Thème central du dernier Congrès de la SFLS, la médiation en santé s’impose de plus en plus comme un maillon essentiel du système de soins, nécessaire pour le rendre accessible à tous. Transversal fait le point sur cette profession encore mal connue et reconnue.
Depuis quelques mois, il est beaucoup question de la médiation en santé… Ainsi en juin 2022, dans sa revue trimestrielle La Santé en action, l’agence Santé publique France a consacré un dossier entier à ce « nouveau métier » qui a pour vocation de « lever les obstacles aux parcours de soin et de prévention ». Puis en octobre, en conclusion de la journée de lancement du Conseil national de la refondation en santé, le ministre de la Santé, François Braun, a déclaré « [avoir] la conviction que la médiation en santé […] est une clé de notre action collective ». Enfin, en novembre, lors du Congrès de la société française de lutte contre le Sida, le Pr Olivier Bouchaud, infectiologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), a lancé un appel en faveur de la création de « 1 000 postes de médiateurs en santé par an dès 2023.C’est dire si cette profession encore largement méconnue, fait l’objet d’un intérêt croissant.
De quoi s’agit-il exactement ? Pour comprendre, précisons au préalable que si en France l’accès au système de santé est en théorie garanti à tous par la loi, en pratique il existe de grandes inégalités… Ainsi, selon la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam), en 2016, plus d’un assuré social sur 4 (26,5 %) a renoncé à des soins pour des raisons financières mais aussi parfois, à cause d’une méconnaissance des aides existantes, de délais trop importants pour obtenir un rendez-vous, d’un éloignement géographique, de problèmes de mobilité, ou encore de difficultés à comprendre et à s’orienter dans le système de soins. Or voilà, « ce renoncement aux soins entraîne des pertes de chances pour les individus et – même si cela est difficile à chiffrer – un coût considérable pour notre système de santé ; les troubles non évités ou non traités précocement étant plus compliqués à prendre en charge », explique le Pr Bouchaud. D’où la nécessité de lutter contre les inégalités d’accès aux droits et aux soins… C’est là justement l’objectif de la médiation en santé.
Selon la Haute autorité de santé (HAS), cette « fonction d’interface » a pour but de « faciliter l’accès aux droits, à la prévention et aux soins, [aux] plus vulnérables ». Ceci dit, pour Hélène Meunier, membre indépendante du collectif interassociatif TRT-5 CHV de lutte contre le VIH et les hépatites virales, et médiatrice en santé au sein de l’association de lutte contre le Sida « Envie » à Montpellier, cette vision de la HAS est « plutôt restrictive » : « elle donne l’impression que la médiation en santé ne serait utile que pour les personnes en rupture de soins ou qui ne connaissent pas ou peu le système de santé, dont notamment les migrants confrontés à barrière de la langue. Or elle peut également aider des personnes a priori bien suivies, informées et inscrites dans leur parcours de santé, mais qui ont besoin d’être soutenues sur des périodes plus ou moins longues – et non seulement ponctuellement, comme l’envisage la HAS. Cela peut être le cas par exemple, après l’annonce d’un cancer ou lors de l’orientation vers une nouvelle spécialité médicale en cas de développement d’une maladie chronique (diabète, maladie cardiaque…) ». En fait, analyse la médiatrice, « cette profession pourrait bénéficier à tous, dès lors que l’on se trouve en situation de vulnérabilité dans son parcours de santé et que l’on a besoin d’un accompagnement ».
Une logique de « Faire avec »
En pratique, les médiatrices et médiateurs en santé informent, orientent et accompagnent les patients dans leurs parcours de santé. Cela, « dans une logique de « faire avec » et non de « faire pour », l’idée n’étant pas de faire les démarches à la place des personnes, mais de les aider à se remette sur les rails de leurs parcours de santé », souligne Hélène Meunier. Par exemple, au sein de l’association Acceptess-T, qui milite pour les droits des personnes transgenres, « nos 6 médiatrices en santé interviennent notamment pour orienter nos bénéficiaires vers des structures et des professionnels de soins partenaires, habitués à prendre en charge de façon adéquate des personnes transgenres. Et quand il est nécessaire de recourir à d’autres professionnels ou structures, elles font de la sensibilisation en amont auprès de ceux-ci pour éviter toute discrimination. De plus, si le patient et le médecin donnent leur accord, elles peuvent assister aux consultations et aux examens pour favoriser le dialogue, notamment s’ils existent des barrières de la langue. Enfin, elles supervisent ensuite la continuité du parcours de soins afin de s’assurer que rien n’éloignera de nouveau la personne du système de santé », explique Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess-T.
Historiquement, la médiation en santé a commencé à se développer au début des années 1990, dans le champ du VIH. « A cette époque il n’existait encore aucun traitement efficace contre ce virus ; aussi, la prise en charge des patients s’est structurée autour d’associations, lesquelles ont proposé d’accompagner les patients dans leurs difficiles parcours de soins, dont l’issue était toujours le décès. Cet accompagnement a permis de constater le besoin des malades, d’être guidés dans leurs droits et leur accès aux soins et d’être épaulés dans leur relation avec des soignants. La médiation en santé venait de voir le jour », raconte le Pr Bouchaud.
Une profession en quête de reconnaissance
Par la suite, la médiation en santé a gagné d’autre domaines de santé, comme la diabétologie ou la psychiatrie. Puis en 2016, elle a été reconnue officiellement par la loi de modernisation du système de santé de 2016. Et un an après, en 2017, la HAS élaborait « un référentiel de compétences, de formation et de bonnes pratiques sur la médiation en santé ». Enfin, l’« institutionnalisation » de ce métier s’est poursuivi par le lancement – toujours en 2017 -, par le Pr Bouchaud, de la première formation universitaire dédiée à cette profession : le Diplôme universitaire « Médiation en santé », de l’Université Paris 13, qui forme désormais une vingtaine de personnes chaque année. « L’enjeu était de créer un cursus solide et d’un niveau élevé, afin que cette profession soit considérée à sa juste valeur », souligne l’infectiologue.
A l’avenir, « la médiation en santé devrait connaître un fort développement », estime Hélène Meunier. Et pour cause : « plusieurs facteurs tendent à compliquer l’accès aux soins et donc à créer un besoin grandissant de médiation en santé : la rationalisation et la rentabilité des soins, devenues prioritaires sur le dialogue entre médecin et patient, les explications et la coordination du parcours ; le manque croissant de médecins, qui fait que de plus en plus de personnes vivent dans des déserts médicaux, où l’accès aux soins est difficile ; l’augmentation du nombre de personnes âgées (liée au vieillissement de la population), qui risquent d’être souvent laissées livrées à elles-mêmes sans aidants vivant à proximité d’elles ; etc. », énumère Hélène Meunier.
Sidaction s’engage pour la promotion de la médiation en santé
Co-coordonné par Sidaction, le Collectif pour la Promotion de la Médiation en Santé (CPMS) a finalisé son document de positionnement « Reconnaissance et sécurisation professionnelle du métier de médiateur.rice en santé ». Le document a été envoyé par courrier postal le lundi dernier au ministre de la Santé et au ministre du travail, accompagné d’une demande de rendez-vous. Une diffusion plus large du document, notamment auprès des ARS, est également prévue.
Pour retrouver le document : https://mcusercontent.com/21c25691ab72212a53fd1fbe6/files/17fcd6c0-7af1-cf0d-b3d9-79707383692b/Reconnaissance_du_m%C3%A9tier_de_m%C3%A9diateur_en_sant%C3%A9_CPMS.02.pdf