vih Préservatif féminin : raisons d’un désamour

16.09.16
Cécile Josselin
8 min

Si la France est le premier pays européen consommateur de préservatifs féminins, on ne peut pas parler pour autant de succès commercial. Pourtant, une fois présenté et essayé, de nombreux préjugés tombent et les Français(es) en reconnaissent les atouts.

Si plus de trois Français sur quatre1 ont déjà entendu parler du préservatif féminin, rares sont ceux qui l’ont déjà utilisé. Même parmi les étudiant.e.s en médecine, on ne dépassait pas les 7 % en 20092 ! Soit à peine plus que dans l’ensemble de la population française, cinq ans plus tôt (3 %3.) Pour mieux en comprendre les raisons, il convient d’abord de sortir l’objet de son étui. Immédiatement, un premier problème saute aux yeux : son aspect manque sérieusement de sex-appeal.

« Sa circonférence et ses deux anneaux laissent souvent perplexe, reconnaît Carine Favier, médecin spécialiste des maladies infectieuses et coprésidente du Mouvement du Planning familial. Dès que nous leur présentons, beaucoup de femmes s’exclament :

« Ah, mais il est immense ! » Elles n’ont pas l’impression que leur vagin soit si grand. Nous leur expliquons alors que même si ce dernier est en temps normal plus étroit, il s’ouvre avec l’excitation ! »

Cette précision apportée, toutes sortes d’inquiétudes s’expriment. Certaines femmes craignent qu’il ne glisse à l’intérieur de leur vagin et qu’elles ne parviennent pas à le retirer. D’autres, au contraire, ont peur qu’il ne tombe durant l’acte. Beaucoup redoutent sa mise en place. Il faut alors les rassurer. Même si le premier essai (à réaliser de préférence avant le premier rapport sexuel ainsi protégé) se révèle tâtonnant, dès la troisième tentative, la majorité des femmes parviennent à l’insérer correctement sans difficulté.

Pour certaines femmes, je pense que c’est vraiment un outil intéressant. Il faut vraiment le faire connaître pour que celles-là se l’approprient.

Le blocage de ces aspects pratiques désamorcé, il faut ensuite faire le tour des préjugés culturels encore solidement ancrés. Une partie des femmes n’en voient juste pas l’intérêt. Après tout, le préservatif masculin existe et remplit très bien son office ! Carine Favier se souvient à cet égard d’une jeune femme qui s’était exclamé : « Moi, je gère déjà la contraception. Alors, à lui de s’occuper de la prévention contre le sida ! », reprenant à son compte la répartition stéréotypée des rôles en terme de sexualité.

D’autres jeunes filles se l’approprient au contraire immédiatement. « Comme ça, au moins, je suis sûre qu’il est bien mis ! », expliquait l’une d’elle, qui en est devenue complètement fan. Plus émancipées, elles ont alors l’impression de mieux maîtriser leur risque d’exposition au VIH, et ceci, qu’elles l’utilisent systématiquement ou seulement comme alternative (cas le plus fréquent). « Des filles nous disent en avoir toujours un dans leur sac, afin que si leur partenaire refuse de mettre un préservatif, en prétextant une allergie au latex par exemple, elles aient une solution de repli », nous confie Carine Favier.

Gêne et préjugés culturels

Comme ça, au moins, je suis sûre qu’il est bien mis !

Mais toutes n’ont pas cette assurance. Leur décision prise, c’est la réaction de leur amant ou de leur compagnon qui devient pour elles source d’angoisse. Il leur faut déjà dépasser l’embarras de leur propre regard puis celui de l’autre sur leur corps, car – il faut bien l’avouer – une fois posé, l’objet n’est guère plus glamour que dans son étui et peut « effrayer » le partenaire, ce que confirment 53 % des étudiants qui l’ont testé4.

Cette première gêne dépassée, il s’agit de trouver la manière d’aborder le sujet avec tact et diplomatie. Cette « négociation » est un point crucial, car autant le recours au préservatif masculin était facile à évoquer pour 81 % des étudiant(e) s en médecine en 20095, autant celui de sa version féminine n’est aisé que pour 5 % des étudiant(e)s, avant qu’ils ne le testent (8 % après) 6.

Fort heureusement, les arguments pour convaincre la gent masculine ne manquent pas. Pour commencer, le préservatif féminin permet une pose jusqu’à huit heures avant le rapport sexuel. Il permet ainsi de ne pas interrompre les préliminaires et ne nécessite pas une érection pour être appliqué. Plus intéressant encore, le nitrile qui le compose conduit mieux la chaleur, altérant donc à priori moins les sensations que son homologue masculin (en latex). Autre avantage : il ne comprime pas le pénis et rend l’éjaculation potentiellement plus agréable.

