vih Tests rapides : le revers de la médaille

14.12.17
Kheira Bettayeb
6 min
Visuel Tests rapides : le revers de la médaille

En France, près de 25 000 personnes ignorent leur séropositivité. Afin d’étendre le dépistage et ainsi améliorer le diagnostic du VIH, sont arrivés en 2010 les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), puis, en 2015, les autotests [1]. Simples à utiliser, ces outils permettent de connaître le statut sérologique d’une personne en moins de 30 minutes, contre plusieurs jours pour le test Elisa de 4e génération, utilisé en laboratoire. Revers de la médaille, ces tests rapides peuvent parfois afficher des « faux négatifs », c’est-à-dire indiquer que la personne n’est pas infectée alors qu’elle l’est. Dans tous les cas, le résultat d’un test rapide doit être confirmé par le test de laboratoire Elisa de 4e génération.

Comme le précise clairement la notice d’utilisation des Trod, ces outils peuvent donner des faux négatifs en cas d’« exposition supposée au VIH dans les trois mois qui précèdent la réalisation du test ». Autrement dit, s’ils sont utilisés dans les trois mois qui suivent la prise de risque. Et pour cause : les Trod autorisés à ce jour ne décèlent dans le sang du patient que les anticorps (protéines fabriquées en réponse à une infection) spécifiques des virus VIH-1 et du VIH-2 (Ac anti-VIH-1 et anti-VIH-2). En effet, contrairement au test Elisa de 4e génération, les tests rapides ne détectent pas l’antigène p24 (Ag p24), une protéine du VIH. Or les Ac anti-VIH apparaissent assez tard dans le sang, en moyenne trois à six semaines après la contamination ; alors que l’Ag p24 apparaît, lui, plus tôt, après quelques jours. Conséquence : la « fenêtre de séroconversion » des tests rapides, à savoir le délai entre l’infection et le moment où le test devient positif, peut aller jusqu’à trois mois après la prise de risque, contre seulement six semaines pour le test Elisa. « Les études ont montré que l’autotest est négatif chez près de 40 % des personnes en primo-infection, cette période correspondant justement aux trois mois après l’infection», précise la Pr Cécile Goujard, du CHU Le Kremlin-Bicêtre.

Un antigène non détecté

Un résultat altéré par les ARV

Toujours selon la notice, les tests rapides peuvent aussi être mis en défaut « chez les personnes séropositives sous traitement antirétroviral [ARV] » avec une charge virale indétectable. Dans ce cas, « les ARV stoppent la réplication du VIH. Du coup, l’immunité est moins stimulée. D’où une diminution de la production d’Ac anti-VIH. Lesquels deviennent alors difficilement, voire pas du tout, détectables par les Trod », explique Joseph Coulloc’h, président de la société AAZ, qui fabrique le seul autotest ayant obtenu le marquage CE.

Lors d’une étude en cours de publication, la Pr Constance Delaugerre, virologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris), et ses collègues ont évalué la sensibilité du test Elisa et des Trod chez 44 personnes infectées, traitées dès la primo-infection et testées sept ans après le contrôle de leur infection par les ARV. Il est apparu que le test Elisa restait positif chez 100 % des patients. En revanche, 30 % des autotests et plus de 7 % des Trod standards se sont révélés négatifs… Or ce type de faux négatifs liés au traitement risque de devenir plus courant à l’avenir, car les recommandations médicales sont en faveur d’un traitement précoce.

Enfin, les Trod peuvent également afficher des faux négatifs « dans les situations d’immunodépression profonde [NDLR : affaiblissement important du système immunitaire] ou d’infection par un variant rare », peut-on lire dans la notice des Trod. En effet, « dans le premier cas, la personne infectée ne produit pas suffisamment d’Ac anti-VIH à cause de son immunodépression. Et dans le second cas, les anticorps des sous-types rares sont plus difficilement détectés par les Trod », développe Joseph Coulloc’h.

Heureusement, une nouvelle génération de Trod, qui inclut la détection de l’Ag p24 et donc, qui est susceptible de ne plus donner de faux négatifs, devrait arriver prochainement. L’association Aides devrait commencer à utiliser ces outils dès juillet 2017.

Pourquoi des personnes qui connaissent déjà leur séroposivité peuvent-elles être retestées ou se retester avec un Trod ?
Il peut exister différentes situations de retest. Premièrement, cela peut être nécessaire après un changement de lieu de prise en charge, lié à un déménagement ou à une situation d’urgence, comme après un accident de la route nécessitant une chirurgie en urgence. Deuxièmement, des personnes vivant avec le VIH peuvent souhaiter avoir un diagnostic via une association communautaire, et non par le système médical, en pensant que le résultat d’un test pratiqué par ses pairs pourrait être différent. Selon une étude de l’association Aides, 30 % des dépistages réalisés par ses soins correspondent à du retest. Enfin, une personne peut aussi se retester afin de vérifier qu’elle n’est pas redevenue séronégative, voire guérie, alors que cela n’est pas possible avec les traitements actuels.

Quels sont les risques à se fier à un faux résultat négatif découlant d’un Trod ?
Si le test est réalisé chez une personne qui ne connaît pas encore sa séroposivité, cette dernière peut se croire non infectée ; cela retardera sa mise sous traitement et augmentera le risque de contamination de ses partenaires sexuels. Si le test concerne une personne vivant avec le VIH qui se reteste, celle-ci peut se croire « guérie » alors qu’en réalité elle est encore infectée. Or dans ce contexte, le grand risque est que la personne arrête son traitement ; ce qui peut favoriser une reprise de la réplication du virus.

Que conseillez-vous aux personnes séropositives qui se découvrent – faussement – non infectées ?
De ne surtout pas rester isolées avec leur test négatif et de se croire réellement négatives. Dans ce cas, il faut absolument voir son médecin ou se rendre dans un centre de dépistage gratuit afin de pouvoir bénéficier d’un test de laboratoire Elisa, qui est le seul fiable. Quoi qu’il en soit, se retester n’est pas recommandé. D’ailleurs, les Trod ne sont pas destinés aux personnes se sachant déjà infectées et qui sont de surcroît traitées.

3 questions à Constance Delaugerre, virologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris) et présidente du comité scientifique de Sidaction.

[1] Contrairement au Trod qui doit être réalisé par une personne du milieu médical ou associatif et formée à cet effet, l’autotest est pratiqué par le sujet lui-même.

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