vih Trod VHB : enfin disponibles pour les associations ?

06.02.21
Kheira Bettayeb
8 min

En 2016, la HAS préconisait l’utilisation du Trod VHB par les associations dans le but d’atteindre les personnes éloignées du soin. En ce début 2021, l’autorisation se fait toujours attendre.

En France, l’hépatite B reste un problème de santé publique majeur. Selon l’agence Santé publique France, plus de 280 000 personnes en seraient atteintes. En métropole, sont notamment concernés les usagers de drogues injectables, les personnes nées en Afrique subsaharienne, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les détenus et l’entourage des personnes infectées. Le virus de l’hépatite B (VHB) se transmet par voies sexuelles, le sang et de la mère à l’enfant.

Selon une enquête de Santé publique France publiée en fin 2019 [i], près de 6 % des personnes nées en Afrique subsaharienne et près de 4 % des HSH vivent avec le VHB, contre, respectivement, seulement 0,14 % des personnes nées en France métropolitaine et 0,16 % des hommes hétérosexuels. Or non diagnostiquée – et donc non traitée –, l’hépatite B peut mener, au fil des années, à une cirrhose, une maladie grave et irréversible du foie, voire à un cancer du foie. Au total, l’infection et ses complications tardives sont responsables de plus de 1 000 décès chaque année en France.

Du dépistage classique…

Actuellement, le dépistage classique du VHB consiste en un test sanguin basé sur la technique de dosage immunologique Elisa. Il permet de rechercher les trois marqueurs de l’infection : les antigènes HBs, les anticorps anti-HBc et les anticorps anti-HBs. Ces marqueurs indiquent si la personne a déjà été en contact avec le virus, si l’infection est ancienne ou en cours et s’il y a eu immunisation par vaccination. L’objectif est tripe : repérer les porteurs du VHB afin de les prendre en charge rapidement, éviter d’autres contaminations et identifier les personnes qui n’ont jamais été infectées, mais qui présentent un risque d’infection afin de leur proposer une vaccination.

Le problème de ce dispositif est qu’il peine à atteindre les personnes particulièrement exposées au VHB, insuffisamment dépistées ou éloignées du système de soin, telles que les personnes précaires, migrantes, les usagers de drogues injectables ou les travailleurs du sexe. Et pour cause, il requiert une prise de sang effectuée dans un laboratoire d’analyse biomédicale et sur prescription médicale. De plus, il n’est obligatoireque pour les donneurs de sang et les femmes enceintes. Et il est seulement recommandéchez les adultes, en population générale, à raison d’au moins une fois dans sa vie – comme pour le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC). Résultat : plus de la moitié (55 %) des personnes vivant avec le VHB en France ignorent leur statut sérologique.

… au dépistage rapide

En juillet 2016, dans l’espoir de davantage atteindre les populations les plus exposées, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé derenforcer le dépistage classique du VHB par l’utilisation de Tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) [ii]. Outil simple d’utilisation, ce test est réalisable à partir d’une goutte de sang prélevée au bout d’un doigt et donne un résultat en moins de 30 minutes.

Dès 2008, la HAS a reconnu l’importance des Trod dans la stratégie de dépistage du VIH. Et six ans plus tard, en 2014, elle donnait également son feu vert pour les Trod du VHC. En recommandant les Trod du VHB, la HAS a indiqué sa volonté d’aller vers « un dépistage combiné du VIH et des hépatites B et C en s’appuyant sur les Trod existants pour ces trois virus », leurs modes de contaminations étant similaires.

Côté performance, comparés au dépistage classique, les Trod VHB présentent une limite : la majorité d’entre eux détecte uniquement l’antigène HBs. Ils ne répondent donc qu’à un seul des objectifs de la stratégie de dépistage : l’identification des individus porteurs chroniques (mais pas, par exemple, de ceux qui nécessitent une vaccination). Raison pour laquelle la HAS les considère comme « un outil de dépistage complémentaire au dépistage biologique classique », tout résultat positif obtenu par les premiers devant être confirmé par le second.

