vih Recherche sur le VIH : quoi de neuf en cette rentrée ?

13.09.20
Nora Yahia
10 min

Comme en témoignent les différentes publications sorties au mois d’août, la recherche sur le VIH progresse encore et toujours. Des nouveaux traitements en passant par les contrôleurs d’élite, petit tour d’horizon des dernières découvertes.

La recherche sur le VIH ne cesse d’avancer dans de nombreuses directions pour tenter de contrer ce virus. A suivre les publications en août, un angle d’attaque semble avoir été privilégié : l’immunologie, les chercheurs travaillant notamment à mieux comprendre les mécanismes du système immunitaire qui permettent à certaines personnes de lutter efficacement contre le virus sans traitement.

Reprogrammer les lymphocytes T pour mieux lutter contre le VIH

Deux groupes de chercheurs américains du Ragon Institute of MGH (Université d’Harvard) et de l’école de médecine Perelman (Université de Pennsylvanie) ont développé une nouvelle immunothérapie qui permettrait de lutter contre le VIH. Les caractéristiques de cette thérapie basée sur les « CAR T cells » (i) viennent d’être publiées dans la prestigieuse revue Nature Medecine (ii). 

Cette stratégie consiste à reprogrammer les lymphocytes T d’un patient pour qu’ils reconnaissent et détruisent les cellules infectées. Cette immunothérapie déjà utilisée pour traiter certains cancers, commence à se développer dans le cadre du VIH. Pour cela les lymphocytes T du patient sont prélevés, puis modifiés génétiquement de telle sorte à ce qu’ils expriment à leur surface des protéines antigéniques chimériques spécifiques de la pathologie. 

Une fois modifiées, ces cellules sont réinjectées au patient. Les lymphocytes T étant la cible majeure du VIH, les auteurs de l’étude ont développé des CAR T cells résistantes au virus, capable de cibler et éliminer rapidement les cellules infectées. Les lymphocytes T ont été reprogrammés pour exprimer deux protéines chimériques, devenant ainsi des « Dual CAR T cells ». Les cellules expriment ainsi le récepteur CD4 qui permet de cibler les cellules infectées, et les protéines co-stimulatrices 4-1BB pour stimuler la prolifération et la persistance des lymphocytes, et CD28 pour augmenter leur capacité à éliminer les cellules infectées. 

Afin de prévenir l’infection de ces « Dual CAR T cells » par le VIH, les chercheurs ont ajouté à leur surface l’inhibiteur de fusion C34-CXCR4 qui empêche le virus de s’accrocher aux cellules et donc de les infecter. Cet ajout apporte un bénéfice certain aux cellules, en améliorant considérablement leur survie et leurs fonctions effectrices. 

Les données sur modèle murin montrent que cette immunothérapie permet de réduire la réplication virale ainsi que le nombre de cellules infectées. Administré en complément d’un traitement antirétroviral, le virus est maitrisé plus rapidement, ce qui conduit à l’établissement d’un réservoir viral plus petit que chez les souris n’ayant reçu que les ARV (iii). Ces résultats bien que précliniques semblent prometteurs. 

Fingolimod, de la sclérose en plaque au VIH

Les ARV actuels ont démontré leur efficacité dans le traitement du VIH. Pour autant, le spectre de l’apparition de résistance, ainsi que les effets indésirables poussent les chercheurs à développer de nouvelles molécules thérapeutiques. Une des stratégies utilisées consiste à développer des thérapies ciblant non pas directement le virus mais les composants immuns impliqués dans l’infection. 

Les chercheurs de l’université Georges Washington se sont intéressés au Fingolimod, un antagoniste des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate (S1P), utilisé dans le traitement de la sclérose en plaque. La sphingosine 1-phosphate est un lipide membranaire régulant, via son interaction avec plusieurs récepteurs, différentes fonctions biologiques essentielles au niveau cardiologique, neurologique et immunitaire (iv). 

Un rôle clé de cette classe de lipides dans l’entrée du VIH dans les cellules T a été proposé par de nombreux chercheurs. Celle-ci se ferait via la stabilisation de l’interaction gp120-CD4 nécessaire à la fusion entre les membranes virales et cellulaires. L’inhibition de ces glycosphingolipides réduit fortement la fusion du VIH à la membrane cellulaire et l’infection productive dans des lymphocytes T primaires (v). 

C’est avec ces éléments en tête que l’équipe américaine s’est intéressée au rôle du Fingolimod dans l’infection VIH. Les données publiées (vi) montrent que cette molécule bloque l’infection des lymphocytes T CD4 par le VIH via deux mécanismes. Le Fingolimod diminue la densité du récepteur CD4 à la surface des lymphocytes inhibant ainsi la liaison et la fusion virales. Selon les auteurs, la molécule agirait également sur le facteur de restriction SAMDH1, dont le rôle est d’inhiber la réplication virale, en augmentant l’expression de sa forme active. 

