vih Timothy Brown, la résilience portée en combat

30.09.20
Cécile Josselin
7 min
Visuel Timothy Brown, la résilience portée en combat

Timothy Brown est décédé hier, à l’âge de 54 ans, à son domicile de Palm Springs, en Californie. Bien plus que le premier homme a être présenté comme « guéri » du VIH, Timothy Brown était un ardent militant de la recherche contre le sida. 

En soins palliatifs depuis quelques semaines, Timothy Brown s’est éteint mardi dans l’après-midi. Sa mort n’a rien à voir avec le VIH, comme le précisait son compagnon Tim Hoeffgen dans un article publié sur le blog de l’écrivain et activiste Mark King [i] : « Le VIH n’a pas été détecté dans son sang depuis qu’il était en rémission durable. C’est parti. Là, c’est la leucémie. »

Originaire de Seattle où il a grandi avec sa mère et ouvertement gay depuis le lycée, Timothy Brown, que son compagnon décrit comme terriblement timide, chaleureux et humble, était un activiste de la première heure. Au lycée déjà il participait aux manifestations d’Act Up pour dénoncer la discrimination dont souffraient les personnes vivant avec le VIH.

Étudiant à Barcelone, puis à Berlin, il n’a que 29 ans quand il apprend sa séropositivité, en 1995. À cette époque, son ex-petit ami, qui lui avait conseillé de se faire dépister, l’avait averti qu’il ne leur restait que deux ans à vivre. C’est un choc, mais Timothy Brown est résilient et décide de poursuivre ses études universitaires sans rien changer à ses projets. Et bien lui en a pris, car son corps réagit très bien aux médicaments : d’abord l’AZT, à faibles doses, puis, l’année suivante, les inhibiteurs de protéase. Il a même la bonne surprise de constater très peu d’effets secondaires. Il continue donc sa vie normalement. Mais l’année de ses 40 ans, en 2006, il subit un deuxième coup du sort : on lui annonce qu’il est atteint d’une leucémie myéloïde aiguë, le cancer du sang le plus fréquent chez l’adulte.

La renaissance

À la suite d’une troisième série de séances de chimiothérapie, il contracte une infection dangereuse et est plongé dans un coma artificiel. Tandis qu’il tente de reprendre des forces en Italie, Gero Hütter, son hématologue à l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin, demande une recherche de donneurs pour une greffe de moelle osseuse. Par chance, 267 donateurs se révèlent compatibles, ce qui donne l’idée au jeune médecin, même si ce n’est pas alors la priorité, de chercher un donneur doté d’une mutation génétique rare, appelée « CCR5 delta 32 ». Celle-ci empêche le VIH de pénétrer à l’intérieur des cellules lymphocytes CD4, immunisant ses porteurs contre le VIH. Comme 0,3 % de la population mondiale en est porteuse [ii], la chance de tomber sur un tel donneur est infime, mais contre toute attente l’équipe allemande en trouve un à la 61e tentative. Tim reçoit donc sa greffe le 6 février 2007, sa « nouvelle date de naissance » comme il aimait à le dire. Victime d’une rechute quelques mois plus tard, il reçoit une deuxième greffe du même donneur en février 2008.

Très risquée, cette deuxième opération se passe mal. « Je suis devenu délirant, j’ai failli devenir aveugle et j’étais presque paralysé. J’ai finalement appris à marcher à nouveau dans un centre pour patients souffrant de lésions cérébrales extrêmes », confiait-il en 2015 dans une revue médicale [iii].

Un messager de l’espoir

Après de longues semaines de souffrance, son état s’améliore. Les cellules souches issues de sa greffe de moelle osseuse ayant progressivement remplacé tout son système immunitaire, on ne retrouve plus de trace du VIH dans son corps bien qu’il ait cessé de prendre des antirétroviraux. Emblématique et porteur d’espoir, son cas est alors médiatisé.

D’abord appelé « le patient de Berlin », Timothy Brown accepte de révéler son identité fin 2010 pour pouvoir relayer son message : « Mon cas, mon histoire sont la preuve vivante que le sida peut être vaincu », déclarait-il en 2012 lors de la 19e Conférence mondiale sur le sida, à Washington. Et d’ajouter dans une interview sur France 3 : « Même si mon cas demeure exceptionnel [iv], cela donne de l’espoir à tous les malades atteints du sida et cela laisse supposer qu’il peut y avoir de nouveaux traitements contre cette maladie. »

Devenu au fil des ans une sorte de mascotte du traitement contre le VIH, comme Timothy Brown aimait à le dire, il n’a depuis lors cessé d’enchaîner interviews, plateaux de télévision et congrès scientifiques à travers le monde. En juillet 2012, il crée même sa propre fondation (la Timothy Ray Brown Foundation), sous l’égide du World AIDS Institute, dans le but d’aider la recherche contre le sida. Et rien ne lui a fait plus plaisir que d’apprendre qu’en 2019 une autre personne était, en suivant la même procédure, en rémission durable [v].

Il avait alors la sensation que quelqu’un s’ajoutait à sa famille. « Cela fait longtemps maintenant que j’attendais d’avoir de la compagnie », confiait-il malicieusement au New York Times, ajoutant : « La science vient de prouver qu’une chose qui est arrivée une fois peut se répéter. »

Malheureusement, suite à une récidive de son cancer, sa santé s’est rapidement dégradée ces deniers mois et ses médecins se sont aperçus en début d’année que sa tumeur avait envahi sa colonne vertébrale et son cerveau. Il a subi une chimiothérapie et une radiothérapie, mais les effets secondaires se révélant insupportables il est entré en soins palliatifs à son domicile de Palm Springs cet été, confiait Tim Hoeffgen au Bay Area Reporter en août dernier. Après sept semaines d’isolement dans un hôpital à cause de la Covid-19, il a enfin pu recevoir la visite d’êtres chers et de défenseurs de la lutte contre le sida.

Épuisé, mais résolu à se battre aussi longtemps que ses forces le lui permettraient, son dernier message, rapporte son compagnon, était : « Dites aux gens de continuer à se battre. Luttez pour un remède contre le VIH qui fonctionne pour tout le monde. Je n’ai jamais voulu être le seul. »

Notes

[i] My Fabulous Disease

[ii] Absente chez les populations asiatiques et africaines, elle est présente à hauteur de 1 % parmi la population blanche et elle est plus particulièrement concentrée autour de la mer Baltique et en Europe du Nord. Elle est ainsi présente à hauteur de 17% en Finlande.

[iii] Timothy Ray Brown, “I am the Berlin patient: a personal reflection”, AIDS research and human retroviruses, janvier 2015.

[iv] Faute de donneurs en nombre suffisant et étant donné la complexité, les risques (cette opération étant souvent mortelle) et le coût des greffes de moelle osseuse, son exemple n’est pas reproductible à grande échelle.

[v] D’abord appelé « le patient de Londres », Adam Castillejo est également en rémission durable après avoir reçu une greffe de moelle osseuse d’un donneur porteur de la même mutation génétique pour traiter un cancer du système lymphatique (le lymphome de Hodgkin). 

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