Bien qu’à risque accru d’infection par le VIH, la communauté trans dispose d’un accès encore limité au système de santé. Ce constat, dressé lors de la session « Transidentités et mobilisations pour la santé : enjeux émergents » de la Convection Sidaction 2023, s’explique par de nombreux facteurs de précarité, mais aussi par un manque de sensibilisation des soignant.es.
En France, près de deux tiers des personnes transgenres (64 %) vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 1.199 €/mois), et 33 % doivent se contenter de 600 €/mois, selon une enquête de 2021 menée en ligne par l’association FLIRT. A cette précarité financière s’ajoute très souvent l’expérience de traumatismes, tels que des violences familiales (vécues par 60,9 % des personnes) ou dans l’espace public (81,4%), selon l’étude VIRAGE LGBT, menée par l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Bilan : de fréquentes tentatives de suicide et dépressions, mais aussi une forte exposition au VIH, liée à des conditions de vie souvent difficiles. Accueillant des personnes transgenres en grande précarité, l’association Acceptess-T a effectué 1.008 tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) en 2022 : sur les 45 personnes testées positives, 84,4 % étaient sans-papiers, 77,8 % exerçaient le travail du sexe.
S’il a été très précarisé par la crise Covid-19, le travail du sexe avait déjà subi un coup sévère en 2016, suite à la promulgation d’une loi prostitution interdisant le fait d’y recourir en tant que client. « Au Bois de Boulogne, les conditions d’exercice des travailleur.ses du sexe sont de plus en plus dangereuses, à cause des contrôles de police, et de l’absence de protection vis-à-vis des agressions, qui laissent parfois des séquelles à vie », explique Simon Jutant, codirecteur d’Acceptess-T.
De nombreux obstacles à l’accès aux soins
« L’accès de ces personnes à la santé demeure très limité », ajoute Simon Jutant. Ce qui, de l’avis de tous les acteurs de la lutte contre le VIH, ne devrait guère s’améliorer avec la future loi Asile immigration, et d’une possible réforme de l’aide médicale d’Etat (AME). A quoi s’ajoutent de fréquentes discriminations de la part des soignant.es, souvent peu informé.es de la réalité vécue par les personnes trans.
Ce sont ces difficultés que Clark Pignedoli, chercheur postdoctorant à l’Ined, a mis en évidence dans l’étude qu’il a menée sur l’accès des personnes transgenres à la PrEP, au sein de deux associations parisiennes (Acceptess-T, PASTT). Un projet d’autant plus nécessaire que la communauté trans demeure « un angle mort de la recherche » : « les femmes trans sont généralement agrégées aux hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) », tandis que les hommes trans « sont souvent laissés de côté », explique Clark Pignedoli.
Sur la base de 39 entretiens menés avec des personnes transgenres et des soignants, Clark Pignedoli a révélé un ensemble complexe de freins à l’accès aux soins -en particulier à la PrEP. Parmi eux, une mobilité importante, une forte précarité (accrue depuis la crise du Covid-19), un fréquent sentiment de solitude, une stigmatisation liée au travail du sexe. Autant de facteurs qui expliquent, en plus des barrières linguistiques et administratives, la difficulté à respecter leurs rendez-vous médicaux.
D’où l’importance de la médiation en santé, dont plusieurs associations demandent la reconnaissance par les autorités sanitaires. Auteur d’une étude menée entre 2019 et 2023 sur les hommes trans, Paul Rivest, doctorant en anthropologie à Aix-Marseille Université, indique que « les soignants reconnaissent que les enjeux trans n’ont jamais été abordés au cours de leur cursus médical ». Un manque de formation que plusieurs associations tentent de résoudre. Parmi elles, Acceptess-T, qui propose des sessions de sensibilisation à l’accueil des personnes transgenres. Ou encore le Réseau de santé trans (ReST), lancé en 2018 en Bretagne puis étendu à d’autres régions, qui regroupe représentant.e.s associatif.ve.s et professionnel.le.s de santé.
Si l’homosexualité n’est pas interdite au Burkina Faso, le pays dispose de lois sanctionnant l’outrage « aux bonnes moeurs » et interdisant le racolage. Le poids de la religion et des traditions y demeure important. Fréquemment victimes de violences, les personnes trans « ont des difficultés d’accès aux soins, et il leur est quasi-impossible d’aller dans les centres de santé publics », explique Naomi Bamogo, présidente de Transgenders Burkina. Créée en 2018, l’association, membre d’un groupe de travail international réunissant des associations trans francophones et initié par Sidaction, mène diverses actions pour épauler ces personnes, en matière de dépistage ou d’accès aux antirétroviraux, voire pour les accompagner lors de leurs rendez-vous médicaux. A quoi s’ajoutent des actions de sensibilisation vers la population générale, les forces de l’ordre et les soignants.