Bonne nouvelle ! Le réseau international HPTN (HIV Prevention Trial Network) vient déjà de révéler les résultats de l’essai HPTN083 évaluant, dans le cadre de la PrEP, l’efficacité du cabotegravir en injection à action prolongée versus une prise quotidienne de Truvada. Cette annonce anticipée fait suite aux recommandations du comité indépendant de surveillance des données et de l’innocuité (DSMB), après examen des données intermédiaires de l’essai. Ces données montrent sans conteste l’efficacité du cabotegravir dans la réduction de l’incidence du nombre d’infection au VIH chez les hommes cis-genres et femmes transgenres ayant des rapports sexuels avec les hommes.
Lancée en décembre 2016, l’étude HPTN083 [i] a recruté 4570 hommes cis-genres et femmes transgenres ayant des rapports sexuels avec les hommes, dans sept pays (Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Pérou, Thaïlande, Etats-Unis, Vietnam). Dans cet essai en double aveugle randomisé, les participants ont été assignés de manière aléatoire dans un des deux groupes : un recevant le Cabotegravir à action prolongée [ii] (CAB) et l’autre le Tenofovir/Emtricitabine (Truvada®). L’essai étant en double aveugle, le schéma thérapeutique était identique [iii] dans les deux groupes : tous les participants ont ainsi reçu un traitement par voie orale et par voie injectable. Seulement en fonction du groupe CAB ou Truvada, l’un des deux traitements était un placebo. Par exemple, pour le groupe CAB, l’essai débutait par une prise quotidienne par voie orale de Cabotegravir [iv] et un comprimé placebo pendant cinq semaines. Dans la seconde phase, les participants du groupe recevaient sur une période de 148 semaines une injection de Cabotegravir tous les deux mois et un comprimé placebo quotidien.
Les résultats présentés montrent que l’injection de Cabotegravir toutes les huit semaines est plus efficace dans la prévention de l’infection au VIH, qu’une prise quotidienne de Tenofovir/Emtricitabine. Au total, 50 infections à VIH ont été répertoriées dans l’essai : 38 infections dans le bras tenofovir/emtricitabine (taux d’incidence 1,21%) et 12 infections dans le bras cabotegravir (taux d’incidence 0,38%), soit trois fois moins que pour le bras tenofovir/emtricitabine. Le DSMB a également recommandé à ce que l’essai sous sa forme actuelle (en double aveugle, randomisé) prenne fin. Tous les participants seront informés au plus tôt de ces résultats et du médicament qu’ils ont reçus.
Les participants sous Truvada® se verront ainsi offrir le Cabotegravir s’ils le souhaitent. Les participants du bras cabotegravir continueront de recevoir les injections tous les deux mois. Concernant la sûreté du traitement, les données à ce stade montrent une innocuité similaire entre les deux traitements. 80% des participants du groupe CAB ont rapporté des douleurs et une sensibilité au site d’injection. Cela est en partie dû au composé actif puisque pour les participants du groupe Truvada®, qui ont reçu des injections de placebo, seulement 31% ont expérimenté des douleurs et une sensibilité au site d’injection.
Les investigateurs cliniques de l’essai se félicitent de ces bons résultats obtenus si précocement dans l’étude. Ces données ouvrent la voie pour un nouvel outil venant renforcer l’arsenal des stratégies de prévention du VIH. Pourtant des questions émergent suite à cette annonce. Sachant que la PrEP a déjà prouvé son efficacité, une question reste en suspens. Comment expliquer l’efficacité prédominante du traitement injectable bimestriel ? Serait-elle due à un manque d’adhérence des participants dans le bras Truvada ? D’après les premiers éléments présentés par ViiV HealthCare [v], l’adhérence au traitement dans le groupe était élevée. Ces données statistiques prennent en compte tous les participants du groupe, mais quant est-il d’un point de vue individuel ? Les personnes infectées avaient-elles une bonne adhérence ? Le dosage et la périodicité d’administration du Cabotegravir à action prolongé dans l’essai a été calculé pour permettre de maintenir une concentration plasmatique du médicament avec une activité antivirale suffisante pour prévenir une transmission sexuelle du VIH. Est-il possible qu’une « fenêtre de risque » puisse expliquer les cas d’infection dans ce groupe ? Il faudra attendre la publication des résultats pour peut-être connaitre les réponses.
[i] https://www.hptn.org/news-and-events/press-releases/long-acting-injectable-cabotegravir-highly-effective-prevention-hiv
[ii] La formulation en nanosuspension du cabotegravir permet une libération contrôlée du composé (dont la durée de demi-vie a également été prolongée) dans l’organisme. ceci permet d’espacer les prises.
[iii] L’essai comportait 3 étapes. Pour le groupe CAB : 1ère d’une durée de cinq semaine avec prise quotidienne de cabotegravir + placebo. 2nd d’une durée de 148 semaines avec injection bimestrielle de cabotegravir + comprimé placebo quotidien. 3ème étape d’une durée d’un an avec prise quotidienne de Truvada.
Pour le groupe tenofovir/emtricitabine : 1ère d’une durée de cinq semaine avec prise quotidienne de Truvada + placebo. 2nd d’une durée de 148 semaines avec injection bimestrielle de placebo + prise quotidienne de Truvada®. 3ème étape d’une durée d’un an avec prise quotidienne de Truvada®.
[iv] La formulation du cabotegravir par voie injectable exposant l’individu au médicament sur une grande période de temps, une phase de prise par voie orale de cabotegravir (à courte durée d’action) était nécessaire pour vérifier qu’aucune toxicité lié au composé n’était détectée.
[v] https://viivhealthcare.com/en-gb/media/press-releases/2020/may/global-hiv-prevention-study-to-stop-early-after-viiv-healthcares/