vih Prévention du VIH : coup de mou financier pour la recherche

17.01.22
Romain Loury
7 min
Visuel Prévention du VIH : coup
de mou financier pour la recherche

Simple effet du Covid-19 ou tendance à long terme ? En 2020, la recherche sur la prévention du VIH a connu une baisse notable de ses financements au niveau mondial, révèle un rapport publié en décembre par l’AIDS Vaccine Advocacy Coalition (AVAC). Des chiffres à interpréter avec prudence, tant la recherche avance à grands pas.

Mauvaise année pour la recherche sur la prévention du VIH ? En 2020, les fonds alloués ont diminué de 4,4 % au niveau mondial. Avec un total de 1,09 milliard de dollars (950 millions d’euros), ils sont loin de leur niveau de 2012, lorsqu’ils culminaient à 1,33 Md$ (1,16 Md€), selon les chiffres publiés en décembre par l’AIDS Vaccine Advocacy Coalition (AVAC) dans son rapport annuel « HIV Prevention Research and Development Investments Report ».

Depuis ce pic de 2012, le budget mondial de la recherche sur la prévention a soit stagné d’une année sur l’autre, soit diminué. Selon l’AVAC, cette évolution est d’autant plus malvenue que la prévention et le dépistage constituent les axes majeurs de la lutte contre le VIH/sida, en vue de mettre fin à l’épidémie à l’horizon 2030. Paradoxalement, cette baisse survient alors que le ‘pipeline’ préventif regorge de projets.

Selon le directeur exécutif de l’AVAC, Mitchell Warren, « les financements diminuent alors que nous assistons à de nouvelles opportunités et de nouveaux défis. Parmi eux, l’arrivée du cabotégravir injectable [à raison d’une fois toutes les huit semaines, ndlr] pour la PrEP, l’anneau vaginal de dapivirine, de nouveaux objectifs ambitieux pour mettre fin à l’épidémie, de premières preuves de concept d’une approche basée sur les anticorps. Mais aussi le besoin de repenser le développement vaccinal, à la lumière de récents échecs d’essais, mais aussi de l’espoir suscité par les vaccins à ARN messager et d’autres approches ».

Une baisse généralisée

Dans le détail, cette baisse globale s’explique par une moindre contribution du principal bailleur, la recherche publique américaine (79 % du total) : de 871 M$ en 2019, elle n’était que de 851 M$ en 2020. De même pour le deuxième contributeur, la Fondation Bill & Melinda Gates (11 % du total) : de 145 M$ en 2019, elle est passée à 121 M$ en 2020. La recherche privée (3 %), menée par les laboratoires pharmaceutiques, montre aussi une forte décrue, de 71 M$ à 31 M $. Seule la recherche publique européenne (7 %), en grande partie portée par la France et le Royaume-Uni, a accru son effort, de 64 M$ en 2020 contre 40,6 M$ en 2019.

Y a-t-il eu un effet Covid-19 sur le financement de la recherche prévention ? Rien de certain à ce jour, explique Mitchell Warren, contacté par Transversal : « de nombreux organismes avaient déjà pris leur décision de financement début 2020, mais il est clair que la pandémie a perturbé le versement des fonds. De plus, les chercheurs ont dû interrompre leurs études sur le VIH, arrêté ou limité leur travail en laboratoire, demandé à ce que les projets soient reportés. Le rapport 2021 [qui sera publié fin 2022] devrait permettre de mieux comprendre l’effet du Covid-19 sur la recherche ».

Seule la recherche publique européenne (7 %), en grande partie portée par la France et le Royaume-Uni, a accru son effort, de 64 M$ en 2020 contre 40,6 M$ en 2019

Toutefois, la baisse observée depuis 2012 n’est peut-être pas si inquiétante quelle peut sembler à première vue, et ne signifie pas forcément un désengagement des acteurs de la recherche. Dans certains cas, elle reflète tout simplement l’arrivée à maturité de certains outils, dont le TasP (Treatment as Prevention). Son financement a chuté de 117 M$ en 2012 à 9,1M$ en 2020, et pour cause : cette stratégie a largement fait ses preuves, et est désormais intégrée à part entière dans la stratégie mondiale de lutte contre le VIH/sida. A l’inverse, la PrEP a vu son financement croître de 31 à 107 M$ entre 2012 et 2020.

Autre élément expliquant les variations, la baisse de contribution observée chez certains donateurs peut être purement transitoire. Exemple, la fondation Bill & Melinda Gates, dont les subventions ont chuté en 2020, en raison de projets PrEP arrivés à échéance. En 2021, la fondation philanthropique s’est réengagée sur de nouveaux projets PrEP, explique Mitchell Warren.

Une recherche menacée par le Covid-19 ?

Bien que « très prudent » quant à l’interprétation des chiffres de l’AVAC, le directeur de l’ANRS/Maladies infectieuses émergentes, Yazdan Yazdanpanah, estime que le Covid-19 aura « un impact énorme sur la recherche sur le VIH et les IST ». Si la fusion de l’ANRS avec le consortium REACTing, en janvier 2021, a pu faire craindre une baisse des financements alloués au VIH (au profit du Covid-19 et des maladies émergentes), le pire a été évité, estime-t-il.

Selon lui, le péril ne réside pas forcément dans la question du financement. « Beaucoup de chercheurs sur le VIH n’y ont pas travaillé depuis deux ans, car ils sont désormais accaparés par le Covid-19 et les maladies émergentes. Le rôle de l’ANRS est de financer la recherche, mais il est aussi de l’animer : nous devrons assurer encore plus ce rôle », explique Yazdan Yazdanpanah. La lassitude qui étreint la population n’épargne pas les chercheurs, contraints au télétravail et aux congrès à distance : « beaucoup d’entre eux sont fatigués », constate le directeur de l’ANRS. Quant aux jeunes chercheurs, la conjoncture sanitaire et le manque de postes de recherche les incitent à s’orienter vers de nouvelles thématiques.

Parmi les 215 acteurs de la recherche contactés par l’AVAC, figurent justement l’Institut Pasteur et l’ANRS. Celle-ci a contribué à hauteur de 5,7 M$ (5 M€) à la recherche sur la prévention en 2020, soit 6% de plus qu’en 2019, mais 3% de moins qu’en 2018 –des chiffres confirmés par l’agence. Outre le dépistage, la recherche d’un traitement curatif (‘HIV Cure’) et le vieillissement des personnes vivant avec le VIH, la prévention est l’une des grandes priorités de l’ANRS, explique Yazdan Yazdanpanah.

Parmi les pistes de la recherche en prévention, figurent évidemment le vaccin contre le VIH, ainsi que la PrEP : l’agence va se pencher sur la mise à disposition du cabotégravir chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH), ainsi que sur l’usage de la PrEP chez les migrants. Une nouvelle enquête sur la sexualité des Français, faisant suite à celle de 2006, va aussi être lancée.

Autant source d’information qu’outil de plaidoyer pour la recherche en prévention, le rapport annuel « HIV Prevention Research and Development Investments Report » est élaboré par un groupe de travail dirigé par l’AVAC, en partenariat avec l’International AIDS Vaccine Initiative (IAVI) et l’Onusida. « Le premier rapport a été publié en 2005, lorsque les experts du groupe de travail ont perçu le besoin de mieux connaître la source des financements, comme outil pour les acteurs de la recherche sur les vaccins et les microbicides », explique Mitchell Warren. Au fil des progrès de la recherche, il s’est étendu à un nombre croissant de stratégies préventives, telles que la circoncision, le TasP et la PrEP.

Un rapport annuel comme outil de plaidoyer

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