vih Qualité de vie avec le VIH : une amélioration en trompe-l’œil ?

08.07.19
Marianne Bernède
8 min

En France, plus de 90 % des personnes traitées ont une charge virale indétectable, ce qui signifie, de surcroît, qu’elles ne transmettent plus le virus. « Le VIH est devenu une pathologie chronique avec laquelle on peut, du point de vue de la qualité de vie physique, vivre à peu près comme la population générale, avec quelques contraintes supplémentaires », commente Marie Préau, professeure de psychologie sociale de la santé, directrice du laboratoire GRePS à l’université Lumière Lyon-2 et membre du Conseil national du sida. Elle a mené plusieurs études sur la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH (PVVIH).

Les professionnels qui accompagnent les PVVIH confirment que médicalement la donne a changé. Fabienne Langlois est infirmière-cadre de santé, responsable de l’éducation thérapeutique à la fondation Léonie-Chaptal, à Sarcelles (Val-d’Oise) : « Une personne récemment contaminée et dépistée suffisamment tôt bénéficiera rapidement d’un traitement efficace et pas trop lourd. Débuter avec un seul comprimé par jour et un rendez-vous de suivi tous les six mois, c’est assez bien vécu par les personnes. » Cela contribue bien sûr à leur qualité de vie : plus rien à voir avec la fin des années 1990 et les innombrables cachets à prendre au quotidien à des horaires impossibles. 

Il n’y a pas que le physique dans la (qualité de) vie

Mais une charge virale indétectable et un suivi médical allégé ne sont pas des conditions suffisantes au bien-être. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la qualité de vie est « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes ». Elle englobe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’autonomie, ses relations sociales ou encore ses liens avec son environnement… 

L’appréciation de la qualité de vie liée à la santé porte autant sur le physique que le mental et, surtout, elle est évaluée à partir de la perception de la personne elle-même et non pas de résultats d’examens cliniques ou biologiques. En résumé, on peut être bien portant « sur le papier », mais avoir une mauvaise qualité de vie. Parmi les outils d’évaluation de la qualité de vie, l’échelle Proqol-HIV a été mise au point pour les PVVIH. Elle s’intéresse aux effets indésirables des traitements, mais aussi aux inquiétudes de la personne sur l’avenir, sa satisfaction vis-à-vis de sa prise en charge médicale, ses difficultés liées au travail, son estime de soi, etc.

Stigmatisation omniprésente

Ce sont justement les éléments non médicaux qui impactent le plus la qualité de vie des PVVIH. « Nous avons travaillé avec Olivier Lambotte sur une cohorte de patients HIV controllers », explique Marie Préau. Nous avons étudié la qualité de vie de ces patients qui n’ont aucun symptôme en la comparant avec celle des patients “classiques”. L’hypothèse des cliniciens était que la qualité de vie des contrôleurs serait forcément meilleure puisqu’ils ne subissent pas les conséquences de l’infection et des traitements. Eh bien ce n’est pas le cas. Notre recherche a montré que la stigmatisation liée au fait d’avoir été infecté par le VIH rentre en ligne de compte : cela affecte les dimensions sociales, mentales et sexuelles de la qualité de vie. » L’importance de cette stigmatisation, qui entraîne une difficulté à se confier par peur d’être rejeté, se retrouve dans les autres études menées sur la qualité de vie des PVVIH. Sa permanence dans le temps surprend la chercheuse. « Je n’ai pas l’impression qu’il y a une évolution positive sur ce sujet-là depuis le début de l’épidémie. Quand j’ai commencé à travailler sur le VIH, on se posait déjà la question de la “dicibilité” – la possibilité de parler de sa séropositivité à son entourage –, et cela revient toujours de façon prépondérante, dans les pays développés comme dans les pays à ressources limitées. C’est probablement ce qui affecte le plus la qualité de vie aujourd’hui : dans le quotidien, les relations avec les autres, le travail… »

Un constat que partage Marjorie Mailland, coordinatrice au Réseau santé Marseille Sud : « Nous suivons toutes les catégories de personnes vivant avec le VIH. De la personne migrante en situation précaire au cadre supérieur très bien intégré dans la société, tous sont confrontés à la difficulté de dire sa séropositivité et de partager son ressenti. »

