Le 3 novembre 2023 a eu lieu, pour la septième année consécutive, la journée dédiée à l’approche « One health ». Depuis la pandémie de Covid, ce concept a le vent en poupe. De quoi s’agit-il concrètement ?
Plus qu’un concept, le « One health » est une approche et un appel à l’ordre qui portent une grande ambition : aider à mieux détecter et traiter rapidement les futures menaces sanitaires avant qu’elles n’impactent lourdement toute la planète… comme le Covid. Se traduisant par « Une seule santé », One health repose sur la conviction que la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale ne font qu’un, et qu’on ne peut donc pas se soucier de l’une sans prendre en compte les deux autres.
« Cette approche part du constat que si l’une de ces santés est impactée les autres le sont aussi. Par exemple, la pollution de l’environnement peut avoir des effets sur la santé humaine ou la santé animale, en augmentant notamment le risque de maladies respiratoires, cardiaques et cancéreuses. A l’inverse, la santé de l’environnement peut être impactée par les santés humaine et animale, à cause par exemple, de l’utilisation des pesticides ou de divers médicaments qui peuvent au final se retrouver dans les sols ou l’eau douce et les polluer. D’où la nécessité d’une approche intégrée, globale, de ces trois santés pour mieux lutter contre l’apparition de nouvelles menaces sanitaires, que l’on appelle des ‘maladies émergentes’ », développe explique Thierry Lefrançois, vétérinaire au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à Montpellier et membre du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), en charge de coordonner les approches One health au sein de ce comité.
En pratique, une approche nécessairement transversale…
Outre les maladies infectieuses comme le Covid (liées à la contamination par un micro-organisme : virus, bactéries, etc.), l’approche One Health est également pertinente pour affronter les menaces touchant à deux autres domaines où santés humaine, animale et environnementales sont intimement liées : la sécurité sanitaire des aliments, sachant par exemple que la contamination d’un produit végétal ou animal peut nuire à la santé humaine ; et la lutte contre la résistance aux antibiotiques, qui survient quand les bactéries deviennent moins sensibles à ces médicaments cruciaux pour les santés humaine et animale.
En pratique, la mise en œuvre le One health nécessite la coopération d’acteurs de différentes disciplines scientifiques et de différents secteurs dont la connaissance est nécessaire pour comprendre le risques d’émergence. « Par exemple, si on considère les maladies vectorielles (transmises par des vecteurs : les moustiques ou les tiques) comme le paludisme, la dengue, ou encore le chikungunya, dont la propagation dépend des contacts entre l’agent pathogène les provoquant, le vecteur et l’homme ou l’animal, eh bien, l’approche One health nécessitera de réunir autour d’une même table, des spécialistes des trois santés (médecins, vétérinaires, agronomes, spécialistes de l’eau ou des végétaux…), des personnes en contact régulier avec les animaux domestiques ou sauvages (éleveurs, pêcheurs, chasseurs, forestiers, gestionnaires de parcs animaliers…), des consommateurs de’viande de brousse’ et de gibier, le grand public (promeneurs…) et les décideurs. Ces acteurs doivent s’informer mutuellement et agir d’une manière concertée. Cela, en lien avec des gestionnaires de la santé publique, notamment le ministère de la Santé », illustre Thierry Lefrançois.
… toujours difficile à mettre en place
Née au début des années 2000 et portée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le One health intéresse les spécialistes de la santé humaine surtout depuis la pandémie de Covid. Laquelle a accéléré la prise de conscience de la nécessité de protéger les santés animale et environnementale pour protéger in fine la santé humaine ; le virus du Covid, le SARS-CoV-2, étant vraisemblablement issus de chauves-souris.
Cependant, la mise en œuvre sur One health reste difficile. Et pour cause : « Les acteurs dont elle nécessite la collaboration sont peu habitués à travailler ensemble et peuvent avoir des points de vue différents ; ce qui complique leurs échanges », explique Thierry Lefrançois. Ensuite, freine aussi « le rapprochement des différents ministères nationaux concernés par cette approche, comme ceux de la santé, de l’agriculture et de l’écologie, indispensable pour promouvoir des actions concrètes ». Pour d’accélérer l’adoption du One health, à l’occasion de la journée « Une seule santé » du 3 novembre 2023, l’OMS a exhorté les « dirigeants de la planète », à « renforc[er] l’engagement politique et les mesures prises en vue d’investir » en faveur du One health.
La plupart des maladies humaines émergentes ciblées par le One health sont d’origine infectieuse, et plus de 70 % de celles-ci sont des zoonoses, à savoir des maladies d’origine animale. Pas étonnant que cette approche ait été adoptée rapidement par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (l’ANRS | MIE). Laquelle est chargée de coordonner, d’animer et de financer la recherche publique sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles et la tuberculose, mais aussi – depuis début 2021 – celle sur les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes.
Concrètement, explique Eric D’Ortenzio, responsable du département Stratégie et Partenariats de l’agence, « nous avons intégré des spécialistes de la santé animale et de la santé environnementale dans nos groupes d’animation scientifique dédiés aux fièvres hémorragiques virales (Ebola, fièvre de Lassa, de Marburg…) et sur les arboviroses (Chikungunya, dengue, encore la fièvre jaune…), des infections transmises par des animaux (chauve-souris pour Ebola, moustiques pour Chikungunya, etc.). Par ailleurs, un des principes directeurs de notre plan stratégique 2023-2027 consiste en un engagement en faveur de la recherche et des approches ‘Une Seule Santé’ ».