vih Thérapie génique et VIH : où en est-on ?

21.07.21
Nora Yahia
6 min

Modifier les cellules pour traiter les maladies est une des thérapies employées pour lutter contre certaines pathologies. Concernant le VIH, la thérapie génique n’est toujours pas disponible. Plusieurs pistes de recherche sont à l’étude, mais déjà des questions concernant sa disponibilité à l’échelle mondiale se posent. En cette seconde journée de conférence, plusieurs présentations ont fait le point en la matière.

La thérapie génique consiste à transférer un gène produisant un composé thérapeutique dans des cellules cibles afin qu’elles produisent elles-mêmes le « médicament » de façon stable et prolongée. Pour cela, les chercheurs utilisent des vecteurs viraux pour délivrer le gène en question dans la cellule, via deux techniques. Les vecteurs viraux contenant les gènes d’intérêt peuvent directement être injectés dans l’organisme, et dans ce cas-là les cellules sont modifiées in vivo. La seconde méthode consiste à prélever les cellules chez la personne, pour les modifier en laboratoire avant de les réinjecter ; on parle ici de modification des cellules ex vivo.

Reprogrammer les cellules pour plus d’efficacité

Parmi les pistes à l’étude, on trouve la thérapie basée sur les « CAR-T cells » [i]. Cette stratégie consiste à reprogrammer les lymphocytes T d’un patient pour qu’ils reconnaissent et détruisent les cellules infectées. Cette thérapie génique est déjà utilisée pour soigner certains cancers. Dans le cadre du VIH, il s’agit de développer des CAR-T cells résistantes au virus, capable de cibler et d’éliminer rapidement les cellules infectées. Les premiers résultats obtenus dans des modèles précliniques sont prometteurs [ii].

Les chercheurs travaillent maintenant sur la possibilité d’appliquer cette technique à plusieurs types cellulaires. Les lymphocytes B, par exemple, pourraient être modifiés pour produire des anticorps neutralisant à large spectre. Une autre piste consisterait à modifier directement les cellules souches hématopoïétiques (à l’origine des cellules immunitaires). Les premiers essais menés dans des modèles précliniques sont plutôt concluants [iii], puisque la construction a été retrouvée dans plusieurs lignées cellulaires (lymphocytes T et B, cellules myéloïdes). Ces cellules modifiées sont présentes dans différents tissus où siègent les réservoirs viraux (ganglions lymphoïdes, intestins, cerveau) ; où elles persistent pendant plus de deux ans. L’utilisation de cellules souches CAR-T semble donc apporter plusieurs avantages par rapport aux lymphocytes CAR-T.

D’autres équipes travaillent déjà sur de nouvelles générations de « CAR-T cells » hybrides, comme les travaux menés par l’équipe du Pr Linos Vandekerckhove (HIV Cure Research Center, Université Ghent, Belgique). Les chercheurs ont modifié des lymphocytes T CD8 pour qu’ils expriment le récepteur chimérique CAR et produisent des anticorps neutralisants à large spectre. Cette double approche permet de s’attaquer aux cellules infectées (via l’activité cytotoxique des lymphocytes CD8) et au virus libre (via les anticorps). 

Les premiers résultats in vitro sont assez encourageants, puisque les lymphocytes T modifiés sont capables de produire et excréter les anticorps neutralisants à large spectre. Du côté de la fonctionnalité, les anticorps produits sont capables de neutraliser le virus VIH et les lymphocytes présentent bien une activité cytotoxique leur permettant d’éliminer les cellules infectées. L’équipe travaille maintenant à optimiser leur technologie et commenceront prochainement des études in vivo dans des modèles murins.

Un accès équitable ?

La thérapie génique semble offrir des avantages certains dans la lutte contre le VIH. Mais une question importante se pose. Cette thérapie innovante sera-t-elle accessible à tous et en même temps ? L’exemple de l’accès aux traitements antirétroviraux dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires n’est pas très encourageant. Il aura fallu environ 17 ans pour que ces pays aient accès aux ARV. D’autres obstacles viennent entraver l’accessibilité de cette thérapie à tous. La technologie utilisée nécessite des infrastructures spécialisées et du personnel qualifié. Tout cela à un prix, qui est très élevé, ce qui rend son accès dans les pays à revenus faibles ou modérés très difficile.

Les Drs Jennifer Adair (Fred Hutch, USA) et Cissy Kityo (Joint Clinical Research Centre Kampala, Ouganda) ont présenté un aperçu des stratégies pour amener les thérapies cellulaires et géniques dans les pays aux ressources limitées. Une des premières constatations est que les pays à revenus faibles ou modérés sont exclus des essais menés en thérapie génique, quelle que soit la maladie. Dans le cadre du VIH, alors que les populations les plus touchées se trouvent dans ces pays, les essais cliniques sont réalisés dans les pays à revenus élevés. 

Les médecins africains se heurtent à de nombreux refus, lorsqu’ils demandent à avoir accès à ces technologies innovantes pour leurs patients. La Dr Kityo a cité en exemple quelques réponses de fournisseurs plutôt déroutantes : « Vous n’avez pas les infrastructures adéquates pour avoir accès à la thérapie génique », « Nous devons être sûre que ces thérapies géniques fonctionnent bien en Europe et aux Etats-Unis avant de les lancer en Afrique », ou bien « Continuez à utiliser les traitements déjà disponibles ».

Pour surmonter ces obstacles et développer des thérapies géniques accessibles à tous, les Drs Adair et Kityo ont créé le groupe de travail international Global Gene Therapy Initiative (GGTI). Le travail collaboratif étant essentiel pour arriver au but, le GGTI regroupe chaque acteur expert : patients, cliniciens, chercheurs, défenseurs des droits, industriels, affaires réglementaires, communautaires.

Le consortium a défini quatre piliers permettant une implémentation réussie de la thérapie génique : 1/ préparer l’aspect clinique, avec la formation des collaborateurs aux techniques de thérapie génique et le développement d’outils de diagnostic et de suivi simplifiés ; 2/ combler le manque de politique réglementaire sur ces nouvelles thérapies dans certains pays, en travaillant avec les différentes institutions (OMS, ministères de la Santé, agences de réglementation des médicaments) ; 3/ affiner et simplifier les processus de fabrication de ces thérapies avancées, tout en réduisant les coûts ; 4/ mener des actions de plaidoyer pour sensibiliser les communautés atteintes par le VIH à ces thérapies.

Pour finir, dans le but de garantir un accès équitable à ces nouvelles thérapies, il faut s’inspirer de tout le travail qui a été mené dans le cadre de l’accès aux ARV. Résoudre le problème d’accessibilité de ces thérapies géniques dans les pays à revenus faibles et intermédiaires, par l’optimisation des procédés et la réduction des coûts, sera profitable à tous, même dans les pays à revenus élevés.

Notes

[i] Cellules T à récepteur antigénique chimérique (chimeric antigen receptor ou CAR).

[ii] https://www.nature.com/articles/s41591-020-1039-5 ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32614969/

[iii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33427210/

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