Il permet enfin à l’homme de se retirer à son rythme et de maintenir ainsi l’intimité sexuelle avec sa partenaire. Autant d’arguments que beaucoup d’hommes ayant testé le produit confirment. 39 % des étudiants (hommes) en médecine qui l’ont utilisé en 20097 déclaraient ainsi que le préservatif porté par leur copine altérait moins les sensations pendant le rapport sexuel que leur bonne vieille capote (alors qu’ils n’étaient que 15 % à le penser avant de l’avoir testé8).

Onze fois plus cher que le préservatif masculin

Quand ils l’ont testé, les Français sont beaucoup plus bienveillants à l’égard du préservatif féminin.

Quand ils l’ont testé, les Français sont beaucoup plus bienveillants à l’égard du préservatif féminin.

Plus d’infos

Consultez le site www.lepreservatif-feminin.fr

En 1994, une enquête réalisée auprès de prostituées9 allait déjà dans ce sens. Elle révélait même qu’après l’avoir testé, 54 % de leurs clients préféraient le préservatif féminin (contre seulement 22 % sa version masculine, 24 % considérant les deux comme équivalents).

Toutes les études l’attestent : quand ils sont bien informés, et plus encore quand ils l’ont testé, les Français sont beaucoup plus bienveillants à l’égard du préservatif féminin. Les deux tiers des étudiant.e.s interrogé.e.s déclaraient ainsi que l’étude avait modifié leur représentation du produit et la moitié se disait prêt à le conseiller à un(e) ami(e)10.

Mieux encore, en Nouvelle Calédonie, près des deux tiers des femmes interrogées l’ayant essayé se disaient prêtes à l’acheter, en 200010.

S’il est peu probable qu’il parvienne un jour à concurrencer son prédécesseur masculin en raison de son prix11 (en moyenne onze fois plus cher), le préservatif féminin présente donc un réel potentiel, quoi qu’on en pense.

Sources
  1. 78 % des Français en 2004 selon l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France, « Les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida en France et en Île-de-France. Évolutions 1992-1994-1998-2001-2004 », Paris, novembre 2005, p. 149.
  2. Laurenne Lhuillier, Julien Gelly, Jean-Pierre Aubert, Michel Nougairede, « Effets d’une intervention sur le préservatif féminin auprès d’étudiants en médecine », Exercer (la Revue française de médecine générale), volume 24, n° 109, p. 214-222, 2013
  3. Observatoire régional de santé d’Île-de-France, « Les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida en France et en Île-de-France. Évolutions 1992-1994-1998-2001-2004 », Paris, novembre 2005, p. 149. En 1999 et 2001 le taux de personnes l’ayant testé dans le grand public était sensiblement le même. Dans son étude « Pose et utilisation du préservatif féminin : résultats d’une étude menée entre 1999 et 2001 en centres MST et en CDAG à Paris », François Deniaud notait que 63 % des personnes que son équipe et lui avaient interrogées en avaient entendu parler, dont la moitié l’avait vu et 5 % l’avaient aussi déjà utilisé.
  4. Laurenne Lhuillier, Julien Gelly, Jean-Pierre Aubert, Michel Nougairede, « Effets d’une intervention sur le préservatif féminin auprès d’étudiants en médecine », Exercer (la Revue française de médecine générale), volume 24, n° 109, p. 214-222, 2013
  5. Laurenne Lhuillier, Julien Gelly, Jean-Pierre Aubert, Michel Nougairede, « Effets d’une intervention sur le préservatif féminin auprès d’étudiants en médecine », Exercer (la Revue française de médecine générale), volume 24, n° 109, p. 219, 2013
  6. Id., p. 219
  7. Laurenne Lhuillier (Masson), « Impact d’une intervention auprès d’étudiants en médecine sur leur représentation du préservatif féminin », Thèse pour le doctorat d’État de Docteur en Médecine, Paris Diderot-Paris 7, 2012, p. 52
  8. Id.
  9. Isabelle De Vincenzi, Anne Serre, Mounir El-Amri, Lydia Braggiotti, « Le préservatif féminin : un essai d’acceptabilité réalisé par un groupe de femmes prostituées à Paris », BEH, n°7/94, 1994,p. 33
  10. Dr, Valérie BLOCH, « Le Préservatif féminin. Enquête d’acceptabilité Nouvelle Calédonie », (rapport d’enquête). Décembre 99- mai 2000
  11. Le préservatif féminin (toute marque et canaux de distribution confondus) coûtait à l’unité entre 1,35 et 3 € (2,13 euros en moyenne) en 2015.
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