vih « Une stratégie qui repose sur quatre grands piliers »

20.09.19
Anne-Lucie Acar
10 min
Visuel « Une stratégie qui repose
sur quatre grands piliers »

Comment la stratégie opérationnelle du Fonds mondial est-elle définie ?

Le Fonds mondial est un bien commun qui appartient à tous, que l’on vive dans un pays qui donne ou dans un pays qui reçoit. Une fois les fonds collectés, la façon dont ils seront alloués aux programmes est évidemment structurée et transparente. Baptisée « Investir pour mettre fin aux épidémies », la stratégie du Fonds pour la période 2017-2022 a été élaborée sous la direction du conseil d’administration, avec la contribution de nombreux partenaires et intervenants qui partagent nos objectifs dans le domaine de la santé mondiale. Durant deux ans, en 2014 et 2015, une vaste consultation a été réalisée afin de recueillir les idées, les points de vue et les conseils les plus pertinents dans le but de formuler cette stratégie. Ce processus a pris différentes formes : trois forums de partenariat régionaux réunissant plus de 300 participants venus de 128 pays, la consultation sur 12 semaines de 1 200 intervenants venus de 143 pays et des dizaines de réunions axées sur des points spécifiques.

Quels sont les grands objectifs de la stratégie pour la période 2017-2022 ?

Cette stratégie repose sur quatre grands piliers : optimiser l’impact des actions menées contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ; mettre en place des systèmes résistants et pérennes pour la santé ; promouvoir et protéger les droits de l’homme et l’égalité de genre et, enfin, mobiliser des ressources accrues[1]. Chacun des objectifs comporte un certain nombre de sous-objectifs et il est également étayé par deux « catalyseurs stratégiques » : innover et différencier les approches dans le continuum de développement et soutenir des partenariats qui se rendent mutuellement des comptes. Par ailleurs, ces objectifs décrivent la manière dont le Fonds souhaite collaborer avec ses différents partenaires afin de faire en sorte que la riposte aux maladies à l’échelle mondiale et dans les pays soit inclusive, efficace et durable.

Comment cette stratégie se décline-t-elle sur le terrain ?

Par l’attribution de financements aux pays admissibles qui ont fait une demande via leur instance de coordination nationale, un comité dont le rôle est incontournable pour le fonctionnement du Fonds mondial. En effet, ce sont ces instances de coordination nationale qui présentent au Fonds mondial les demandes de financement au nom de tout le pays. Au niveau national, elles rassemblent des représentants des secteurs actifs dans la riposte au VIH (organismes multilatéraux ou bilatéraux, organisations non gouvernementales, institutions universitaires, organisations confessionnelles, secteur privé et personnes vivant avec la maladie) et elles sont les « interlocuteurs privilégiés » du Fonds. Elles ont ainsi pour mission de coordonner la mise au point des demandes de financement du pays, de désigner le récipiendaire principal, d’assurer le suivi stratégique de la mise en œuvre des subventions, d’approuver toute demande de reprogrammation et d’assurer les liens et la cohérence entre les subventions du Fonds mondial et les autres programmes nationaux de santé et de développement.

Pouvez-vous donner des précisions sur la politique d’admissibilité ?

Cette politique détermine si un pays ou une région peut prétendre au soutien du Fonds mondial en fonction de critères précis : l’admissibilité dépend ainsi du niveau de revenu du pays tel que mesuré par le revenu national brut (RNB) par habitant (méthode Atlas de la Banque mondiale), et de la charge de morbidité. Objectif : que les ressources disponibles soient allouées aux pays avec la charge de morbidité la plus élevée, la capacité économique la plus basse et là où les populations clés et vulnérables sont touchées de manière disproportionnée par le VIH.

Une fois que le pays est « admis », comment le choix des projets s’effectue-t-il ?

Une fois examinées puis approuvées par le panel de revue technique du Fonds mondial, les demandes de financements des pays admissibles entraînent l’attribution d’un budget et la signature des accords de subvention. Le choix des projets vient seulement ensuite. Il est du ressort des instances de coordination nationale, puisque la responsabilité incombe aux pays concernés et qu’ils doivent inscrire ces investissements dans leur plan national stratégique, quitte à augmenter les sommes qu’ils allouent à la lutte contre le VIH. En effet, alors que nous devons faire face à des défis de taille (accès aux traitements, financement de la prévention, mesures d’impact, etc.), nous encourageons vivement cette dynamique. À mesure que les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire se développent sur le plan économique, ils peuvent ainsi augmenter leurs propres dépenses de santé et s’affranchir progressivement du financement des donateurs.

Comment la stratégie est-elle évaluée ?

La réussite de notre stratégie est mesurée par des indicateurs clés de résultats, à tous les niveaux du partenariat. Nous travaillons en étroite relation avec l’OMS et l’Onusida, qui donnent les directives pour les soins à apporter aux patients, ou encore avec l’Unicef, pour les programmes visant à prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Chaque projet fait donc l’objet d’un suivi stratégique et d’une évaluation tout au long de sa mise en œuvre, et la totalité des financements ne lui est allouée que si son impact se confirme dans la durée. Quand le Fonds mondial a été créé, 3 % de la population vivant avec le VIH dans les pays en développement était sous traitement. Aujourd’hui, ce chiffre s’élève à 50 %. S’il s’agit d’un succès historique, les efforts ne doivent surtout pas faiblir. Il est indispensable d’accélérer la lutte.

Quelle est la mission du Centre SAS ?

