vih U = U débarque enfin !

22.03.19
Vincent Michelon
6 min
Visuel U = U débarque enfin !

Deux lettres pour faire de la preuve scientifique la meilleure arme contre la stigmatisation : U = U (Undetectable = Untransmittable, pour « indétectable = intransmissible » en français). Près de 800 organisations, dont Sidaction, ont approuvé à ce jour, à travers une centaine de pays, cette déclaration de consensus (1) cosignée en juillet 2016 par une dizaine de chercheurs américains, danois, suisses et australiens. De quoi parle-t-on ? Du principe selon lequel les personnes séropositives sous traitement, présentant une excellente adhésion à ce traitement et ayant une charge indétectable depuis au moins six mois, ont un risque « négligeable » de transmission sexuelle du VIH.

« Négligeable » étant entendu comme « insignifiant », explicite le texte – une précision qui compte beaucoup. Loin d’une incantation, la formule synthétise « vingt années de preuves », selon les termes d’Onusida, qui a publié en juillet dernier un document reprenant à son compte U=U (2). Des preuves accumulées dans une série d’études, dont la plus connue est probablement Partner, en 2015. Des preuves validées dès 2008 par « l’avis suisse » (3), le « consensus canadien » en 2014, puis l’European Aids Treatment Group Statement en 2015, sans pour autant trouver l’écho suffisant.

Plaidoyer tous azimuts

Cette formulation « révolutionnaire », selon ses concepteurs, est née aux États-Unis dans le milieu associatif. À l’origine du concept, il y a Bruce Richman, directeur de l’organisation Prevention Access. Un militant new-yorkais, diplômé de Harvard, engagé durant deux décennies dans de nombreuses ONG liées à la santé et à l’environnement. Ayant découvert sa séropositivité en 2003, il a raconté comment sa vie a changé lors d’une consultation, en 2012, quand il a appris qu’ayant une charge virale indétectable, il ne pouvait pas transmettre le virus (4). Il a pris conscience, du même coup, que « des millions de personnes vivant avec le VIH » avaient toujours la certitude de représenter « un risque ». « Personne n’avait jusqu’alors travaillé à l’élaboration d’un concept aussi radical à accepter que U=U », raconte Bruce Richman. Nous avons donc construit une coalition large et puissante pour remplir ce rôle, pour contraindre les institutions à dire la vérité. »

Une équipe internationale d’acteurs de la lutte contre le sida, à mi-chemin entre militantisme associatif et monde médical (la gouvernance compte des chercheurs, dont l’infectiologue Pietro Vernazza, qui avait contribué à « l’avis suisse » en 2008). L’organisation déploie, depuis lors, une communication tous azimuts, de conférences en publications, répertoriant inlassablement l’ensemble des ressources et des prises de position confirmant l’équivalence « indétectable = intransmissible ».

Dès le départ, avec notamment le soutien du Department of Health de New York (5), l’objectif était d’atteindre les pouvoirs publics. En septembre 2017, le Center for Disease Control and Prevention (CDC) intègre le message dans ses outils de prévention (6), suivi du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), de la Direction générale de la santé publique au Québec, en octobre 2018 et du ministère canadien de la Santé, en décembre 2018. « Chaque pays a sa propre organisation institutionnelle et son environnement politique, observe Bruce Richman. La communauté et les chercheurs ont poussé les agences de santé, par une pression constante, à aligner leurs discours sur la science, à faire céder les barrières institutionnelles. L’idée que U=U permet non seulement de sauver des vies, mais que c’est aussi l’une des conditions pour en finir avec l’épidémie est un argument de santé publique auquel les pouvoirs publics semblent sensibles. »

Où en est la France ?

En France, la campagne U=U reste une formule d’initiés. Les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et leurs partenaires connaissent-ils le sujet ? Pas vraiment, à en croire un retour de témoignages récent de l’observatoire de Sida Info Service (7). Sur l’ensemble des appels passés au numéro vert de l’association au cours des onze premiers mois de 2018, 5 % sont relatifs au TasP [traitement comme prévention] et à la question de la charge virale indétectable. Nombre d’entre eux témoignent de l’incertitude profonde quant aux principes du TasP, avec l’angoisse constante de transmettre le virus à un partenaire. Quant à la campagne « Indétectable = intransmissible, précise-t-on à Sida Info Service, elle n’apparaît… dans aucune des questions relatives au TasP. » « Ce n’est pas entré dans le langage, confirme le psychanalyste et animateur en éducation thérapeutique David Friboulet, qui souhaite que la France s’engage à son tour. Je passe mon temps à informer des couples sérodifférents. » Le VIH reste associé, y compris pour des PVVIH ou leurs médecins, à un virus hautement contaminant. Ce n’est pas une spécificité française. « Des centaines de milliers de PVVIH aux États-Unis n’ont jamais entendu parler de U=U », note ainsi Bruce Richman.

Les autorités sanitaires françaises, quant à elles, évoluent lentement. « Le préalable, ce serait des recommandations très claires du Conseil national du sida et du groupe d’experts pour la prise en charge du VIH », estime David Friboulet. La dernière actualisation de ces recommandations (8) affirme que lorsqu’un partenaire séropositif est « sous traitement antirétroviral depuis plus de six mois, a une charge virale indétectable et bénéficie d’un suivi clinique régulier et global, le risque de transmission du VIH est négligeable pour les couples hétérosexuels comme pour les couples d’hommes ». Invitant à une « large diffusion » de ce message, il ajoute cependant que « comme pour tout autre risque en santé, il n’est pas possible de conclure que ce risque est nul ». Un décalage sémantique avec le CDC américain, qui a, lui, tranché pour cette formulation moins ambiguë : « effectively no risk », à savoir « effectivement sans risque ».

La France va-t-elle rester à la traîne ? Santé publique France a donné les premiers signaux d’une implantation de la campagne U=U en France, avec le lancement en novembre 2018 d’une campagne Web sous la forme d’une vidéo à destination des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). « Vous pouvez tirer sans risque avec le TasP », peut-on y lire. « Les séropositifs sous traitement ne transmettent pas le VIH. » Suivi de la mention : « Indétectable = Intransmissible ». La version française reste assortie de précautions. « La prévention s’articule autour de plusieurs modes de protection et de dépistage : le préservatif, la PrEP, le TasP, le TPE, le dépistage des autres IST », juge utile de nous rappeler Santé publique France. Tout doit « converger vers une approche globale », ajoute-t-on. C’est un début.

Notes

[1] preventionaccess.org/consensus

[2] unaids.org/fr/resources/presscentre/featurestories/2018/july/undetectable-untransmittable

[3] unige.ch/sciences-societe/socio/files/4814/0533/6055/Vernazza_2008.pdf

[4] hivplusmag.com/undetectable/2018/1/17/bruce-richman-1-our-most-amazing-hiv-people-2018

[5] www1.nyc.gov/site/doh/providers/health-topics/hiv-u-u.page

[6] cdc.gov/hiv/library/dcl/dcl/092717.html

[7] actions-traitements.org/tasp-traitement-prevention-couples-serodifferents/

[8] cns.sante.fr/wp-content/uploads/2018/04/experts-vih_prevention-depistage.pdf

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