vih Vaccins contre le VIH : quelles avancées ?

21.01.25
8 min
Visuel Vaccins contre le VIH : quelles avancées ?

En octobre 2024, des chercheurs de l’Institut de recherche vaccinale ont publié les résultats d’un premier essai clinique qui a permis de tester un candidat vaccin anti-VIH innovant. Quatre ans après la mise au point « éclair » de plusieurs vaccins anti-Covid, où en est le développement d’un vaccin pour prévenir l’infection par le VIH ?

« Encourageants » : c’est ainsi que l’agence ANRS-Maladie infectieuses émergentes (ANRS|MIE), en charge de la recherche sur le VIH/sida, a qualifié les résultats de l’essai ANRS VRI06, qui a évalué le candidat vaccin anti-VIH « CD40.HIVRI.Env ». Publiés en octobre 2024[i], « nos données montrent une excellente sécurité de notre produit et l’induction de réponses immunitaires robustes et mémoires [persistantes, NDLR]», se réjouit le Pr Yves Lévy, directeur de l’Institut de recherche vaccinale (VRI), qui pilote le développement de ce candidat vaccin.

Plus de 40 ans après la découverte du VIH, « la mise au point d’un vaccin reste un objectif clé pour contrôler l’épidémie de VIH », insiste le médecin immunologue. Et pour cause : malgré les grands progrès réalisés jusqu’ici par la lutte anti-VIH, plus d’un million de nouvelles infections continuent d’être encore enregistrées chaque année.

Certes, pour les personnes séronégatives à haut risque de contamination, il existe depuis 2016 un outil de prévention très performant : la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Consistant en la prise de comprimés de l’antirétroviral Truvada® ou de ses génériques avant l’exposition potentielle au VIH, la PrEP oral atteint un niveau d’efficacité supérieur à 90 % dans les essais cliniques randomisés[ii]. Mieux, depuis l’été 2024, un autre médicament antirétroviral promet une PrEP encore plus efficace : le lénacapavir, qui a permis zéro infection lors d’un essai clinique de phase 3 (la dernière étape de l’évaluation des médicaments), menée chez plus de 5 300 femmes et adolescentes d’Afrique-du-Sud et d’Ouganda. Problème : « environ 40 % des personnes qui s’infectent par le VIH ne s’identifient pas directement comme à risque et n’ont donc pas accès à la PrEP », relève le Pr Lévy. D’où la nécessité de développer un vaccin.

Pourquoi un tel produit n’existe toujours pas, alors qu’il a fallu moins d’un an pour mettre au point plusieurs vaccins anti-Covid-19 ? Parce que le VIH est un pathogène bien plus coriace : comparé à l’agent de la Covid-19 mais aussi à plusieurs autres virus pathogènes, « il a des capacités de mutation exceptionnelles. Donc les anticorps induits par la vaccination deviennent rapidement incapables de le reconnaître et par là, inefficaces », explique Roger Le Grand, directeur du département « Modèles de maladies infectieuses pour des thérapies innovantes » (Idmit), de l’Institut de biologie François Jacob, en région parisienne. Autre frein : « Contrairement aux autres virus, le VIH s’en prend directement à l’immunité, en contaminant les lymphocytes CD4, et l’empêche ainsi de riposter. Donc il faut trouver une parade pour faire en sorte que le système immunitaire arrive tout de même à le combattre efficacement… »

Pour tenter de dépasser ces obstacles, jusqu’ici les chercheurs ont tenté plusieurs approches. Par exemple, l’une consistait en l’injection de deux vaccins différents dans le but de présenter deux composés du virus (antigène) sous différentes formes (ADN et protéine d’enveloppe gp120). Dans quel but ? Pour induire une première réponse immunitaire par l’administration du premier antigène puis la « booster » via l’injection du second (stratégie dite du prime-boost). Une autre idée explorée consistait elle, en un « vaccin mosaïque » renfermant un assemblage de gènes issus de plusieurs souches de VIH.

L’efficacité vaccinale en question

Malheureusement, aucune des pistes parvenues à l’étape des essais cliniques de phase 3 n’a démontré une efficacité suffisante. « Enregistré lors de l’essai RV144, dit aussi ‘Essai Thaï’, qui a permis de tester une approche de type prime-boost chez 16 402 volontaires séronégatifs thaïlandais, le meilleur taux d’efficacité obtenu à ce jour est de 31 % seulement. Or pour avoir un véritable effet sur l’épidémie, il faut une efficacité vaccinale d’au moins 50 à 60 % », soupire Michaela Müller-Trutwin, chef de l’unité de recherche « VIH, inflammation et persistance » à l’Institut Pasteur.

Voilà pourquoi il faut continuer à mettre au point et à tester de nouvelles approches, comme celle évaluée par le Pr Lévy et ses collègues. « Notre stratégie vise à amener les immunogènes d’intérêt [molécules capables d’induire la production d’anticorps protecteurs, NDLR] directement à des cellules clés du système immunitaire, qui permettent l’induction de réponses protectrices efficaces et à long terme : les cellules dendritiques », explique l’immunologue.