La stigmatisation est encore plus mal vécue lorsqu’elle vient du corps médical, ce qui n’est, hélas, pas rare. Iris Arnulf, psychologue et coordinatrice à l’association Tempo (Grenoble), est révoltée par les refus de soins – souvent déguisés – de certains professionnels de santé. « Une dame arrivée à Grenoble il y a plusieurs années a essuyé un refus de prise en charge de la part d’une gynécologue. Cela a été tellement douloureux pour elle qu’elle continue à payer ses billets de train pour être suivie à Paris malgré une situation financière difficile. » Ce témoignage illustre bien les conclusions d’une étude sur la qualité de vie liée à la santé des PVVIH suivies dans les hôpitaux en France. Menée par Taoufiq Douab, elle visait à comparer des données issues des enquêtes nationales ANRS-Vespa (2003) et Vespa 2 (2011). Dans les deux enquêtes, l’expérience de comportements de rejet de la part du personnel médical était associée à une dégradation de la qualité de vie physique et mentale. 

La précarité et les années avec le VIH pèsent sur la qualité de vie

Moins étonnante, cette étude a aussi montré que les difficultés financières, le vieillissement et le chômage influaient péjorativement sur la qualité de vie. C’est encore plus vrai pour les PVVIH que dans la population générale. Marie Pierre en sait quelque chose : elle a découvert sa séropositivité en 1987, à l’âge de 20 ans. On lui donnait deux ans à vivre au maximum ; elle a aujourd’hui 52 ans. « J’ai arrêté de travailler en 2005 parce que j’étais trop fatiguée et que j’ai fait une grosse dépression : on a beau nous persuader que le VIH est devenu une maladie chronique, dans notre tête on se dit toujours qu’on va mourir avant les autres… » Ces dernières années, Marie Pierre percevait l’allocation adulte handicapé (AAH) pour son infection par le VIH, mais celle-ci lui a été supprimée en raison de ses bons résultats biologiques (charge virale indétectable). De nombreuses personnes vivant avec le VIH sont confrontées à cette situation depuis deux ou trois ans, ce que dénoncent des associations. « Nous avons plusieurs personnes auxquelles l’AAH a été retirée parce qu’elles vont mieux, ce qui les remet à nouveau en difficulté, raconte Fabienne Langlois. C’est compliqué de parler de qualité de vie quand les besoins primaires, se loger ou se nourrir correctement, ne sont pas satisfaits. »

Marie Pierre, elle, a pu continuer à bénéficier de l’AAH au titre d’une autre maladie chronique dont elle est atteinte. Mais elle avoue avoir peur de l’avenir. « Je me rends compte que je n’ai rien construit et maintenant je me dis : “Ah mince, je suis à dix ans de la retraite, ça va être dur financièrement…” »

S’occuper de soi et des autres pour mieux vivre avec le VIH

Fardeau d’une maladie autrefois mortelle avec laquelle on vit parfois depuis trente ans, impact méconnu de traitements pris sur le long terme, répercussion de l’infection et des antirétroviraux sur le vieillissement, apparition de problèmes de santé liés à l’âge… Pour faire face à ces nouveaux enjeux, les associations s’adaptent et mettent en place des réponses : éducation thérapeutique en groupe ou à domicile, activités physiques adaptées, activités de bien-être (sophrologie, yoga, socio-esthétique, qi gong…), cuisine, temps de rencontre, groupes de parole [voir pages suivantes]. Selon la Pr Marie Préau, la dynamique associative qui existe dans le domaine du VIH renforce le sentiment d’appartenance à une communauté, permettant ainsi de mieux faire face à la stigmatisation.

Il y a deux ans, Marie Pierre a rejoint l’association le Comité des familles, en Seine-Saint-Denis. « J’ai repris contact avec ma maladie que j’avais laissée de côté pendant des années. Le fait de s’engager, de rencontrer du monde, participe à une meilleure qualité de vie. On est actif, on se bat pour les autres et on ne sent plus montré du doigt. Maintenant, j’essaie de me rendre utile, surtout pour les personnes qui viennent d’apprendre leur séropositivité. » Grâce au Comité des familles, Marie Pierre fait aussi du yoga et de la gym deux fois par semaine. « J’ai constaté qu’avec le sport j’étais beaucoup mieux qu’avec la cigarette, donc je continue ! »

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