vih Un vaccin contre le VIH/sida pour demain?

20.03.17
Angeline Rouers
7 min
Visuel Un vaccin contre le VIH/sida pour demain?

L’essai clinique HVTN702 a débuté en novembre dernier en Afrique du Sud. Fruit de la recherche vaccinale contre le VIH, il représente un nouvel espoir après les résultats encourageants de l’essai Thaï en 2009. La recherche s’active et les années à venir devraient être marquées par de nouveaux essais vaccinaux anti-VIH.

Au XVIIIsiècle, la variolisation laisse place à la vaccination, invention d’Edward Jenner consistant à inoculer la vaccine (variole de la vache) afin d’immuniser l’être humain contre ce virus. Mais c’est incontestablement à la fin du XIXe siècle que l’histoire vaccinale connaît un tournant majeur. À cette époque, de nombreux vaccins sont mis au point par atténuation du microbe, une technique établie par Louis Pasteur. Ainsi, bien que le virus de la rage ait été observé au microscope seulement un siècle plus tard, ce processus d’atténuation a permis à Louis Pasteur d’effectuer la première vaccination antirabique avec un retentissement mondial. Le mécanisme de fonctionnement des vaccins était également méconnu. Aujourd’hui, nous savons qu’il repose principalement sur l’initiation de la production d’anticorps aux multiples fonctions effectrices.

À lasuite de la découverte du VIH en 1983, les chercheur·e·s ont été confronté·e·s à une difficulté de taille : les capacités de mutation exceptionnelles de ce virus (1 à 10 mutations par cycle viral) et donc son infinie diversité. Résultat : les anticorps induits par la vaccination deviennent rapidement inefficaces, car incapables de reconnaître le virus. Cette difficulté peut cependant être surmontée. L’un des espoirs des chercheur·e·s est de réussir à induire la production de « super » anticorps.

Ces anticorps sont capables de se fixer sur des domaines particulièrement conservés (et donc vulnérables) du virus. Associés à une activité hautement neutralisante, ils représentent l’un des meilleurs espoirs pour lutter contre le VIH. En effet, les chercheur·e·s savent déjà que la perfusion de ces anticorps aux patient·e·s diminue considérablement la charge virale, d’où l’idée d’induire leur production en amont de l’infection. Pour élaborer ce vaccin, il est indispensable de comprendre le mécanisme de production de ces anticorps par notre système immunitaire. « La recherche fondamentale est une étape majeure dans le développement d’un vaccin, cela fait dix ans que nous décryptons les mécanismes de production des anticorps neutralisants à large spectre. Aujourd’hui, nous essayons de mimer ce processus complexe », explique Hugo Mouquet, chercheur au département d’immunologie de l’Institut Pasteur (Paris). Pour mimer ce mécanisme, une des stratégies consiste à immuniser en prime-boost avec des antigènes de l’enveloppe du VIH progressivement diversifiés, de façon à éduquer notre système immunitaire contre le virus et à l’inciter à produire des anticorps capables de reconnaître un large spectre de virus.

Les anticorps neutralisants à large spectre, le Graal des chercheur·e·s

La fonction de neutralisation, qui empêche l’entrée du virus dans sa cellule cible, est cruciale pour éliminer le virus. Cependant « les anticorps anti-VIH peuvent avoir d’autres fonctions, comme celle d’ADCC [cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps] qui permet la prise en charge du virus par d’autres cellules du système immunitaire », souligne Christiane Moog, chercheuse à l’Institut de virologie de Strasbourg. Enfin, d’autres équipes, comme celle dirigée par Louis Picker, aux États-Unis, misent plutôt sur la réponse immunitaire cellulaire. Notamment le rôle des lymphocytes T cytotoxiques capables de détruire les cellules infectées.

La protection au niveau des muqueuses est particulièrement importante dans le cas du VIH, un autre défi pour les chercheur·e·s. Pour y parvenir, la voie d’administration du vaccin doit faire partie de l’équation. L’administration par voie intramusculaire est probablement la plus connue, mais d’autres méthodes existent, telles que la vaccination par voie orale ou par la peau.