Cependant, l’avantage notable des Trod est qu’ils ne nécessitent pas d’analyse en laboratoire biomédical et qu’ils peuvent être pratiqués dans des structures associatives. Or dans ses préconisations de 2016, la HAS reconnaissait que ces structures agissent « au plus près des personnes à risque d’infection » et qu’elles sont donc « les plus à même de proposer un dépistage à celles qui ne fréquentent pas les structures habituelles de soins ». D’où sa recommandation «qu’un plus grand nombre d’associations volontaires puissent participer au dépistage et disposer de formations élargies aux infections sexuellement transmissibles (IST) et à la vaccination ».

Un dépistage en attente d’autorisation

Plus de quatre ans après les préconisations de la HAS, les associations ne peuvent toujours pas réaliser de Trod VHB… faute d’arrêté les autorisant à cette activité. Les raisons de ce blocage ? « Cela est difficile à déterminer, explique une porte-parole du collectif TRT-5 CHV [iii]. Il est possible que l’accent ait été mis sur la vaccination, inscrite au calendrier vaccinal depuis 1994 et obligatoire depuis 2018 pour tous les nourrissons, avec un rattrapage vaccinal pour tous les moins de 15 ans. » Cependant, insiste notre contact, « dans une stratégie d’éradication de l’hépatite B, le dépistage intervient en complément de la vaccination. D’où l’importance d’ouvrir le dépistage aux associations pour toucher les populations clés ».

Dans un communiqué publié en juillet 2020 à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les hépatites 2020 [iv], le TRT-5 CHV a officiellement réclamé le fameux décret attendu depuis 2016. Avec un argument fort : « Via leurs actions de dépistage [les associations] ont démontré leur savoir-faire et leur efficacité pour lutter contre le VIH et le VHC, et rapprocher du système de santé les populations les plus touchées qui se trouvent être dépourvues de moyens pour lutter contre l’hépatite B. »

« Le blocage qui persiste depuis plus de quatre ans est une énorme perte de chance pour beaucoup de personnes à risque, insiste le collectif. Autoriser les associations à enfin pratiquer des Trod VHB permettrait non seulement d’atteindre plus de populations exposées, mais aussi de transmettre, à l’occasion de la réalisation de ces tests, des messages de prévention et de réduction des risques concernant l’hépatite B, et d’amener ces publics plus largement vers le soin. »

Dans un rapport traitant du dépistage du VHC, du VHB et du VIH en prison, rendu public en juillet 2020, le Conseil national du sida et des hépatites virales [v] soulignait également les « avantages manifestes que pourraient apporter les Trod » dans les prisons et constatait que « les partenariats avec d’autres acteurs, susceptibles de concourir à l’activité de dépistage, notamment associatifs, sont insuffisamment développés ».

Toutefois, la situation pourrait se débloquer prochainement. « En décembre 2020, la Direction générale de la santé nous a contactés au sujet d’un projet de modification de l’arrêté autorisant les Trod VIH et VHC pour y introduire le Trod VHB », révèle le TRT-5 CHV. À quand la publication de ce texte ? Le TRT-5 CHV avoue ne pas avoir obtenu de date précise : « La crise sanitaire liée à la Covid-19 monopolise les législateurs. À notre connaissance, aucune date de publication n’a été fixée à ce jour… » À suivre, donc. Encore.

Notes

[i] « Prévalence des hépatites chroniques C et B, et antécédents de dépistage en population générale en 2016 : contribution à une nouvelle stratégie de dépistage, Baromètre de Santé publique France-BaroTest », sept. 2019.

[ii] https://www.has-sante.fr/jcms/c_2657573/fr/depistage-de-l-hepatite-b-des-tests-rapides-trod-pour-toucher-les-populations-eloignees-du-systeme-de-soins

[iii] Collectif interassociatif qui réunit des associations de lutte contre le VIH, les hépatites virales et les IST : Acceptess-T, Actif Santé, Act Up-Paris, Act Up-Sud-Ouest, Actions Traitements, Aides, Arcat, Asud, Comité des familles, Dessine-moi un mouton, Hépatites/Sida Info Service, Nova Dona, Sol En Si.

[iv] https://www.trt-5.org/journee-mondiale-de-lutte-contre-les-hepatites-2020/

[v] https://cns.sante.fr/wp-content/uploads/2020/07/2020-06-26_rapport_fr_prise-en-charge-globale.pdf

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