Fin janvier, décédait Simon Litvak. Retour sur le parcours de ce pionnier de la recherche sur le VIH.
Pendant plus de 40 ans, Simon Litvak a été un acteur majeur de la recherche fondamentale sur le VIH française. Né au Chili en 1942, il est arrivé en France en 1968, pour réaliser un doctorat en biochimie et virologie, à l’université de Paris VII. « Comme il l’a expliqué lui-même dans une newsletters interne à notre unité de recherche, il a toujours été attiré par l’Europe et en particulier par notre pays. Notamment pour des raison culturelles, car féru de littérature, de cinéma, et de musique classique – qu’il écoutait de temps en temps dans son bureau. Mais son envie de faire de la recherche en France est devenue plus prégnante en 1965 quand François Jacob, André Lwoff et Jacques Monod, chercheurs à l’Institut Pasteur de Paris, ont été récompensés par le Prix Nobel de physiologie et médecine, pour leurs travaux sur la régulation génétique de la synthèse des enzymes et des virus », raconte son ex-collègue Marie-Line Andreola, directrice adjointe du laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP) de Bordeaux.
C’est dans cette ville reconnue mondialement pour ses vignobles, que s’installe dès 1974 celui qui « appréciait le bon vin » et qui deviendra plus tard « un fervent supporter des Girondins » (club de foot de Bordeaux). Très rapidement, il y dirige une équipe de recherche, au sein de l’Institut de Biochimie et Génétique Cellulaires (IBGC), un centre de recherche fondamentale de référence. Puis en 2000, son caractère de « meneur » et de « fédérateur » l’amène à créer son propre laboratoire : l’unité « REGER » (pour « réplication et expression des génomes eucaryotes et rétroviraux »), devenue en 2006 l’actuel laboratoire MFP, une structure dépendant du CNRS et de l’Université de Bordeaux, qui a pour but de mieux comprendre les « interactions hôtes-pathogènes » entre divers agents pathogènes (virus, bactéries, parasites, champignons) et les cellules qu’ils infectent. « Après celle qu’il a formée avec son épouse Laura Tarrago-Litvak, chercheuse également, et leurs 3 enfants et petits-enfants, son laboratoire était sa deuxième famille », sourit Marie-Line Andreola.
La recherche contre le sida ? Simon Litvak s’y engage dès l’identification du VIH en 1983. « Spécialistes de deux enzymes (des protéines, Ndlr) indispensables à la réplication (reproduction, Ndlr) de ce virus, la transcriptase inverse et l’intégrase, Simon et son équipe ont beaucoup contribué à mieux comprendre les mécanismes permettant au VIH de se multiplier dans les cellules. Sachant que la compréhension fine de ces mécanismes est indispensable pour développer de nouveaux traitement capables d’arrêter cette réplication », développe son ex-collègue. Au total, entre 1967 et 2004 – soit 3 ans avant son départ à la retraite – , le chercheur a publié plus de 150 articles scientifique sur ce sujet.
Mais Simon Litvak a contribué à l’essor de la recherche anti-VIH d’une autre façon : en aidant à la formation de plusieurs générations de chercheurs travaillant sur cette thématique, mais pas seulement. « Au premier abord imposant et peu démonstratif d’un point de vue affectif, il était paradoxalement très généreux et paternaliste – au bon sens du terme. Ces traits l’ont amené à conseiller et à aiguiller de nombreux jeunes en quête d’un stage post-doctoral ou d’un premier poste… dont moi-même ! », indique Marie-Line Andreola.
De fait, termine la virologue, « beaucoup de chercheurs et étudiants lui doivent énormément. En témoigne le nombre impressionnant de personnes passées par notre laboratoire, qui nous ont contactés à l’annonce de son décès et qui sont venues ensuite à ses obsèques ».