Neutralisants, mais pas seulement

À ce jour, seul l’essai RV144, dit Thaï, a permis de protéger 31,2 % de la population vaccinée. Ces résultats ont donné un nouveau souffle à la communauté scientifique et l’élan nécessaire aux essais à venir. Depuis, l’essai VRI01, mené par l’Institut de recherche vaccinale (VRI) de 2014 à 2016 a permis d’obtenir de précieuses informations sur l’efficacité d’un candidat vaccin MVA HIV-B, constitué d’un virus recombinant dérivé de la souche Ankara modifiée (MVA) qui exprime des protéines (ou au moins une partie) du VIH (gag, pol et nef). Cette stratégie vaccinale prime-boost a été testée sur un petit nombre de volontaires et pose les bases pour un futur essai à plus grande échelle qui combinera le vaccin MVA HIV-B à une stratégie de ciblage de protéines de l’enveloppe du VIH vers les cellules dendritiques. Ce protocole pourrait aussi être testé prochainement en Afrique.

Les essais cliniques ne testent pas uniquement des vaccins préventifs, mais également des candidats vaccins thérapeutiques. « Nous devrions bientôt démarrer un essai de vaccin thérapeutique du même type que l’essai DALIA que nous avons mené avec le Baylor Institute [États-Unis]. Il s’agit d’une stratégie de ciblage des cellules dendritiques avec des protéines de l’enveloppe du VIH », annonce le Pr Jean-Daniel Lelièvre, responsable du département de recherche clinique du VRI. Enfin, l’année 2016 a été marquée en novembre par le lancement de l’essai HVTN702 en Afrique du Sud : 5 400 hommes et femmes séronégatifs vont recevoir un vaccin composé d’ADN codant pour les protéines gag, pol et env du VIH (ALVAC-VIH ou vCP2438), puis une seconde injection avec la protéine gp120 de l’enveloppe du VIH. La sécurité et la tolérance de ce vaccin ont déjà été testées sur un petit nombre de volontaires lors de l’essai HVTN100. C’est maintenant l’efficacité du vaccin qui sera évaluée. Résultats finaux prévus pour 2021 !

Les suites de l’essai Thaï

La fonction de neutralisation, qui empêche l’entrée du virus dans sa cellule cible, est cruciale pour éliminer le virus

La fonction de neutralisation, qui empêche l’entrée du virus dans sa cellule cible, est cruciale pour éliminer le virus

En 2014, une trentaine de villes, dont Paris, se sont engagées dans une démarche « sans sida » pour 2030. Le développement d’un vaccin est, bien sûr, une façon d’atteindre l’objectif, mais l’amélioration des traitements afin d’éradiquer le virus est également un axe majeur. Rappelons qu’actuellement les traitements donnent une meilleure qualité de vie aux personnes vivant avec le VIH, mais ne permettent pas de supprimer totalement le virus de leur organisme. Or, « pour le moment, nous ne savons pas vacciner contre une maladie que l’on ne sait pas guérir », souligne Brigitte Autran, chercheuse au Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (Cimi-Paris). Pour des villes « sans sida » en 2030, il faut donc combiner tous les efforts en termes de développement de stratégies thérapeutiques et préventives contre le VIH.

Comprendre les patient·e·s « contrôleur·euse·s du VIH », une ressource précieuse pour développer un vaccin

Certains patient·e·s vivant avec le VIH (moins de 1 %) sont capables de contrôler le virus et de le maintenir indétectable dans le sang sans aucun traitement. « Ce contrôle fin du virus suggère une certaine résistance à l’infection et donc une activité complexe du système immunitaire. La compréhension des mécanismes qui permettent le contrôle du VIH est un enjeu majeur en termes de développement vaccinal », explique Olivier Lambotte, médecin spécialiste en médecine interne à l’hôpital Bicêtre (Kremlin-Bicêtre). Certaines pistes sont déjà envisagées : une meilleure activité des lymphocytes T cytotoxiques et/ou une meilleure réponse humorale (liée aux anticorps). Ces événements pourraient être liés à l’expression préférentielle de certains allèles des molécules HLA (B57 et B27 en particulier). Pourtant, tou·te·s les contrôleur·euse·s n’expriment pas forcément ces allèles. Le contrôle du VIH peut probablement être lié à d’autres mécanismes encore méconnus et qui représentent autant de pistes à explorer pour le développement d’un vaccin.

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