vih Présidentielle 2022 : ce qu’attendent les associations de lutte contre le VIH

29.03.22
Vincent Michelon
7 min
Visuel Présidentielle 2022 : ce
qu’attendent les associations de lutte contre le VIH

À l’occasion de l’élection présidentielle, plusieurs associations portent des revendications adressés aux candidats. La démocratie sanitaire, l’accès aux soins et la lutte contre les discriminations, l’investissement public dans la recherche et le financement de la santé mondiale y tiennent une place prépondérante.

Surprenant paradoxe. Après deux ans de pandémie de Covid-19, il n’a jamais été autant question de santé publique. Et pourtant, à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la question de la santé et de l’accès aux soins apparaît très marginale dans le débat politique. “Aujourd’hui, pour faire face au sida, il n’y a aucun candidat”, martèle d’ailleurs le slogan, pessimiste, de la nouvelle campagne d’Aides. 

Dans la dernière ligne droite avant l’élection, plusieurs associations ont rendu publics des plaidoyers appelant les candidats à se positionner. Les revendications portent sur des grands principes, ou sur des mesures concrètes ayant trait à la santé, aux discriminations ou encore aux inégalités sociales. La santé mondiale y tient une place prépondérante, avec toujours, pour le VIH, l’objectif de l’éradication de la pandémie d’ici à 2030.

Les inégalités au premier plan

Deux ans de pandémie de Covid-19 et une longue expérience des inégalités d’accès aux soins et aux traitements dans la lutte contre le VIH poussent les associations à replacer la santé mondiale au cœur des débats. À l’approche de l’élection française, le collectif Action Santé Mondiale, qui regroupe plusieurs associations, dont Sidaction, Aides, Solidarité Sida ou encore Médecins de Monde, appelle les candidats à s’appuyer sur l’expérience des “vingt dernières années dans la lutte contre les maladies infectieuses et dans l’accès à la vaccination” pour “ne pas s’enfermer constamment dans les erreurs du passé”, dont la pandémie de Covid-19 a fait ressurgir le spectre. 

Le collectif appelle la France à rehausser ses efforts financiers au profit des pays pauvres, en augmentant l’aide publique au développement à 0,1% du revenu national brut et ainsi que sa contribution au Fonds mondial de lutte contre les pandémies, dont elle est déjà le deuxième bailleur après les États-Unis. En vingt ans, la France a augmenté cette contribution, pour atteindre un engagement de plus de 1,2 milliard d’euros pour la période 2020-2022, mais la pandémie de Covid-19 a mis un coup d’arrêt brutal à des années d’efforts.

Aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de tirer les leçons de la pandémie actuelle et de faire du renforcement des systèmes de santé notre priorité”, clame également le collectif, à l’aune des faiblesses structurelles révélées, dans de nombreux pays, par l’actuelle pandémie. Au-delà des moyens financiers, cet impératif nécessite de renforcer “les ressources humaines en santé et en reconnaissant et valorisant le rôle particulier des femmes dans ce domaine et l’expertise des agents de santé communautaires”. 

En outre, les débats autour des contrats passés avec les laboratoires pour la fourniture des vaccins et de médicaments à la population mondiale, ainsi que sur le soutien à la recherche publique, ont été relancés par la Covid, plus de vingt après ceux qui avaient accompagné les traitements contre le VIH. Action Santé Mondiale lance donc un triple appel à la transparence, au réinvestissement public dans la recherche-développement ainsi qu’à une renégociation des Adpic, ces accords sur les droits de propriété intellectuelle des laboratoires qui peuvent constituer un obstacle à l’accès aux traitements en raison des conséquences induites sur leurs prix et leur disponibilité. 

À l’appui du plaidoyer, “nous avons lancé en février une campagne sur le site santemondiale2022.org”, nous précise Yann Illiaquer, du collectif. “Nous avons transmis notre programme à l’ensemble des partis, sauf l’extrême droite et les partis n’ayant pas de groupe politique à l’Assemblée et au Sénat. Nous avons sollicité des entretiens avec les candidats et leurs équipes, pour l’expliciter”. Un questionnaire a également été adressé aux prétendants à la présidentielle, pour faire savoir jusqu’où ils étaient prêts à s’engager. Les réponses doivent être publiées dans les prochains jours. 

