« Lors des premières réunions de brainstorming lancées par l’Onusida, pour beaucoup d’entre nous, l’objectif des “3 x 90”[1] semblait, à la fois sur les chiffres et le concept, très, très ambitieux, voire hors d’atteinte. » François Dabis, directeur de l’ANRS, se souvient qu’alors « il n’y avait quasiment pas de [mesure de la] charge virale disponible en Afrique, donc que le troisième objectif n’était même pas mesurable ! » Pas question néanmoins de définir des objectifs différents pour les différentes parties du monde. « Pour autant, insiste-t-il, il faut tenir compte des spécificités. »
Si le Botswana fait partie des quelques pays ayant atteint les 70 % de suppression de la charge virale chez les personnes vivant avec le VIH, le Tchad, la Centrafrique ou la République démocratique du Congo, entre autres, sont encore très loin des objectifs fixés par l’Onusida, et les indicateurs restent plus bas qu’ailleurs en Afrique, malgré d’indéniables progrès réalisés ces dernières années [2].
Simplifier
« Pour répondre aux objectifs du “3 x 90” », analyse le Pr Serge Eholié, du service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Treichville, à Abidjan, le principal levier est « le renforcement et la simplification du dépistage », dans un contexte où « beaucoup trop de personnes infectées sont encore “séro-ignorantes” ou dépistées à un stade tardif ». Il faut aussi améliorer les délais de prise en charge via « la démédicalisation de la prise en charge par la délégation des tâches, l’implication de la communauté et le modèle intégré de soins ».
Innover
Enjeu essentiel pour atteindre les « 3 x 90 » : l’accès à l’innovation, notamment au traitement, alors que seuls quelques pays africains bénéficient aujourd’hui du dolutégravir [3], mais aussi au dépistage (tests rapides, autotests), à la prévention (PrEP, TasP) ou à la mesure de la charge virale (plateforme ouverte) [4]. « La simplicité de l’accès au dépistage et aux traitements est l’une des conditions indispensables », analyse le Dr Philippe Duneton, directeur exécutif adjoint d’Unitaid. Et d’ajouter qu’il est nécessaire de se poser systématiquement deux questions quand on parle d’innovation : « comment rendre les choses les plus simples possible ? de quoi les gens ont-ils besoin ? » Parmi ces besoins, l’ensemble des spécialistes s’accordent à intégrer un système de santé de qualité, vrai défi dans de nombreux pays à ressources limitées.
Défendre les droits humains
Des violences faites aux femmes à la pénalisation de l’homosexualité, la lutte pour les droits et contre les discriminations reste primordiale pour espérer mettre fin à l’épidémie. « Je mènerai de front le combat contre le sida et pour la défense des droits humains, car ils sont étroitement liés », a promis la Pr Françoise Barré-Sinoussi, nouvelle présidente de Sidaction. Un combat particulièrement nécessaire en Afrique.
[1] « 90 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur état sérologique vis-à-vis du VIH, 90 % de ces personnes ayant accès au sous traitement et 90 % des personnes sous traitement avec une charge virale indétectable. »
[2] Voir le dernier rapport de l’Onusida : http://www.unaids.org/en/resources/documents/2017/20171120_right_to_health
[3] Inhibiteur de l’intégrase de 2e génération.
[4] Projet OPP-ERA de suivi des personnes vivant avec le VIH : opp-era.org