vih Paul Farmer : « Things are not the way they should be »

07.03.22
Vincent Douris
5 min
Visuel Paul
Farmer : « Things are not the way they should be »

Médecin et anthropologue, Paul Farmer est décédé le 21 février dernier à Kigali, Rwanda. Professeur d’université et chef du département de santé globale et de médecine sociale de l’école de médecine de Harvard, il était cofondateur, en 1987, de l’organisation non gouvernementale Partners in Health.

Parmi ses premiers engagements, on retient l’attention qu’il porte au VIH/sida en Haïti. A la fin des années 1980, Partners in Health mène des actions de prévention et de dépistage dans ce pays, puis introduit les premiers programmes de prévention de la transmission mère-enfant à compter de 1995/1996. Précurseur, ce programme s’étend à la prise en charge médicale et thérapeutique des personnes malades à la fin des années 1990. 

Sensible aux enjeux sociaux de la maladie, Paul Farmer et Partners in Health promeuvent l’implication d’accompagnateurs aux côtés des soignants, dans une approche communautaire, et organisent un soutien financier aux malades les plus démunis. Cette expérience le conduit à dénoncer sans relâche la violence structurelle des inégalités sociales, ancrées dans des processus historiques et économiques qui non seulement façonnent l’exposition au risque d’infection mais déterminent également les conditions d’accès au dépistage et aux soins. Contre ceux qui doutaient de l’efficacité des programmes de soins et de l’impact des antirétroviraux dans les contextes de pauvreté, Paul Farmer mettait en avant les succès obtenus par son équipe en Haïti, l’un des pays les plus pauvres et les plus frappés par l’épidémie de sida.

Au cours des années 1990, il poursuit la dénonciation de la croissance des inégalités, et notamment des inégalités de santé, et de l’imposition d’un modèle de marché aux questions de santé publique. « L’expérience de ceux qui sont pauvres et malades, malades, biens souvent, parce qu’ils sont pauvres, nous rappelle que les inégalités d’accès constituent le drame majeur de la médecine moderne [i}. » 

Au début des années 2000, il s’élève contre la très faible couverture en antirétroviraux des pays en développement et contre les arguments qui viennent freiner l’accès à ces médicaments. Pour lui, la disponibilité de ces thérapies n’est rien moins qu’une « question litigieuse de santé publique et de droits humains » [ii], reconnue aujourd’hui comme le scandale d’un passé proche, celui du retard dans l’accès aux antirétroviraux des pays qui en avaient le plus besoin.

Convaincre par l’illustration

Dans ses articles, Paul Farmer s’appuie régulièrement sur des vignettes biographiques pour illustrer son propos : il choisit de convaincre par l’illustration. Les histoires singulières qu’il présente, le grain des voix qu’il fait entendre, lui permettent de rendre sensible « le fait d’occuper le bas de l’échelle sociale dans une société inégalitaire » [iii]. Elles étayent son argumentation contre les logiques médico-économiques qui dénient aux pauvres l’accès à des traitements et à des technologies couteuses, et qui redoublent ainsi le fardeau des violences structurelles.

Plus récemment, Paul Farmer s’était prononcé en faveur d’un plan d’accès universel à la vaccination, au dépistage et aux traitements anti-covid. Constatant que le système de distribution de vaccins aux pays à revenu faible ou intermédiaire (l’initiative Covax en particulier) n’en n’avait pas garanti la répartition équitable, il en appelait à une renonciation temporaire aux règles de la priorité intellectuelle ainsi qu’au renforcement du transfert de technologie pour encourager la production locale de vaccins, soutenant ainsi l’initiative portée par l’Afrique du Sud et l’Inde devant l’Organisation Mondiale du Commerce [vi].

Auteur de nombreux livres et articles, Paul Farmer était également, depuis 2007, l’éditeur de la revue Health and Human Rights, succédant à Jonathan Mann, son fondateur en 1994, et à Sofia Gruskin. A l’occasion des 25 ans de la revue, il célébrait, avec ses co-auteurs, la mémoire de Jonathan Mann, initiateur du mouvement qui associe santé et droits humains. Il rappelait combien cette approche était ancrée dans l’histoire de la lutte contre le sida, dans le refus des discriminations longtemps associées à cette maladie. Il en appelait à double approche de réduction des inégalités et de promotion des droits, deux « approches complémentaires permettant de définir et de faire progresser le bien-être humain [v]. »

En 2013, dans un commentaire à « Envoyer la maladie ». Entre sorcellerie et politique, l’évolution des conceptions du sida dans les zones rurales d’Haïti [vi], Dolores Pourette, anthropologue elle aussi, soulignait ce qui semble aujourd’hui acquis : « la nécessité de mener des analyses historiquement et géopolitiquement situées» [vii]. C’est cet héritage que l’on retient de Paul Farmer : ne pas tenir pour secondaire l’expérience de la maladie et s’attacher à la comprendre dans le réseau des forces et des facteurs structurels qui la déterminent.

Références

[i] Farmer P., Listening for Prophetic Voices in Medicine, America, 1997

[ii] Singler J et Farmer P, Treating HIV in Resource-Poor Settings, JAMA 2002 

[ii] Castro A et Farmer P, Infectious disease in Haiti. HIV/AIDS, tuberculosis and social inequalities, Embo reports 2003

[iv] Erfani P et al., Intellecutal property waiver for covid-19 vaccines will advance global health equity, BMJ 2021

[v] Williams C et al., 25 years, Exploring the Health and Human Rights Journey, Health Hum Rights 2019

[vi] Farmer P, « Envoyer la maladie ». Entre sorcellerie et politique, l’évolution des conceptions du sida dans les zones rurales d’Haïti, Genre, sexualité et société, 2013

[vii] Pourette D, Paul Farmer : élaboration d’une représentation collective du sida en zone rurale d’Haïti au prisme du contexte historique et géopolitique haïtien (1983-1990), Genre, sexualité et société, 2013

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