vih Recommandations de l’OMS : la PrEP à la demande fait ses preuves

03.01.20
Vincent Michelon
7 min
Visuel Recommandations de l’OMS : la PrEP à la demande fait ses preuves

Simple « mise à jour » ou petite révolution ? Alors que le recours à la prophylaxie préexposition (PrEP) – accompagné d’un suivi médical et d’une recherche systématique d’IST – est consacré depuis plusieurs années comme un élément de la prévention globale de la transmission du VIH, l’OMS a publié en juillet dernier, parallèlement à la 10e Conférence scientifique sur le VIH (IAS 2019), un nouveau recueil de recommandations qui apporte d’importantes précisions à cette stratégie.

Dans ce recueil intitulé « Qu’est-ce que le 2+1+1 ? Recours à la PrEP occasionnelle dans la prévention du VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes » (HSH), l’OMS intègre les conclusions de plusieurs études récentes qui démontrent l’efficacité du recours à une PrEP « à la demande », c’est-à-dire ponctuelle, pour prévenir le risque de transmission. Une stratégie distincte de la PrEP « quotidienne » ou « en continu » qui se caractérise par la prise quotidienne du traitement, à savoir le fumarate de ténofovir disoproxil (TDF) ou TDF + emtricitabine (TDF/FTC), ou TDF/T3C.

2+1+1, de quoi parle-t-on ?

Les nouvelles recommandations de l’OMS s’appuient sur une série d’études amorcées depuis plusieurs années. Lancé en 2015, l’essai ANRS Ipergay avait déjà montré l’efficacité du recours à une PrEP à la demande chez les HSH dans plusieurs centres cliniques en France et au Canada. Le protocole retenu était le suivant : deux comprimés TDF/FTC entre 2 et 24 heures avant le rapport sexuel, puis un troisième comprimé 24 heures après les deux premiers et un quatrième 48 heures après les deux premiers comprimés. Selon un bilan d’Ipergay actualisé en 2017, ce « 2+1+1 » s’est traduit par une réduction de 97 % de la transmission du VIH par comparaison avec un placebo. Toutefois, l’OMS estimait ne pas avoir d’éléments suffisants afin de mener une étude comparée entre les deux types de PrEP, occasionnelle ou en continu.

Lancée en 2017, l’étude Prévenir, conduite par l’ANRS auprès d’environ 3 000 personnes séronégatives en région Île-de-France, a apporté à ce titre une série d’éléments nouveaux qui ont contribué à l’élaboration des nouvelles recommandations de l’OMS. L’étude, dont les résultats provisoires étaient détaillés lors de l’IAS 2019[1], a montré une incidence du VIH nulle chez les 2 143 premiers volontaires inclus dans l’étude, que la prise des comprimés ait été continue ou occasionnelle. En clair, sur les 3 057 volontaires finalement inclus dans l’étude, seules deux contaminations ont été observées durant la période. Parmi les participants, la moitié (51 %) avaient recours à la PrEP quotidienne, l’autre moitié à une PrEP occasionnelle selon le protocole « 2+1+1 » décrit plus haut. Les deux options ont montré une efficacité similaire. 

« Avec seulement deux nouveaux cas observés, nous avons constaté au sein de cette cohorte une incidence extrêmement faible du VIH, a observé le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses à Saint-Louis (Paris), lors de la présentation de ces résultats à l’IAS. Nous pensons ainsi avoir évité 143 nouvelles contaminations. Les deux cas de contamination étaient des personnes qui avaient opté pour la PrEP à la demande (…), mais ils avaient arrêté la PrEP plusieurs semaines avant. » La mise en œuvre de la recommandation « 2+1+1 » devrait permettre « à davantage de personnes de recourir à la PrEP à l’avenir », a également estimé le Pr Molina. Et d’ajouter : « J’espère que cette façon de rendre les choses plus simples permettra aux gens de rester dans la PrEP. »

Observance stricte

Les deux usages de la prophylaxie préexposition répondent à des besoins différents, notent les spécialistes, sur la base de Prévenir. La PrEP quotidienne reste recommandée pour les HSH dans le cas de rapports sexuels multiples (supérieurs à deux rapports à risque par semaine) et si cette prise de risque ne peut être anticipée. Dans l’enquête Prévenir, la prise quotidienne concerne d’ailleurs davantage des personnes ayant un nombre élevé de partenaires. La PrEP occasionnelle est quant à elle jugée efficace lorsque les personnes ont des relations sexuelles moins régulières et qu’elles sont capables d’anticiper le rapport, afin de prendre les deux premiers comprimés entre 2 et 24 heures avant ce rapport. À noter que dans les deux cas de figure, l’OMS recommande un test VIH tous les trois mois.

L’OMS précise toutefois que les nouvelles recommandations ne concernent que les HSH, majoritaires dans l’enquête Prévenir. Les données actuelles sont insuffisantes pour d’autres populations – comme dans le cas des rapports hétérosexuels – et la recommandation reste, pour ces dernières, le recours à la PrEP quotidienne.

Alerte sur les autres IST

En outre, l’OMS a assorti ses conclusions d’un appel à faire de la PrEP « une opportunité pour engager avec les personnes un suivi de santé sexuelle, notamment au regard des infections sexuellement transmissibles (IST) » qui feront l’objet de recommandations spécifiques d’ici à la fin 2019.

Plusieurs études ont en effet mis l’accent – sans remettre en cause le bien-fondé de la PrEP – sur le risque d’une hausse des IST chez ses utilisateurs, même si aucun changement dans les pratiques sexuelles n’a pu être imputé à la PrEP. Sur la base de l’étude Ipergay, le lien a été établi entre la découverte de l’efficacité de la PrEP et la baisse de l’usage du préservatif, objet d’une présentation de Luis Sagaon Teyssier, chargé de recherches au Sesstim, durant l’IAS 2019. Près de 70 % des participants ayant pratiqué la PrEP avaient un usage très faible du préservatif, cet usage augmentant souvent avec la découverte d’une IST.

L’étude Prévenir a également permis de constater ce « risque de compensation », qui fait des IST une question majeure chez les utilisateurs de la PrEP. D’après cette étude, une hausse de 38 % des diagnostics d’IST – et tout particulièrement la chlamydia et la gonorrhée – a pu être observée au sein de la cohorte. « Cette hausse a été plus marquée chez les personnes ayant recours à la PrEP quotidienne, a noté Jean-Michel Molina. La meilleure explication est que ces personnes ont plus de relations sexuelles et donc plus de risques de contracter une IST. »

Les recommandations de l’OMS

Une série de recommandations a été émise à partir de ces constats, en attendant les conclusions à venir de l’OMS. D’abord, le maintien de la promotion du préservatif auprès des utilisateurs de la PrEP et le recours aux tests de dépistage des IST chez les publics à risque (au moins une fois par an chez un patient asymptomatique) afin de permettre un diagnostic précoce et, le cas échéant, le traitement du partenaire. Ensuite, le recours aux vaccins pour les hépatites A et B, le papillomavirus, ainsi que des traitements pour la gonorrhée, la chlamydia et la syphilis. Enfin, la question de l’utilisation postexposition d’antibiotiques du type doxycycline est posée pour réduire les risques de contracter certaines IST (chlamydia et syphilis), mais en l’absence d’étude approfondie sur les risques éventuels de résistance au traitement, cette pratique ne figure pas parmi les recommandations actuelles.

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