À l’occasion des troisièmes journées Bien vieillir avec le VIH, organisées les 19 et 20 septembre derniers, Sidaction avait réuni de nombreux professionnels accompagnant les personnes vivant et vieillissant avec le VIH, ainsi que des personnes concernées. Lors de quatre tables rondes, la coordination des soins, la prévention des comorbidités, le pouvoir d’agir des patients et l’habitat adapté ont été abordés, ainsi que les pistes à envisager pour améliorer la qualité de vie des personnes vieillissant avec le VIH.
Ces troisièmes journées Bien vieillir avec le VIH ont été ouvertes par Florence Thune, directrice générale de Sidaction, qui a rappelé l’existence du groupe de réflexion « Vieillir avec le VIH » depuis 2018, et l’importance de ces journées permettant d’échanger sur les expériences de terrain des acteurs du secteur.
Particulièrement concernée par le sujet puisqu’elle « vieillit avec le VIH depuis plus de deux décennies » la directrice du Sidaction a évoqué les résultats de l’étude Vieillir avec le VIH menée par la plateforme MoiPatient en coordination avec 14 associations. Les personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH interrogées ont fait remonter des difficultés d’accès aux soins, d’autonomie, des complexités au niveau de leur vie sociale, affective et sexuelle, des obstacles d’accès au logement et des problématiques touchant leurs conditions de vie de manière plus générale.
En 2020, près de la moitié des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) avaient plus de 50 ans et ils seront 70 % d’ici 2030. Il est donc primordial de s’attarder sur les besoins de ces derniers et des spécificités liées à leur âge. Si aujourd’hui l’espérance de vie des seniors vivant avec le VIH est équivalente au reste de la population, leur qualité de vie ne suit pas, en raison de comorbidités accentuées, de l’isolement, ou encore des discriminations.
Coordination du suivi médical des PVVIH de plus de 50 ans
La première table ronde, animée par Thibaut Vignes, directeur de l’association Les Petits Bonheurs, se concentrait sur la coordination du parcours de soin des patients, seniors ou non. Thibaut Vignes a d’emblée rappelé « l’importance d’une prise en charge à 360 degrés » avant de laisser les intervenantes échanger sur le sujet. Sylvie Lariven, médecin infectiologue à l’hôpital Bichat-Claude Bernard, est revenue sur son expérience de plus de 30 ans en hôpital de jour et sur la réalisation des bilans annuels pour les personnes infectées. Mais, petit à petit, la fréquence de ce bilan est passée à 2 ou 3 ans, alors qu’il permet de dépister les comorbidités, d’identifier les fragilités précocement et de faire un point global sur la santé des personnes concernées.
De son côté, Julie Langlois, pharmacienne au Centre hospitalier Sud Seine-et-Marne et membre de la Société Française de Lutte contre le SIDA (SFLS), a souligné que « le pharmacien est le professionnel de santé qu’on voit le plus régulièrement, puisqu’on y va tous les mois pour chercher ses traitements », mais il « n’a pas un rôle de coordination des soins car il arrive en bout de chaîne ».
Marie-Hélène Tokolo, présidente et co-fondatrice de l’association Marie-Madeleine, a évoqué le rôle de son association dans laquelle des médiateurs accompagnent et aident des patients qui deviennent petit à petit, à leur tour, leur propre médiateur.
Enfin, Sylvie Lainé, directrice de l’Association RT2S77, porteuse du Dispositif d’appui à la coordination (DAC) 77 Sud, a expliqué le soutien que le DAC [i] pouvait apporter aux professionnels qui rencontrent des difficultés avec les patients dont les situations sont complexes et a insisté sur le fait que l’objectif principal était de « toujours mieux orienter » le patient dans son parcours.
Pour conclure, Sylvie Lariven a affirmé que « le patient doit jouer le rôle principal dans la communication de sa situation », même si tous les participants se sont accordé sur le besoin d’améliorer encore la coordination du suivi du patient et le partage d’informations entre les professionnels impliqués.
Prévention des comorbidités
Sylvie Lariven est restée pour la deuxième table ronde conduite par Xtophe Mathias, trésorier de l’association Les ActupienNEs, autour de l’offre de prévention des fragilités et comorbidités des personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH. L’infectiologue de l’hôpital Bichat-Claude Bernard a expliqué que dans son établissement sont réalisées des évaluations systématiques des comorbidités, de l’autonomie à domicile, des troubles neurologiques, de la nutrition-diététique. Elle a rappelé que les troubles neurologiques peuvent arriver entre 50 et 65 ans et que les signes de dépression ou d’isolement sont surveillés. De son côté Xtophe Mathias a insisté sur le fait que « 70 % des plus de 50 ans ont une comorbidité en plus du VIH » selon l’étude coordonnée par la plateforme MoiPatient.