À noter qu’un appel similaire aux candidats a été lancé par le collectif Coordination Sud, à l’appui d’un Manifeste pour la solidarité internationale publié en janvier. Ce collectif veut éclairer le débat sur le fait que “les crises n’ont pas de frontières” et nécessitent “une solidarité à la même échelle”. Une solidarité qui doit, selon lui, s’exprimer par la défense des droits humains, le soutien financier via l’aide publique au développement et les financements innovants, ainsi qu’à “des économies viables, durables et soutenables”. 

Démocratie en santé et priorité aux populations vulnérables

À l’appui de la campagne qu’elle mène en amont de la présidentielle, Aides a élaboré de son côté un document recensant une vingtaine de revendications, à portée nationale et internationale. L’association met notamment l’accent sur la question de la démocratie en santé, un thème cher aux acteurs de la lutte contre le VIH qui a été remis en lumière, là encore, par la gestion de l’épidémie de Covid-19. Elle demande ainsi aux candidats la reconnaissance de la démarche communautaire, qui induit des financements pérennes pour les associations, la mise à disposition des outils de prévention (facilitation du recours aux tests rapides d’orientation diagnostique), ou encore l’intégration des associations communautaires dans le processus de décision publique, via des instances de consultation. 

Les revendications d’Aides comprennent aussi un large volet social à dimension politique, de l’instauration du revenu universel à la déconjugalisation de l’Allocation adulte handicapé, en passant par la suppression des franchises médicales et des restes à charge pour les personnes souffrant d’affections de longue durée. L’association prône un meilleur accès à la santé pour les populations les plus vulnérables, en particulier les personnes d’origine étrangère (arrêt des expulsions pour les étrangers malades, facilitation du recours à l’Aide médicale d’État), les usagers de drogue (fin du tout-répressif, “accès effectif” à la réduction des risques), les travailleuses du sexe et les détenus. 

En matière de prévention, l’association plaide enfin pour le lancement de nouvelles campagnes sur le dépistage, la PrEP, la lutte contre la sérophobie, la généralisation de l’accès au dépistage des IST sans ordonnance – tel qu’il est expérimenté dans plusieurs agglomérations.

Des revendications qui font écho à un autre appel, celui lancé par de nombreux acteurs des territoires à l’initiative du Corevih Arc Alpin. Sur la base de l’Appel de Grenoble, publié en octobre 2021 et cosigné par la quasi-totalité des Corevih ainsi que par une trentaine d’associations, une démarche sur cette base revendicative devait être conduite à quelques semaines du premier tour de l’élection. L’appel porte dix demandes adressées aux responsables politiques, les appelant notamment à mettre la santé au centre des politiques publiques, à assurer la pérennité des acteurs associatifs en liant avec les populations discriminées, à garantir la protection sociale ou encore à défendre une “approche globale” en matière de santé sexuelle, et ce “dès les premières années de l’existence”. 

L’idée, résume Anne Monnet-Hoel, coordinatrice du Corevih Arc Alpin, est de montrer que l’on peut être créatif en s’appuyant sur l’échelon local et régional. Le document pourra être adressé aux différents partis, aux think tank dont ils sont proches, dans l’optique de la présidentielle, mais aussi des législatives. Il peut fonctionner comme une boîte à outils pour les Corevih et les associations.”  

À quelques semaines du scrutin, les appels et propositions sont légion. Seront-ils entendus ? “Nous savions que nous serions phagocytés par le Covid. Mais avec la guerre en Ukraine, ce n’est pas une vraie campagne”, reconnaît Anne Monnet-Hoel. Le rendez-vous donné avec le prochain ou la prochaine présidente n’est pourtant pas anodin. Le mandat qui va débuter en avril 2022 sera le dernier quinquennat complet avant l’échéance de 2030, qui doit marquer la fin de la pandémie de VIH dans le monde. 

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