Le processus de fabrication naturel des bNAbs semble complexe, et à ce jour il n’est toujours pas possible de les induire à l’aide d’un vaccin. Pour atteindre cet objectif, il faut d’abord comprendre quels sont les mécanismes moléculaires et immunologiques impliqués dans leur production. C’est ce qu’ont fait les équipes du Duke Human Vaccine Institute : à partir de cellules sanguines, ils ont comparé le profil transcriptomique de personnes infectées par le VIH produisant des bNAbs avec celui de personnes infectées ne produisant pas ces anticorps.
Leurs résultats, publiés dans la prestigieuse revue Cell, montrent une surexpression du gène RAB11FIP15 codant pour une protéine impliquée dans le transport de protéines dans la cellule, chez les personnes produisant des bNAbs. De plus, une grande proportion de cellules NK retrouvées chez ces personnes présente un dysfonctionnement (fonctions de dégranulation et de production de cytokines altérées), qui est associé à la surexpression du gène RAB11FIP15 dans les cellules sanguines.
Mais alors comment l’état des cellules NK peut-il influencer la production des bNabs ? Pour répondre à cette question, il faut prendre certains points en considération. Des analyses immunologiques menées chez les personnes produisant des bNAbs indiquent que ces personnes présentent un phénotype similaire à celui observé dans les maladies auto-immunes, suggérant un contrôle moins efficace de la production d’anticorps.
Ensuite, des études menées récemment dans des modèles murins ont montré que les cellules NK jouaient un rôle dans le contrôle de la réponse anticorps en éliminant les lymphocytes T CD4 auxiliaires impliqués dans la mise en place de cette réponse. Ce rôle des cellules NK n’ayant pas été étudié chez l’homme, les chercheurs du Duke Human Vaccine Institute ont cherché à répondre à cette question. Leurs analyses menées in vitro montrent bien que les cellules NK humaines ont la capacité de réduire le nombre de lymphocytes T auxiliaires ainsi que la réponse anticorps.
Il semblerait donc que l’altération des fonctions des cellules NK, chez les personnes infectées produisant des bNAbs, permettrait une meilleure expansion des lymphocytes T CD4 auxiliaires, facilitant ainsi la production des anticorps (cf schéma ci-contre).
D’autres analyses doivent être entreprises pour identifier les interactions et signaux moléculaires requis permettant aux cellules NK d’inhiber la réponse anticorps. Avec ces résultats, la recherche des mécanismes à l’origine de la production d’anticorps neutralisants à large spectre avance d’un pas. Identifier ces mécanismes permettrait par la suite d’adapter les stratégies vaccinales pour qu’elles agissent dessus et ainsi permettre la production de bNAbs.