Le responsable des Régions Île-de-France et Hauts de France pour l’association Siel Bleu Yannick Vandewalle est revenu sur le rôle de son association qui consiste à inciter les seniors à pratiquer le sport grâce à des activités physiques adaptées. Un des objectifs, « lutter contre la perte de mobilité et l’ostéoporose ».
Hayette Dehimi, hypnothérapeute et membre de l’association Envie, a à son tour expliqué comment son association venait accompagner les patients de plus de 50 ans vivant avec le VIH en leur proposant des activités pour les soutenir, telle que l’hypnose, des repas à thème, des ateliers… Autant d’activités qui peuvent permettre de lutter contre les comorbidités et les fragilités des personnes infectées, car, comme l’a rappelé en conclusion Xtophe Mathias, « il faut prévenir et penser les pépins avant qu’ils arrivent, avant qu’on n’ait plus d’autonomie ».
Renforcement du pouvoir d’agir des patients
Florence Thune est revenue pour animer la troisième table ronde de cette journée consacrée au vieillissement des personnes vivant avec le VIH et à leur pouvoir d’agir. Le but : rendre le patient acteur de son parcours de soin. Julia Charbonnier, directrice d’Actions Traitements, a expliqué le fonctionnement de son association qui essaie au maximum de faire intervenir des duos de participants : un professionnel de santé et un patient intervenant.
Par ailleurs, elle a présenté la démarche du groupe d’auto-support d’Actions Traitements, animé par les personnes vieillissant avec le VIH pour échanger des astuces, des conseils, des expériences, lutter contre l’isolement, renforcer l’estime de soi, obtenir de nouvelles connaissances pour disposer de plus de pouvoir d’agir, de savoir-être et de savoir devenir.
La directrice du GAPS CPS Guylène Madeline et Charlee, une personne suivie par cette association, ont ensuite pris la parole pour évoquer l’accompagnement global proposé par le GAPS, au-delà du seul VIH. Parmi les patients accompagnés par cette association qui a pour but d’aider les personnes les plus vulnérables infectées au VIH, 33 % ont plus de 55 ans. Charlee a d’ailleurs fait part de son expérience : « Le GAPS est toujours auprès de moi, mais pas comme une béquille, comme une colonne vertébrale. Il m’a aidé à déchiffrer, à passer des coups de fil pour savoir… »
Daria Hillnhutter, assistante sociale à Basiliade Uraca, a quant à elle expliqué son rôle d’accompagnement des personnes nées à l’étranger vivant avec le VIH dans leurs démarches de carte de séjour temporaire pour raison médicale, de carte résident, de demande d’asile, de naturalisation, mais également pour leur accès aux droits sociaux. Elle insiste sur le manque de connaissance des structures à contacter par les bénéficiaires.
Choix d’un habitat dans lequel bien vieillir avec le VIH après 50 ans
Lors de cette dernière table ronde, Sandrine Fournier, directrice du pôle Financement des Associations à Sidaction, a invité Alain Bonnineau de l’association GreyPride et Frédérique Pernot, responsable projets et qualité à l’association Les Petits Bonheurs, à discuter autour de l’habitat des personnes de plus de 50 ans infectées au VIH.
L’étude Vieillir avec le VIH révèle que 85 % des personnes de plus de 50 ans concernées par le VIH interrogées n’aiment pas le mode de vie proposé en EHPAD. Leurs principales craintes sont la discrimination, le manque d’argent, le refus de les intégrer… Ce qu’elles souhaitent, c’est vieillir chez elles, ou en habitats partagés.
Alain Bonnineau, administrateur de l’association GreyPride, a indiqué que « la question de l’habitat reste majeure : c’est l’endroit où on peut se reposer, y vivre. Quand on s’est construit quelque part, on veut rester chez soi. Mais quand ce n’est plus possible, il faut penser aux lieux collectifs ». Cependant, il a expliqué que les enjeux de discriminations, stigmatisation, exclusion sociale vécus par les personnes vivant avec le VIH tout au long de leur vie, peuvent se reproduire également en EHPADs. Grâce à un gros travail des bénévoles, l’association fait avancer le projet d’un label « GreyPride Bienvenue » pour les EHPADs, indiquant que la structure d’accueil est formée pour prendre en compte la sexualité, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les personnes séropositives.
Frédérique Pernot est, elle, revenue sur le travail de l’association Les Petits Bonheurs auprès des personnes vulnérables dans l’isolement avec une démarche d’ « aller vers ». L’association cherche à accompagner les personnes vivant avec le VIH pour mettre en place de solutions de se maintien à domicile et, malgré la baisse d’autonomie, d’entretien du lien social.
[i] Les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) viennent en appui aux professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux faisant face à des personnes cumulant diverses difficultés et aux besoins de santé complexes. Au sein d’un même territoire, le DAC regroupe plusieurs dispositifs en un interlocuteur unique.