Vivre avec le VIH aujourd’hui, c’est devoir prendre un traitement à vie. Une condition qui pourrait être allégée par des stratégies thérapeutiques visant à réduire la contrainte et le poids des médicaments au long cours sur l’organisme.
Depuis les premières trithérapies, en 1996, l’arsenal thérapeutique contre le VIH n’a cessé de s’enrichir : il existe une trentaine de médicaments appartenant à six classes thérapeutiques, chacune agissant sur une étape de la multiplication du virus. Les antirétroviraux (ARV) sont devenus plus efficaces, mieux tolérés et plus faciles à prendre avec l’avènement des combinaisons de trois médicaments en un.
Les indications quant à l’initiation du traitement ont également évolué : l’essai Start a révélé qu’il existait un bénéfice clinique à traiter tous les patients, quel que soit leur stade clinique et biologique. Dans ce sens, l’Organisation mondiale de la santé recommande que le traitement soit initié au plus tôt, après la découverte de la séropositivité. De plus, le contrôle de la charge virale par le traitement est le garant de la non-transmissibilité. Mais aujourd’hui dans le monde, seulement 53% des personnes séropositives accèdent aux traitements.
Cependant, pour celles qui en bénéficient, le traitement reste une contrainte. Elles sont obligées de prendre des ARV tous les jours, toute leur vie, sans quoi elles s’exposent au rebond virologique et au risque de transmission sexuelle. Dans ce contexte, la perspective d’un allégement thérapeutique apparaît séduisante. À condition que la stratégie maintienne la charge virale à un niveau indétectable, preuve que l’infection reste sous contrôle. « Alors que l’éradication du virus est un objectif encore lointain, il s’agit d’un critère fondamental à respecter. En gardant une charge virale indétectable, on empêche la maladie de progresser et on réduit les risques de transmission aux partenaires», rappelle la Pr Christine Katlama, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière (Paris).
Vers un traitement allégé…
En juillet 2016, lors de 21ème Conférence internationale sur le sida, des résultats très encourageants ont été présentés pour une prise d’ARV pendant quatre jours sur sept chez des patients en succès thérapeutique, c’est-à dire avec un virus contrôlé après traitement conventionnel par trithérapie. Dans cet essai clinique mené par l’ANRS, 96 % des patients ont pu garder une charge virale indétectable en adoptant ce schéma thérapeutique pendant 48 semaines. Un autre essai randomisé, ANRS Quatuor, incluant 600 patients, devrait confirmer ces résultats d’ici deux ans.
Par ailleurs, plusieurs études sont menées afin de vérifier s’il est possible de maintenir un contrôle de l’infection en diminuant les doses de médicament. La stratégie s’inscrit dans une perspective plus internationale, qui vise à faciliter l’accès au traitement en réduisant leur coût. Lancé en 2015, l’essai ANRS 165 Darulight a montré qu’une diminution de moitié du darunavir, un inhibiteur de protéase de référence, permet encore un succès thérapeutique pour 92 % des patients, après 48 semaines de traitement.
Le passage d’une trithérapie à une bithérapie serait également une piste sérieuse. Présentés début 2017 lors de la CROI, les résultats de la large étude Sword montrent une efficacité similaire entre le maintien d’une trithérapie et le passage à une bithérapie associant le dolutégravir, un inhibiteur d’intégrase, et la rilpivirine, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse.
Une option qui pourrait minimiser les effets secondaires à long terme. « On devrait également avoir des résultats positifs pour une bithérapie initiée en première intention dans le cas de patients séropositifs présentant une légère charge virale», indique Christine Katlama.
••• et à la carte
Ces nouvelles stratégies d’allégement thérapeutique sont d’autant plus séduisantes qu’elles s’inscrivent dans une prise en charge qui se veut davantage personnalisée. « Dans le cas de l’infection par le VIH, la même approche est recommandée pour tous, qu’importe l’état du système immunitaire ou la charge virale. Il convient désormais d’adapter la stratégie thérapeutique à la sévérité de la maladie, comme pour toute autre maladie chronique», estime l’infectiologue. Pour cela, les caractéristiques de l’infection, tout comme l’historique thérapeutique du patient sont à prendre en compte afin de déterminer s’il est justifié d’abaisser la pression thérapeutique.
Il convient désormais d’adapter la stratégie thérapeutique à la sévérité de la maladie.
D’autres modes d’administration des ARV sont à l’étude, avec notamment la mise au point de traitements à action prolongée, nécessitant une injection intramusculaire espacée de plusieurs mois. Latte-2, l’essai le plus avancé, concerne l’injection toutes les quatre ou huit semaines de deux molécules à longue durée d’action (cabotégravir et rilpivirine). « Le traitement est d’abord administré par voie orale pendant 20 semaines afin d’évaluer la tolérance aux médicaments et la sensibilité du virus. Une fois la charge virale indétectable, on passe au traitement par injection», explique le pr Yazdan Yazdanpanah, de l’hôpital Bichat
Claude-Bernard (Paris), coïnvestigateur de l’essai, qui a évalué cette stratégie auprès de 300 patients. D’après les résultats révélés lors de la 9ème IAS, à Paris l’été dernier, après 96 semaines, aucun échec virologique n’a été constaté avec une injection par mois et seuls deux patients recevant une injection tous les deux mois ont perdu le contrôle de l’infection.
« Ce sont des résultats très prometteurs, l’efficacité de ce traitement à action prolongée étant comparable à celle des traitements oraux», souligne le chercheur. D’autres thérapies à longue durée d’action, sous forme de patch ou d’implant, sont à l’étude pour diffuser en continu les ARV. « À terme, le choix des traitements pourrait aussi dépendre des préférences du patient. » Si la recherche des stratégies d’allègement thérapeutique est en bonne voie, le développement de nouveaux ARV n’est pas pour autant en perte de vitesse. Plusieurs médicaments sont à l’essai afin d’améliorer des molécules existantes. Certains ARV de nouvelle génération se sont montrés plus efficaces en cas de résistances et mieux tolérés. Enfin, les recherches devraient aboutir à la mise au point de nouvelles classes thérapeutiques, comme les inhibiteurs de capside, empêchant le matériel génétique du virus d’atteindre le noyau des lymphocytes, les inhibiteurs d’attachement, qui ciblent le mécanisme de fixation du VIH aux lymphocytes ou de maturation du VIH. Autre molécule prometteuse à l’essai : l’ABX464 du laboratoire Abivax, première représentante d’une nouvelle classe thérapeutique agissant sur les mécanismes de réplication de l’ARN viral. Selon les résultats récents des essais cliniques de phase 2, la molécule au rait la capacité de réduire les réservoirs du VIH. L’élargissement des options thérapeutiques laisse espérer un peu de répit pour les patients.