Autre point intéressant du papier, le Fingolimod opèrerait aussi sur les formes latentes du virus. Il semblerait que la molécule limiterait la taille du réservoir viral mis en place. Au vue de l’ensemble de ces données, et du fait que la molécule est cliniquement approuvée et bien tolérée, le Fingolimod pourrait être une nouvelle thérapie de choix pouvant être utilisée en complément des ARV habituels pour traiter l’infection par le VIH. 

CPT31, un nouvel inhibiteur d’entrée

Des chercheurs de l’université Utah Health viennent de publier dans la revue PNAS (vii) les résultats de leur étude caractérisant une nouvelle molécule antivirale, dans un modèle de primates non humains. Le peptide en question, le CPT31, a été développé à la fin des années 90 par deux jeunes chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology). 

CPT31 se lie à une portion conservée de la protéine virale gp41, au niveau du domaine de fusion. En agissant sur la fusion entre les membranes virales et cellulaires, le CPT31 bloque l’entrée du virus et donc l’infection des cellules. Depuis lors, les chercheurs n’ont eu cesse d’optimiser la molécule en vue d’une future application en thérapie. 

Le peptide qu’ils viennent de mettre au point a pour particularité de ne pas être dégradé par l’organisme, d’avoir une durée de demi-vie plus élevée que le peptide naturel, le rendant adaptable à une formulation thérapeutique injectable à longue durée d’action. Autre point positif, ce type de peptide semble être ignoré du système immunitaire prévenant ainsi tous types de réactions indésirables. 

Les résultats récemment publiés montrent que le CPT31 a un fort pouvoir inhibant contre de multiples souches virales. Injecté en préventif chez quatre macaques avant challenge viral, le peptide a prouvé son efficacité à protéger les quatre animaux d’une infection. 

Au niveau thérapeutique, les chercheurs ont administré le composé à des macaques infectés présentant une forte charge virale. En un mois, le peptide a permis de diminuer de manière significative la charge virale avant l’apparition d’un rebond viral due à l’émergence d’une résistance au composé, prévisible car utilisée en monothérapie. 

Chez les animaux infectés de manière chronique présentant une virémie initialement contrôlée par la prise d’ARV, la monothérapie par CPT31 a empêché le rebond viral après l’arrêt du traitement antirétroviral. Ces données préliminaires font du CPT31 un candidat prometteur pour la prévention et le traitement du VIH.

Les provirus des contrôleurs d’élite réduits au silence

Depuis la découverte de leur profil si particulier, les contrôleurs d’élite intéressent particulièrement les chercheurs travaillant sur le VIH. Ils tentent de comprendre par quels mécanismes ces personnes, qui représentent 0.5% des PvVIH, arrivent à contrôler la réplication du VIH sans avoir jamais pris de médicament. 

Les études menées ont permis de lever le voile sur certains de ces mécanismes, liant ainsi ce contrôle naturel du virus à une meilleure réponse des lymphocytes T CD8 et un profil génétique particulier. Récemment l’équipe du Dr Xu Yu (Ragon Institute of MGH, université d’Harvard) a découvert que chez ces personnes, les provirus (ADN viral qui est intégré à l’ADN de la cellule) étaient préférentiellement intégrés dans des zones dites à faible activité transcriptionnelle (viii). 

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont comparé le réservoir viral de contrôleurs d’élite à celui de PvVIH sous traitement. La quantité de provirus retrouvés chez les contrôleurs d’élite est plus faible que celle des PvVIH. Pour autant ceux-ci sont intacts, donc capables de produire à nouveaux des virus si transcrits. 

Les chercheurs ont ensuite analysé les sites d’intégration de ces provirus, en s’appuyant sur une technologie de pointe. D’après les résultats, les provirus des contrôleurs d’élite sont préférentiellement intégrés dans des régions du génome cellulaire ne codant pas pour des protéines. Ils ont également observé que ces génomes viraux étaient fréquemment positionnés dans des zones associées à une répression de la transcription. Ils sont notamment retrouvés au niveau des centromères, qui sont des régions du génome où l’ADN est très condensé donc non transcrit. 

L’analyse des régions de chromatine accessible (où la transcription est possible), a révélé que les sites d’intégration virale chez les contrôleurs d’élite sont plus éloignés de ces régions que ceux des PvVIH sous ARV. 

Avec l’ensemble de ces résultats, les auteurs émettent l’hypothèse que le profil particulier des réservoirs chez les contrôleurs d’élite n’est pas dû à une intégration préférentielle des provirus dans des zones qui ne permettent pas une transcription, mais résulte plutôt d’une sélection médiée par la réponse immune à médiation cellulaire, qui élimine préférentiellement les provirus les plus susceptibles de produire des protéines virales. 

Par ailleurs, le profil d’intégration distinct de ces provirus, dont une grande partie se retrouve dans des zones non transcrites entraine une réplication à bas bruit du virus, qui permet de maintenir une réponse cellulaire efficace, sans épuiser les lymphocytes T.

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