vih Préservatif gratuit pour les 16-25 ans : un bilan sanitaire encore flou

24.01.24
Romain Loury
5 min
Visuel Préservatif gratuit pour les 16-25 ans : un bilan sanitaire encore flou

Un an après l’instauration de la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans en pharmacie, quel en est le bilan ? Très positif, selon le ministère ; plus mitigé, selon les pharmaciens.

Un an après l’instauration de la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans en pharmacie, quel en est le bilan ? Très positif, selon le ministère ; plus mitigé, selon les pharmaciens. Quant à l’impact sur la santé publique, il demeure à ce jour méconnu.

Début 2023, le gouvernement établissait la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans en pharmacie, sans prescription médicale. Du moins pour certaines marques : Eden et Sortez couverts ! ont été les deux premières concernées par cette mesure. Un an plus tard, le bilan semble a priori positif : le nombre de préservatifs remboursés par l’Assurance maladie – ils l’étaient déjà à 60 % sur ordonnance depuis décembre 2018, et ce, quel que soit l’âge – a en effet connu une forte hausse.

Selon des données livrées par le ministère de la Santé pour la période allant du 1er janvier à fin juillet 2023, « 15,7 millions de préservatifs ont été dispensés en officine et pris en charge par l’Assurance maladie, soit 2,4 fois plus que sur la même période en 2022 », indique la Direction générale de la santé (DGS). Sur les 15 premières semaines de 2023, le chiffre a même été multiplié par plus de 5,5 par rapport à 2022. « Cette dispensation représente 2,9 M€ de dépenses pour l’Assurance maladie, soit trois fois plus de dépenses que pour la même période [janvier-juillet] en 2022. »

Des chiffres détaillés par produit, obtenus auprès de 14 000 pharmacies par la société IQVIA pour le compte de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), confirment cette tendance. Pour le produit le plus vendu, à savoir la boîte de 24 préservatifs Eden, le nombre de ventes est passé de 1,06 million en décembre 2022 à 2,69 millions en janvier 2023. Après ce pic initial, le niveau est demeuré élevé mais stable, à 1,75 million de boîtes en octobre 2023, contre 1,09 million en octobre 2022.

Une gratuité pas toujours connue ?

Malgré ces chiffres positifs, les syndicats de pharmaciens ont un avis mitigé. Pour Denis Millet, secrétaire général de la FSPF et propriétaire d’une pharmacie située près de deux lycées, à Nantes, « les jeunes se donnent bien le mot entre eux, il y a une demande, pas gigantesque non plus (…) Le pli a été pris : on les voit plus souvent venir individuellement, sans l’effet de bande du début, lorsque trois à quatre jeunes venaient ensemble ».

Selon Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), la mesure « est certes efficace, c’est indéniable, mais elle n’est pas assez connue des jeunes », y compris de ceux venant acheter des préservatifs en pharmacie. Au-delà de l’annonce initiale, la communication sur cette mesure a en effet été assez discrète.

Lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, Santé publique France a remis le sujet sur la table, à l’occasion du deuxième volet de sa campagne « Tout le monde se pose des questions sur la sexualité », avec une affiche d’information spécifique sur la gratuité du préservatif, rappelle la DGS.

Des produits de qualité, mais basiques

Autre critique de Pierre-Olivier Variot, « un choix un peu trop restreint entre deux marques, dont l’une souvent en rupture » d’approvisionnement. Le 22 novembre 2023, l’offre a toutefois été élargie à une troisième marque de préservatif masculin, Be Loved. Et, depuis le 9 janvier, un premier préservatif féminin, de la marque Ormelle, est aussi remboursé à 100 % pour les moins de 26 ans – sans communication officielle ; les syndicats n’en avaient pas encore eu vent.

Si l’offre peut encore s’étoffer à l’avenir, les quelques produits remboursés actuellement sont plutôt basiques. Or « les jeunes aiment bien les préservatifs un peu festifs, nervurés, avec un goût », constate Pierre-Olivier Variot. Ce qui, selon son expérience, les conduit souvent à préférer payer pour un modèle plus attrayant que ceux proposés gratuitement. En cause derrière ce faible choix, la logique même de l’Assurance maladie qui, à service médical équivalent, opte toujours pour le produit le moins cher, donc le moins élaboré.

« L’important, finalement, est qu’ils en utilisent », estime toutefois Pierre-Olivier Variot. Ce qui pose cependant la question, à ce jour sans réponse, de savoir si la gratuité a réellement permis d’accroître le recours au préservatif chez les jeunes ou si elle n’a fait qu’engendrer un report vers des marques désormais gratuites, à utilisation constante. Et donc si, au-delà des chiffres de vente des produits remboursés (forcément à la hausse), cette gratuité, sans communication d’envergure, a effectivement eu un impact en termes de santé publique.

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