vih Une nouvelle stratégie thérapeutique pour une rémission du VIH ?

09.07.20
Nora Yahia
5 min

Le cas d’un patient brésilien en rémission depuis plus d’un an vient d’être dévoilé à la conférence internationale AIDS2020. Cette rémission fait suite à la mise en place d’un nouveau protocole thérapeutique, intégrant des molécules agissant sur le virus et les cellules immunitaires.

Le cas de ce patient brésilien de 35 ans fait parler de lui depuis deux jours. Et pour cause, il serait, selon les dire de ses médecins, en rémission de son infection VIH depuis 15 mois et ce, sans subir de greffe de moelle osseuse. Il aurait suffi d’un protocole thérapeutique particulier combinant plusieurs molécules pour arriver à ce résultat. Peut-on parler de réelle avancée scientifique ?

Présentation du « patient de São Paulo»

Diagnostiqué en octobre 2012, cet homme de 35 ans originaire de São Paulo entame son traitement antirétroviral (ARV) deux mois plus tard. Après trois ans sous ARV, il intègre en 2015 un essai clinique testant une nouvelle stratégie thérapeutique combinant différentes molécules au traitement ARV habituel. Le schéma thérapeutique suivi par le patient était le suivant : une combinaison de son traitement ARV habituel avec du dolutegravir, du maraviroc et du nicotinamide pendant 48 semaines, puis un retour à la trithérapie habituelle. 

Mise à part deux légers rebonds viraux au cours du traitement combiné, la charge virale est demeurée indétectable pendant toute la période sous traitement. La mise en culture des lymphocytes T CD4 du patient avec des agents révertant de latence, afin d’induire la production de VIH par toutes les cellules infectées de manière latente, n’a pas conduit à la production de virus. Ces données semblent indiquer que le réservoir viral a été touché. 

De plus, sur la période de traitement le taux d’anticorps anti-VIH commençait à diminuer. Suite à ces résultats, les médecins ont donc décidé en mars 2019 de réaliser une interruption de traitement. Depuis lors, aucun rebond viral n’a été observé et les anticorps anti-VIH ont continué à diminuer. Selon ses médecins, cette absence de marqueurs virologiques, combinée au déclin de la réponse anticorps spécifique au VIH pointent vers une déclaration de rémission pour ce patient.

Dolutegravir, maraviroc et nicotinamide, combo gagnant ?

Comment ce protocole thérapeutique fonctionne-t-il ? Avec cette combinaison les médecins ont cherché à agir sur le virus réplicatif et les réservoirs viraux. Pour cibler le virus réplicatif et ainsi diminuer la charge virale, ils ont opté pour une intensification du régime antirétroviral, en ajoutant du dolutegravir et du maraviroc. Le dolutegravir est un inhibiteur d’intégrase ayant fait ses preuves dans le traitement du VIH. Le maraviroc, un antagoniste [i] du récepteur CCR5, prévient quant à lui l’entrée du virus dans les cellules. 

Pour cibler le réservoir, des agents révertant de latence, utilisés dans les approches « shock & kill », ont été choisis. En agissant sur des voies cellulaires, ces molécules vont conduire au réveil des cellules réservoirs et donc à la production de virus. Ces cellules infectées de manière productive [ii] seront alors de nouveaux visibles aux ARV et au système immunitaire. Le nicotinamide (ou vitamine B3), ainsi que le maraviroc utilisés dans le protocole thérapeutique agissent comme des agents révertant de latence.

De plus, des études ont montré que le nicotinamide opérait également au niveau du système immunitaire, ce qui peut avoir un bénéfice supplémentaire pour éliminer les réservoirs. Il protège les cellules en diminuant l’apoptose, comme cela a été montré dans une étude menée in vitro sur des lymphocytes de PvVIH [iii]. Il aurait également un effet « d’activateur immunitaire », notamment sur les lymphocytes T CD4 et CD8 [iv]. Or, les lymphocytes T CD8 cytotoxiques jouent un rôle important dans la lutte contre le virus VIH en éliminant les cellules infectées.

Des résultats à prendre avec des pincettes…

Les résultats présentés sont d’ordre de la preuve de concept d’un effet combiné des traitements. Ces résultats doivent être pris avec précaution. Tout d’abord, ce patient représente un cas à part au sein de la cohorte. En effet quatre autres personnes ont reçu le même traitement mais celui n’a pas fonctionné et ils ont vu leur charge virale rebondir. 

De plus, les analyses menées ne sont pas complètes. La présence du virus n’a été recherchée que dans le sang et les tissus rectaux, mais il faut également les chercher dans d’autres tissus comme les ganglions, les intestins. Ces analyses ont dû être reportées à plus tard à cause des mesures sanitaires mises en place au Brésil pour lutter contre le Covid-19. 

Enfin des cas de PvVIH sous ARV, ayant vu leur charge virale demeurer indétectable après arrêt de leur traitement ont déjà été rapportés. Malheureusement pour certains, le virus a fait son retour bien plus tard. En conclusion, dans le cadre de la rémission tout est question de temps. Du temps pour répondre aux interrogations de la communauté scientifique sur ce cas. Du temps pour vérifier que le virus a vraiment disparu de l’organisme. Donc patience.

Notes

[i] Le maraviroc se lie au récepteur CCR5 sur la cellule empêchant ainsi sa liaison à la protéine d’enveloppe du virus

[ii] Elles produisent du virus au contraire des cellules réservoirs qui n’en produisent pas

[iii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9377795/

[iv] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31942903/

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