Renaud Persiaux nous a quitté dans la nuit du 18 au 19 novembre dernier. Journaliste engagé, collègue généreux, curieux et toujours enthousiaste, il avait travaillé de 2008 à 2010 à Sidaction, puis de très nombreuses années à Aides. Transversal lui rend hommage en publiant à nouveau un des articles qu’il avait écrit pour notre magazine.
Un activisme à encourager
Directeur exécutif de l’Onusida depuis 1995, Peter Piot quittera son poste à la fin de l’année. En ouverture du Sommet des personnes vivant avec le VIH, il a rappelé la place des personnes séropositives dans le combat contre le sida.
« Je suis ici parce que je suis convaincu que le mouvement des personnes vivant avec le VIH peut participer davantage encore. Ce que vous avez accompli possède un pouvoir de transformation très important. Continuez à faire pression ! » Ces mots ne sont pas ceux d’un militant, mais ceux de Peter Piot, directeur de l’Onusida, dans son discours d’ouverture du Sommet. Accès aux antirétroviraux dans de nombreux pays en développement (PED), prévention de la transmission de la mère à l’enfant, mise en place de lois contre les discriminations et suppression de lois discriminatoires sont au nombre des succès du mouvement des personnes vivants avec le VIH. Mais les défis actuels ne sont pas moindres que ceux d’hier.
Contre les discriminations
Revenant sur les thèmes retenus et rappelant leur complémentarité, le spécialiste mondial a condamné les stigmatisations, la criminalisation croissante des personnes vivant avec le VIH, le non-respect de leur droit à la santé sexuelle et de la reproduction. « Les stigmatisations freinent l’accès aux traitements et au dépistage. Or, lorsqu’elles existent, les lois contre les discriminations ne sont pas réellement appliquées […]. Le moment est venu de créer de nouvelles alliances avec les mouvements des droits de l’homme. Plaider pour le respect des droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH est nécessaire pour lutter efficacement et durablement contre le sida. » Il a aussi regretté que de nombreux pays interdisent encore aux étrangers séropositifs l’entrée ou la résidence sur leur territoire.
Engagement politique
Le directeur de l’agence qui produit les chiffres officiels de l’épidémie n’oublie pas que « derrière les statistiques, on trouve des millions de visages trop souvent invisibles et parfois des inégalités criantes. Si ma mère a une pression artérielle trop faible et mon père trop forte, la moyenne est bonne mais chacun a un problème ». Il a également souligné combien conserver le sida dans les priorités politiques était difficile. « Beaucoup de personnes pensent qu’il y a suffisamment d’argent pour le sida. C’est faux. Trois millions de personnes sont sous traitements, mais 6 millions en ont encore besoin en urgence. » Il veut aussi permettre l’accès aux nouveaux traitements dans les PED. « C’est un objectif ambitieux, mais pour obtenir des résultats, il faut des objectifs ambitieux et planifiés. » L’activisme des personnes séropositives lui semble le seul moyen de faire comprendre qu’il manque encore de l’argent. « Sans leur leadership politique, nous ne pourrons pas soutenir l’effort nécessaire à la fourniture de traitements pour des millions de personnes pendant dix, vingt ou quarante ans. »
Appel à l’unité et à la diversité
Selon le Dr Piot, « à l’aube d’une nouvelle phase de la lutte contre le sida, il faut assurer la pérennité des succès obtenus et rester mobilisés pour en obtenir de nouveaux. Malgré de grands progrès ces dernières années, le changement d’échelle pour l’accès universel pose de gigantesques défis que nous ne pourrons surmonter qu’en partenariat avec les communautés de personnes vivant avec le VIH du monde entier. Il faut reconnaître leur contribution et la financer de façon adéquate. » Il en a appelé à l’unité et à la diversité. « Nous recevons beaucoup d’attaques de technocrates qui pensent ne pas avoir besoin des personnes séropositives et que ce sont eux seuls, médecins et experts, qui résoudront le problème du sida. Certains voudraient revenir aux jours anciens. Ce serait la mort de tout ce que nous avons réalisé. Ne nous laissons pas berner par les solutions simplistes. Nous avons besoin de nouveaux leaders, nous devons gagner le cœur des jeunes vivant avec le VIH et les aider. » Treize ans après son entrée en fonctions et à la veille de les quitter, Peter Piot a terminé sur ces mots : « Ce n’est pas juste mon travail, c’est ma vie. Je lutterai toujours. Vous pouvez compter sur moi. »
Renaud Persiaux
Ses collègues et amis de Aides lui ont rendu magnifiquement hommage notamment dans un article de Seronet et nous nous joignons à eux pour partager et exprimer notre tristesse. Nous avons eu envie de nous replonger dans les articles qu’il avait écrits pour Transversal, de lui redonner la parole en quelque sorte… C’était à l’occasion du Sommet des personnes vivant avec le VIH qui avait précédé, en 2008 la conférence internationale sur le VIH à Mexico. Renaud avait interviewé Peter Piot, alors directeur de l’ONUSIDA, sur la question de la place des personnes vivant avec le VIH dans la lutte contre le sida. Relire un article écrit par Renaud, c’est aussi se souvenir de lui et de ce qu’il nous a tous apporté.