Que l’on ait 30 ou 61 ans, se découvrir séropositif reste un choc. Pour Sébastien et Daniel, ce fut d’autant plus violent qu’ils étaient au stade sida. Pour convaincre les jeunes de l’importance du dépistage, ils ont souhaité témoigner.
« Quand on m’a appris ma séropositivité, le 14 décembre 2020, j’entrais en phase sida. Il ne me restait plus que 20 CD4 et ma charge virale était montée à 6 millions de copies », confie Sébastien.Aujourd’hui en parfaite santé, sans la moindre séquelle et avec une charge virale indétectable, ce jeune homme âgé de 30 ans se souvient de ce jour comme d’un événement clé de sa vie.
Trois jours plus tôt, il avait profité d’un week-end chez sa mère pour faire une banale prise de sang, prescrite par son médecin à la suite d’une petite fatigue que Sébastien attribuait au travail. « Le laboratoire m’a très vite appelé pour me dire que je n’avais quasiment plus de défense immunitaire et que je devais tout de suite me rendre aux urgences ; ce que j’ai fait. Là, les médecins ont d’abord pensé à une leucémie, explique-t-il. Alors, quand, à la suite d’une nouvelle batterie de tests, ils m’ont dépisté séropositif au VIH, j’étais paradoxalement presque soulagé. C’était un coup dur, mais je savais qu’au moins cela se soignait. Pour la leucémie, cela n’aurait pas été la même chanson. »
Pour Danielµ, de 31 ans son aîné, le parcours a été assez similaire. « C’est mon pneumologue qui l’a repéré sur un scanner l’année dernière. Après l’avoir regardé attentivement, il s’est tourné vers moi pour me demander de quand datait mon dernier dépistage du VIH. À ce moment précis, j’ai senti le vent du boulet me frôler, révèle-t-il. Deux heures plus tard, j’étais pris en charge à l’hôpital par des gens extraordinaires, qui m’ont administré un traitement à réveiller les morts, mon taux de CD4 étant dangereusement bas. » Désormais complètement remis sur pied, Daniel a diamétralement changé d’attitude. « Il y a un moment où il faut cesser de se comporter comme un con », résume-t-il d’une phrase lapidaire.
Le poids du dépistage
Tous les deux gays, Sébastien et Daniel n’ont pas le sentiment d’avoir eu des pratiques particulièrement à risque, même si, comme le reconnaît Daniel avec beaucoup de bon sens, « il y a forcément eu quelques trous dans la raquette ».
Par contre, ils admettent un grand tort : avoir tardé à se faire dépister, par déni et non par ignorance, car ils connaissaient parfaitement les risques. « J’avais une peur viscérale du sida, explique Daniel, qui a connu l’époque terrible où ce diagnostic était synonyme de mort. Je n’osais même pas prononcer ce mot tellement il me faisait peur. Je me sentais tout simplement incapable d’assumer un résultat positif et je ne voulais pas vivre dans une peur permanente. » Il admet s’être mis des œillères de façon complètement irrationnelle.
Avec le besoin de tout contrôler qui le caractérise, Sébastien a tout de suite demandé quel était le plan de bataille. Il a ensuite matraqué de questions SIS Association (anciennement Sida Info Service), pendant que, dans le même temps, sa mère, à qui il venait d’annoncer sa séropositivité, s’entretenait avec un autre opérateur de l’association.
Sébastien voulait notamment savoir comment l’annoncer à ses anciens partenaires. « La première personne à laquelle j’ai pensé a naturellement été le compagnon avec lequel je suis resté cinq ans. Il a très bien réagi et s’est montré soulagé que je n’aie pas une leucémie. Il s’est ensuite fort heureusement révélé négatif », se rappelle Sébastien, qui redoutait de l’avoir contaminé. Et de reconnaître : « Un autre homme avec lequel j’avais entretenu une relation moins sérieuse a eu plus de mal à digérer la nouvelle. J’ai senti que le message passait, néanmoins il a mis beaucoup de temps à faire le test. J’attendais anxieusement d’en connaître le résultat, mais rien ne venait, jusqu’au jour où il s’est senti prêt. Le test était négatif, à mon plus grand soulagement. »
Au final, Sébastien et Daniel, dont les contaminations sont sans doute anciennes, bien qu’elles n’aient pu être datées, n’ont pas réussi à retrouver les personnes qui les avaient contaminés, probablement une relation d’un soir, dont ils n’ont pas gardé les coordonnés. Mais, pour l’un comme pour l’autre, cela n’est pas important.
Le dire ou non ?
Pour ce qui est de leurs amis, les deux hommes n’ont pas hésité à le dire, sans tabou. Si Daniel n’a pas souhaité s’en ouvrir à sa famille afin de ne pas les inquiéter, Sébastien l’a tout de suite annoncé à sa mère, avant de se confier à ses amis. « C’était très important pour moi de leur montrer que tout allait bien », explique-t-il. Pour autant, il ne voulait à aucun prix voir de la pitié dans le regard de ses parents. Il leur a donc donné 24 heures pour lui poser toutes les questions qu’ils souhaitaient. Au-delà, il ne voulait plus en parler, afin d’aller de l’avant.
« Aujourd’hui, s’il nous arrive d’en discuter, c’est essentiellement sous l’angle de ce que je fais pour l’association Séropotes, que j’ai rapidement intégrée et qui m’a beaucoup aidé à m’accepter et à me rendre compte que la vie continue », tient à souligner Sébastien, qui adopte la même attitude avec les nouvelles personnes qu’il rencontre.
« Au début, je l’annonçais brutalement, mais je me suis vite rendu compte que cela n’était pas la bonne méthode. J’ai vu des gens devenir presque verts de peur, se souvient-il dans un sourire. J’ai alors affiné mon approche et je commence par dire que je fais partie d’une association LGBT qui réunit des personnes séropositives et séroconcernées. L’annonce passe ainsi plus fluidement, et les gens réagissent bien. »
Au final, pour les deux hommes, la conclusion est la même : même si c’est difficile et que cela fait peur, il faut absolument se faire dépister régulièrement et dédramatiser la maladie, car comme le rappelle Daniel, « le traitement est aujourd’hui très bien toléré et permet de vivre normalement avec la même espérance de vie que les personnes séronégatives ».
* Le prénom à été modifié
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