préparation de la relève. Patrick Fouda, ainsi que les autres leaders du RAJ+ AOC, envisage d’ores et déjà de passer le flambeau. « Que nous le voulions ou non, nous avons acquis de nombreuses compétences au fil de ces années d’engagement, notamment en gestion de projet, en plaidoyer et en mobilisation des ressources. L’étape suivante consistera donc à les capitaliser et à les valoriser pour en faire quelque chose d’utile, explique-t-il. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans des pays où l’employabilité est une préoccupation majeure. Mais comment valoriser ces compétences et dans quel cadre ? Cela reste encore à déterminer. Ce sont donc nos deux gros chantiers actuels, en dehors de celui lié à l’existence même de RAJ+ AOC : nous travaillons à ce que d’ici à 2030, la date de clôture de tous nos agendas sur le VIH, nous ayons fait suffisamment de progrès sur la prise en charge du VIH chez les adolescents et les jeunes, et que ces progrès aient été le fruit de nos actions concrètes sur le terrain. »

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