vih Préservatifs internes : pourquoi tant de haine ?

17.06.20
Valérie Gautier
6 min
Visuel Préservatifs internes : pourquoi tant de haine ?

Largement développé depuis les années 90, le préservatif interne reste largement sous-utilisé par rapport à son homologue externe. Ce dispositif propose pourtant aux femmes d’être actrices de leur prévention. Coût, diffusion, sensibilisation… les causes de ce désamour sont multiples.

“J’ai testé deux fois les préservatifs féminins qu’on m’avait distribué en festival, sur des stands de prévention. L’idée, c’était que le mec n’utilise pas l’aspect’serré’ du préservatif masculin comme prétexte pour ne pas en mettre. Les deux fois, le mec a trouvé ça encore plus désagréable et on est rapidement revenu au préservatif traditionnel”, raconte Marine, 31 ans. Depuis, plus rien. Le préservatif interne est resté pour elle une simple expérience. Pourtant, cette dernière explique l’avoir trouvé “facile d’utilisation” et qu’elle se sentait “plus forte d’être la personne qui le porte. La sensation d’autonomie était très agréable.”

En France, 86% des femmes déclarent ne jamais avoir testé le préservatif interne. Son adoption, sur la durée, est encore plus rare. Selon le laboratoire Terpan, son unique distributeur en France, Belgique et Luxembourg, chaque année dans le monde, 27 milliards de préservatifs externe sont distribués contre 200 à 300 millions de préservatifs interne. Pourtant, comme l’a indiqué Marine, il s’agit du seul moyen de protection permettant à la femme d’être entièrement à l’initiative de son utilisation. Il peut même être posé en amont d’un rapport sexuel, jusqu’à 8 heures plus tôt. 

Une baisse de vigilance des jeunes

Le dispositif n’est pas nouveau : sa version actuelle, composée d’une gaine lubrifiée maintenue entre deux anneaux (mise à jour en 2008 avec le FC2) apparaît en France en 1999. Pour Marc Pointer, responsable de l’enseigne parisienne Le roi de la capote et sexologue, à l’origine de ce désamour, il y a avant tout une question d’éducation : “il y a un déficit criant de cours d’éducation à la sexualité dispensé dans les collèges et lycées. Idem au niveau des études de médecine, durant lesquelles ces questions, pourtant essentielles, sont très peu abordées. Pour moi, c’est la raison principale expliquant la faible consommation de ce produit qui est pourtant génial, très résistant et pouvant s’utiliser autant pour une relation anale que vaginale.” 

Selon une étude de Terpan, 30 % des moins de 15 ans disent ne pas jamais avoir reçu de cours d’éducation à la sexualité. Dans la boutique de Marc Pointel, proposant plus de 200 modèles de préservatifs, le coût à l’unité d’un préservatif externe est compris entre 10 centimes et 7 €, contre environ 2,50 € pour un préservatif interne. Les raisons de ce coût ? “Le préservatif féminin est produit en plus petite quantité et la compagnie qui le produit a investi en frais de recherche et brevets dont il faut amortir les frais”, explique Kamal Yahioui, directeur général de Terpan avant d’ajouter “clairement, il devrait être davantage utilisé car il permet à la femme de prendre en main sa sécurité.” 

Au-delà du cas du préservatif interne, Kamal Yahioui accuse aussi une baisse de la vigilance des jeunes en matière de protection : “nous avons fait une enquête montrant que 40 % des étudiants ne se protégeaient pas. Les campagnes de prévention sont très peu présentes.”

La méconnaissance du produit sont à l’origine de sa faible utilisation”

Quand on demande à Amélie, 37 ans, pourquoi elle n’a jamais utilisé de préservatif interne, sa première réaction porte sur la manière de s’en procurer : “je n’ai jamais eu l’occasion d’en acheter. Où pourrais-je en trouver ? En pharmacie ? Je n’en ai jamais vu dans les grandes surfaces en tout cas !” Et pourtant, la grande surface reste les canaux de diffusion le plus efficace. 60 % des préservatifs y sont vendus en France.

“Nous avons trois canaux de diffusion : la grande distribution, les pharmacies ou internet. En grande distribution, le taux de marge est tel qu’un étui de trois préservatifs internes se vendrait entre 7 et 8 €, il n’y est donc pas vendu. Certaines pharmacies en proposent mais à un prix également très élevé. La méconnaissance du produit et son prix sont à l’origine de sa faible utilisation”, précise Kamal Yahioui. 

Actuellement, le préservatif interne est distribué dans certaines pharmacies et laboratoires, dans des magasins spécialisés, via des associations comme le Planning Familial et différents centres médicaux. Diversifier les canaux de distribution est une stratégie de démocratisation du produit.

Selon le Planning Familial, “il serait intéressant que la distribution se généralise pour que les femmes et les hommes puissent avoir une liberté dans le choix de leur moyen de prévention et de contraception”. Pour Hanane Imbert, chargée de communication chez Terpan, la question du rapport des femmes à leur intimité joue également un rôle dans l’appropriation de ce moyen de protection qui, rappelons-le, nécessite que la femme l’introduise dans son vagin avant le rapport sexuel. Selon une étude menée par le laboratoire Terpan et So What ? sur le thème « la femme du 21ème siècle et son intimité », plus d’une femme sur trois n’a jamais observé son intimité. La popularisation de la coupe menstruelle, ou les débats sur la représentation du clitoris peuvent jouer en faveur du préservatif interne.

Un outil aux multiples avantages

“Les jeunes filles sont en partie éduquées à la sexualité via la pornographie, explique Hanane Imbert. Or, celle-ci ne met pas en avant des femmes proactives dans la prise en charge de leur sexualité. Dans l’esprit de beaucoup de jeunes filles, c’est le garçon qui doit s’occuper du préservatif. Elles ne pensent pas à mettre en oeuvre quoi que ce soit pour se protéger.” Notons que celui-ci peut avoir un avantage non négligeable : l’anneau qui se positionne à l’entrée du vagin de la femme peut venir stimuler le clitoris de son utilisatrice durant le rapport sexuel. 

Une meilleure maîtrise de son usage permettrait de déconstruire doucement les clichés qui lui colle à la peau : celui d’une méthode de contraception et de protection inesthétique, complexe et sans réel bénéfice par rapport au préservatif externe. À moins d’une politique extrêmement volontariste en faveur de son usage, ce dernier risque de rester entre les mains de quelques rares adeptes ou allergiques au latex*.

* Le préservatif interne est fabriqué à base de nitrile.

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