Testée lors de nombreux essais cliniques, la PrEP s’est montré efficace à plus de 90 % dans la prévention du VIH. Mais qu’en est-il hors essai ? Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe d’EPI-PHARE – GIS, s’est penchée sur le sujet en exploitant les données du Système national des données de santé (SNDS). Les résultats de son étude ont été communiqués au premier jour du 22ème congrès de la SFLS.
Transversal : l’étude Prévenir s’était aussi penchée sur l’efficacité de la PrEP en vie réelle, quelle différence avec votre approche ?
Rosemary Dray-Spira : Il existe deux différences majeures entre l’étude menée par l’EPI-PHARE et l’étude Prévenir. La première tient au mode de recrutement des participants : la cohorte Prévenir incluait des volontaires, majoritairement en Île-de-France, suivis pour beaucoup à l’hôpital Saint-Louis. Même si les volontaires était nombreux [3000 au cours de l’essai Prévenir, ndlr], notre étude porte sur l’ensemble de la population Française qui recevait la PrEP, en utilisant les données du Système national des données de santés (SNDS) : l’échantillon considéré est beaucoup plus large et diversifié.
Par ailleurs, Prévenir ne considère que des personnes qui prennent la PrEP. De notre côté, nous avons voulu comparer des personnes qui prenaient la PrEP à des personnes qui ne la prenaient pas. Il s’agissait, en s’appuyant sur des données de suivi individuelles, de mesurer le différentiel de risque. Cela dit, les deux études sont complémentaires : Prévenir apporte beaucoup d’autres informations, cliniques notamment, dont nous ne disposons pas.
T. : Quels sont les résultats de votre étude ?
R. D-S. : Globalement, sur l’ensemble de la population, nous avons mesuré l’efficacité de la PrEP à 60 %. Et, ce que rapporte aussi notre étude, c’est que l’efficacité constatée diffère selon différents facteurs, en particulier les modalités de prise de la PrEP. En ce sens, nous avons constaté que plus la proportion de jours couverts par les délivrances de PrEP est importante, plus l’efficacité est haute, atteignant jusqu’à 93 % pour un niveau de couverture élevé, un chiffre conforme aux résultats des différents essais cliniques. A l’inverse, plus le nombre de jours couverts est faible plus l’efficacité constatée est basse. Autre résultat, l’efficacité rapportée dans notre étude atteignait 86% quand les périodes d’arrêt de PrEP étaient exclues des analyses. Pour résumer, la PrEP fonctionne très bien à condition qu’elle soit bien prise.
T. : Rapporté à l’ensemble de la population, ce chiffre de 60 % d’efficacité de la PrEP en vie réelle doit-il inquiéter ?
R. D-S. : Non. Le chiffre global de 60 % d’efficacité ne doit pas être interprété en soi car il reflète des situations très différentes selon les modalités d’utilisation de la PrEP : une efficacité extrêmement haute en cas de couverture élevée, et plus faible dans le cas contraire. Notre étude établit que les plus jeunes usagers ou ceux ayant un profil défavorisé ont des niveaux de couverture plus bas, rendant l’outil moins efficace, parce qu’ils arrêtent plus souvent de prendre leurs médicaments. Ce qui m’amène à penser qu’il faudrait mener un vrai travail de sensibilisation, d’accompagnement au maintien de l’usage de la PrEP dans le temps. Il s’agirait de comprendre quand et pourquoi ces publics arrêtent de prendre leur PrEP, de comprendre comment ils en arrivent à s’estimer n’être plus à risque. Je pense que l’on a besoin d’études sur le sujet, en particulier au moment où la prescription de la PrEP s’étend à la médecine de ville, supposant que l’outil concernera désormais des profils socio-démographiques de plus en plus diversifiés.
* Groupement d’intérêt scientifique constitué par l’ANSM et la Cnam, L’EPI-PHARE apporte une expertise publique en épidémiologie des produits de sant