Il a été créé en 1995 à partir d’une initiative française sur le devenir des orphelins du sida. Deux ans auparavant, des collègues et moi avions fondé une association pour répondre aux besoins de prévention et d’information sur le VIH, et, étant assistante sociale, j’avais mis sur pied une cellule pour la prise en charge psychosociale des patients. Issu de ces deux projets, le Centre SAS a aujourd’hui pour mission la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH et de leur famille, avec une attention particulière portée aux enfants.

Pourquoi avez-vous sollicité le soutien du Fonds mondial ?

Parce que nous souhaitions étendre nos actions afin d’atteindre le maximum de zones mal desservies en matière de lutte contre le VIH, renforcer notre professionnalisation, partager notre expérience avec d’autres ONG et les accompagner dans leur développement pour offrir des services de qualité aux patients. Concrètement, le Centre SAS a donc répondu à l’appel à projets lancé par Alliance Côte d’Ivoire, récipiendaire principal du Fonds mondial sur le territoire ivoirien, qui cherchait à recruter des partenaires locaux pour la mise en œuvre des activités du volet communautaire.

En quoi ce soutien est-il pertinent ?

La pertinence se trouve dans les moyens techniques, financiers et matériels que le Fonds mondial met à disposition pour l’atteinte des objectifs. En outre, les formations, le coaching et le suivi stratégique nous obligent à améliorer nos performances ; à nous professionnaliser. Forts de ce soutien, nous voulons intensifier un programme destiné aux adolescents et aux jeunes séropositifs ; accompagner les femmes vers davantage d’autonomie ; et, enfin, partager notre expérience en matière de prise en charge autour de notre stratégie phare, « l’approche famille ».

Propos recueillis par A.-L. A.

Pour en savoir plus : centresas-ci.org

Trois questions à Penda Touré, directrice du Centre Solidarité Action sociale (CSAS) à Bouaké (Côte d’Ivoire)

Créée en 1988, l’Association de lutte contre le sida (ALCS) est, au Maroc, la seule association impliquée à la fois dans la prévention de l’infection par le VIH, l’accès aux soins et la prise en charge médicale et psychosociale des personnes vivant avec la maladie.

Militante et communautaire, elle est notamment à l’origine de l’arrivée du Fonds mondial dans le pays, en 2003. « Nous avons été le premier pays de la région à être éligible », rappelle ainsi le Pr Mehdi Karkouri, président de l’ALCS, avant de souligner l’impact éminemment positif de ce soutien. Amélioration considérable de l’accès au traitement, mise en place de programmes de réduction des risques pour les populations clés, déploiement de structures de prévention… « À titre d’exemple, l’ALCS a mené récemment un programme spécifique dans le Rif (Nord marocain), auprès des usagers de drogues injectables : on peut donc être là où le besoin se fait sentir, complète-t-il. Actuellement, près de 40 % de nos activités sont financées par le Fonds mondial, dont quatre centres de santé sexuelle répartis dans le pays. En outre, quatre autres ouvriront leurs portes d’ici fin 2020, là aussi financés par le Fonds mondial. »

Les projets sont donc au rendez-vous et leur pertinence largement confirmée par les études d’impact réalisées. Cependant, alors que le Maroc a réussi à inverser la courbe des nouvelles contaminations, le président de l’ALCS s’inquiète de la diminution probable des financements. « Nous avons beaucoup avancé depuis 2003, mais le contexte social et culturel demeure très compliqué, ajoute Mehdi Karkouri. Il ne faut surtout pas cesser de mettre l’accent sur les populations-clés. »

A.-L. A.

Pour en savoir plus : alcs.ma

Financer des centres de santé sexuelle au Maroc

Ayant financé différents programmes en Russie de 2004 à 2016, le Fonds mondial est interpellé par les associations locales de lutte contre le sida, rassemblées au sein de l’instance de coordination nationale. En effet, alors que le nombre de cas dépistés ne cesse de croître dans le pays, elles ont écrit une lettre ouverte en juin dernier pour tirer la sonnette d’alarme. « La situation est catastrophique et la Russie a absolument besoin de financements », résume Alexandre Tsekhanovitch, fondateur et ancien directeur de l’ONG Action humanitaire, membre de l’actuel conseil d’administration.

Basée à Saint-Pétersbourg, Action humanitaire travaille depuis des années sur les questions de prévention et de réduction des risques. En sillonnant les rues à bord du bus de l’association, ses équipes vont à la rencontre des usagers de drogues, des travailleur·euse·s du sexe… Et tentent de contenir la progression de l’épidémie, malgré des conditions d’exercice particulièrement complexes. « Le contexte politique pèse énormément, témoigne Alexandre Tsekhanovitch. Si une ONG russe reçoit des fonds étrangers, elle risque à tout moment d’être inscrite sur la liste des agents de l’étranger, ce qui l’expose à des amendes et des sanctions administratives. » Des risques qui n’empêchent pas les associations de batailler pour mener à bien leurs activités, « mais cela rend notre quotidien très difficile », complète-t-il.

En attendant la réponse du Fonds mondial sur l’éventuel octroi de financements (printemps 2020), parallèlement à ses nombreuses activités de services, Action humanitaire effectue également un travail de plaidoyer auprès des structures de santé publique de cinq villes de Russie. Réalisé grâce à un financement indirect (l’ONG est « sous-récipiendaire » d’une subvention attribuée à une organisation voisine, l’Alliance de santé publique en Ukraine), ce projet vise à sensibiliser les acteurs sanitaires aux problématiques liées à l’usage de drogues et au VIH… Pour, dans les meilleurs délais, améliorer collectivement la prise en charge des patients.

En Russie, l’aide financière sanctionnée

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