Concrètement, le composé vaccinal utilisé ici consiste en un anticorps monoclonal[iii] couplé à des molécules de l’enveloppe du VIH. Or cet anticorps a le pouvoir de se fixer sur une protéine à la surface des cellules dendritiques : CD40. Et ce faisant, il peut amener les antigènes du VIH auquel il est fusionné, directement à ces fameuses cellules. Avec un espoir : accroître l’immunogénicité de ces antigènes, à savoir leur capacité à induire une réponse immunitaire protectrice.

Lors de l’essai clinique de phase 1 publié en octobre dernier, qui a porté sur 72 volontaires recrutés en France et en Suisse, les participants ont reçu différentes doses de ce composé vaccinal. Lequel a été administré à l’inclusion, puis à quatre et 24 semaines après. Les résultats indiquent que le candidat vaccin s’est avéré « globalement sûr et bien toléré », et qu’il a induit une production d’anticorps et de cellules immunitaires T CD4 qui ciblent les protéines d’enveloppe du virus. Cette réponse a même persisté pendant les 12 mois de suivi.

Prochaine étape pour les chercheurs du VRI : tenter de confirmer ces premiers résultats dans une autre population à risque. Cela, « lors d’un autre essai de phase I, prévu au Pérou en 2025 chez une quarantaine de participants », précise le Pr Lévy. L’essai devrait durer 18 mois.

« Le candidat vaccin du VRI est prometteur », commente Michaela Müller-Trutwin. Cependant, note-t-elle, « il n’en est qu’au début de son évaluation. Après les essais de phase 1, il faudra mener les essais de phase 2 et 3, indispensables pour se prononcer rigoureusement sur l’efficacité d’un candidat vaccin ».

D’autres pistes à l’étude

Outre les recherches menées par le VRI, d’autres équipes planchent en parallèle sur différentes stratégies innovantes. L’objectif ? Multiplier les chances de voir au moins une piste de recherche aboutir et mener enfin à un vaccin anti-VIH commercialisable.  

« À l’heure actuelle, la plus prometteuse et la plus avancée vise à induire des ‘anticorps neutralisants à large spectre’ ou bNAbs : produits naturellement par 1 % des personnes infectées par le VIH, ces anticorps sont capables de reconnaître et de bloquer plusieurs souches de VIH à la fois – et non pas une seule comme ceux des vaccins classiques – », explique Roger Le Grand.

Pour tenter de stimuler la fabrication de ces entités chez tous, « une stratégie à l’étude vise à faire plusieurs injections de protéines de l’enveloppe du VIH, lesquelles sont à chaque fois légèrement différentes. Cela, pour inciter le système immunitaire à produire des anticorps capables de reconnaître un large spectre de variants du virus », indique Michaela Müller-Trutwin.

Les chercheurs engagés dans cette voie ont déjà franchi une étape importante : obtenir des ébauches de candidats vaccins capables de stimuler la production d’anticorps par des cellules précurseurs de bNAbs. Par exemple, lors de la conférence HIV Research for Prevention qui s’est tenue en octobre 2024 au Pérou, des scientifiques américains ont annoncé avoir réussi à relever ce défi grâce à un composé vaccinal appelé 426.mod.core-C4b, testé dans une étude de phase 1 menée chez 53 participants[iv]. Reste maintenant à réussir à provoquer la production de bNAbs matures.

Autre piste intéressante : celle visant à induire non pas la production d’anticorps, comme toutes celles décrites plus haut, mais une immunité cellulaire, basées sur l’intervention de cellules T CD8+, dites aussi cellules « cytotoxiques » ou « tueuses », car capables de détruire les cellules infectées. Cette piste est notamment suivie par l’équipe de Louis Picker, aux États-Unis.

« À terme, cette stratégie et celle des anticorps neutralisants à large spectre pourraient être combinées dans un vaccin unique, pour conférer une protection la plus optimale possible », entrevoit Roger Le Grand. Ainsi, malgré les embûches qui ont parsemé son chemin jusqu’ici et – autre frein majeur – la diminution de ses financements depuis l’émergence du Covid, la recherche vaccinale anti-VIH maintient ses efforts.

Notes et références

[i] Y. Levy et al. EClinicalMedicine. 2 octobre 2024. doi: 10.1016/j.eclinm.2024.102845.

[ii] Outre la prise de Truvada® per os, une autre option de PrEP est également depuis disponible en seconde intention : une injection tous les deux mois de cabotégravir. « La PrEP par CAB-LP injectable peut être proposée en alternative en cas de contre-indication à la PrEP par TDF/FTC (notamment insuffisance rénale) ou quand la PrEP orale ne peut être utilisée dans de bonnes conditions » précisent ainsi les dernières recommandations du Rapport d’experts.

[iii]  Protéine fabriquée en laboratoire à partir d’un clone de cellule.

[iv] W. Hahn et al. Vaccination with a novel fractional escalating dose strategy improves early humoral responses with a novel germline targeting HIV vaccine (426.mod.core-C4b): preliminary results from HVTN 301. HIV Research for Prevention Conference. 9 Octobre 2024.

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