Une démarche a été initiée pour former des services d’aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile.
Le Corevih Arc Alpin observe la même évolution de la courbe d’âge des personnes vivant avec le VIH que les autres régions. En 2017, plus de la moitié de la file active des trois départements qu’il couvre (Isère, Savoie et Haute-Savoie) avait plus de 50 ans ; 35 % vivaient avec le VIH depuis plus de vingt ans.
« Comme ailleurs en France, nous réfléchissons à l’arrivée dans les Ehpad des personnes atteintes par le VIH, explique Anne Monnet Hoël, coordinatrice du Corevih Arc Alpin. Nous avons commencé en 2015, puis en 2017, à organiser des formations dans quelques établissements. En fait, il s’agissait plutôt de sensibilisation sur des notions de base : les modes de transmission, les accidents d’exposition au sang, l’indétectabilité chez les personnes traitées, etc. »
Le sujet a été relancé dans le cadre du programme Vers des Alpes sans sida en 2030. Avant d’envisager des formations dans tous les Ehpad du territoire, le Corevih a fait des projections. « En comptabilisant les personnes de plus de 70 ans qui seraient susceptibles, d’après leurs infectiologues, d’entrer en Ehpad dans les cinq ans à venir, on s’est rendu compte que 10 % seulement seraient concernées, soit un tout petit nombre de personnes, indique Anne Monnet Hoël. Former tous les Ehpad ne présente donc aucun intérêt, en tout cas pour l’instant. Sachant que le turnover est très important dans ce secteur, les employés formés seront sûrement déjà partis lorsqu’une personne vivant avec le VIH fera son entrée. »
Un accompagnement personnalisé
En revanche, un accompagnement au cas par cas a été mis en place. « En Savoie, une personne vivant avec le VIH est rentrée en Ehpad l’été dernier, rapporte la coordinatrice. L’équipe d’infectiologie a pris contact avec le service de gérontologie de l’hôpital et, ensemble, ils ont accompagné l’équipe de l’Ehpad pour que la personne soit accueillie au mieux. »
En parallèle, une démarche a été lancée pour former des services d’aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile. Un questionnaire a été envoyé à toutes les structures concernées ; les formations seront conçues en fonction des besoins exprimés. « Nous devrons aussi aborder la question de l’orientation sexuelle et de l’usage de produits, affirme Anne Monnet Hoël. Un infectiologue nous rappelait que parmi ses plus anciens patients VIH qui atteignent aujourd’hui les 60 ou 70 ans, certains sont encore sous méthadone. Il faut s’assurer que ces personnes soient respectées par les personnels qui s’occuperont d’elles à un âge plus avancé. »
Une préoccupation partagée par le Dr Jean-Philippe Lanoix, médecin infectiologue au CHU d’Amiens : « Notre grande crainte en tant qu’infectiologues est que nos patients soient refusés en Ehpad à cause du VIH. »
Favoriser les échanges entre infectiologues et gériatres
Avec le Pr Marc Paccalin, Jean-Philippe Lanoix est responsable de la section VIH du Groupe d’infectiologie et de gériatrie (GinGer). Cet intergroupe entre la Société de pathologie infectieuse de langue française et la Société française de gériatrie et gérontologie a pour mission de favoriser les échanges entre ces deux spécialités et de proposer des formations.
« Les infectiologues n’ont pas forcément la connaissance des spécificités du patient âgé. Donc, il faut les sensibiliser à ces problématiques, assure le Dr Lanoix. De l’autre côté, jusqu’à encore récemment les gériatres ne pensaient pas qu’ils pourraient être amenés à prendre en charge des patients atteints par le VIH. Ces derniers commencent à atteindre les 75, 80, voire 90, ans. Et il y a aussi des personnes âgées qui se contaminent. »
Selon le médecin, les équipes et les soignants en Ehpad sont demandeurs de formation. « Beaucoup d’idées reçues et de préjugés persistent, la discrimination est encore un vrai problème. Nos formations sont aussi faites pour rassurer et lever certaines craintes autour du VIH, des traitements, etc. Nous voulons préparer le terrain dans les Ehpad, car même si aujourd’hui les résidents vivant avec le VIH y sont très minoritaires, dans vingt ans la proportion aura fortement augmenté. »
Le Dr Jean-Philippe Lanoix veut également faire passer un message : « En 2030, 84 % des patients VIH auront plus d’une comorbidité liée à l’âge ; 28 % en auront plus de trois. C’est pour cela qu’il est important d’insister sur la notion de “bien vieillir”, qui n’est pas spécifique au VIH. Quand je parle d’hygiène de vie à mes patients – alimentation équilibrée, activité physique, réduire l’alcool, arrêter le tabac, bien dormir –, je leur dis qu’ils capitalisent pour leur vieillissement. »