Viespositives.org : « Mieux accompagner les PVVIH en mutualisant les expertises »

Transversal : il existe déjà beaucoup d’information à propos du VIH sur Internet, pourquoi avoir voulu créer ce portail ?

Roman Krakovsky : On trouve toutes sortes de choses concernant le VIH sur Internet. Cependant, pour une personne qui apprend sa séropositivité, il est essentiel de disposer d’une information pertinente, mise à jour et, surtout, d’éléments concrets d’orientation. Ce qui demande du temps et de la patience à trouver, l’information étant généralement morcelée et peu accessible aux personnes sans « culture » du VIH. L’objectif de ce portail est, en premier lieu, de faire entrer le lecteur dans un « écosystème », c’est-à-dire, outre de lui fournir les bonnes informations sur le VIH, de lui permettre de trouver les bons acteurs, les bonnes approches ou les associations qui l’aideront à avancer dans son parcours de vie. Ce qui vaut pour les personnes qui découvrent leur séropositivité vaut également pour les personnes qui vivent déjà avec le VIH. Aujourd’hui, on vit bien et longtemps avec le virus, et beaucoup de PVVIH ne sentent pas le besoin d’appartenir à un groupe de support ou une association. Le site souhaite également répondre à leurs besoins d’information et les accompagner dans leur vie quotidienne.

T. : Conformément à son nom, le portail adopte un ton plutôt « rassurant » sur le VIH. Quelle est la philosophie, l’angle éditorial de viespositives.org ?

R. K. : Sans vouloir minimiser toutes les difficultés que peut poser l’infection à VIH, force est de constater que la maladie s’est chronicisée et que on vit souvent très bien avec. La philosophie de viespositives.org repose sur ce constat : le site souhaite parler de la vie avec le VIH aujourd’hui, et pas celle d’hier, et répondre aux questions que se posent les PVVIH au quotidien. Etonnamment, on trouve peu de supports sur le net qui adressent ces questions, sinon de façon très médicale ou militante. Nous voulions être accessibles à tous, ce pourquoi le site adopte un ton bienveillant et dédramatisant sur la vie avec le VIH. En écho, l’univers graphique est volontairement neutre : pas de rouge, la couleur symboliquement associée à la lutte contre le VIH, ou de bleu, médicalement connoté.

T. : Le lancement de viespositives.org est issu du travail collectif de plusieurs associations. Ce type de collaboration reste rare dans la lutte contre le VIH…

R. K. : Le collectif créé, à l’initiative des Séropotes, pour le lancement du site à nécessité de contrer la logique de pré carré souvent à l’œuvre dans la lutte contre le VIH. En effet, il existe en France de nombreux acteurs qui œuvrent à l’accompagnement des PVVIH et/ou des personnes particulièrement exposées, chacun détenant des « morceaux » d’information plus ou moins spécialisés, des pistes d’orientation, chacun s’appuyant sur une expertise parcellaire liée aux différents publics qu’ils souhaitent cibler. L’idée derrière viespositives.org est justement de mutualiser ces expertises, chacune venant compléter l’autre et la mettre en valeur. Plutôt que de produire dans son coin une information pertinente mais finalement peu accessible parce que trop dispersée, il s’agissait de centraliser l’information et d’en faciliter l’accès aux PVVIH, notamment pour celles qui ne connaissent ni ne fréquentent les associations. En retour, c’est le moyen pour les associations de visibiliser leur expertise.

T. : Vous expliquez qu’il s’agit d’un outil « pour et par les personnes » vivant avec le VIH. Comment cela s’est concrétisé dans l’élaboration du site ?

R.K. : La fondation du collectif nous a été très utile dès le début du projet. La collaboration entre plusieurs associations nous a d’abord permis d’évaluer précisément les besoins des PVVIH et de mieux cerner leurs attentes en matière d’information. En s’appuyant sur les remontées du terrain et différents focus groupes, impliquant des PVVIH et les associations du collectif, nous avons pu mieux identifier, en s’appuyant les questions fréquemment posées ou les sujets fréquemment abordés sur la ligne d’écoute de Sida Info Service notamment, les problématiques récurrentes rencontrées par les personnes séropositives. Ce travail est à la base de la construction du site.

T. : A qui s’adresse ce portail ? 

R.K. : Aux personnes qui vivent avec le VIH, bien sûr, mais pas seulement. Viespositives.org s’adresse également aux personnes proches des PVVIH qui, elles aussi, peuvent avoir des questions concernant le virus. Ce qui implique d’être le plus abordable possible. Le site cible par ailleurs les professionnels du médico-social, les médecins de ville ou dans les hôpitaux : il ne s’agit pas tant de les informer sur le VIH que, grâce à l’annuaire du site par exemple, de leur offrir des ressources pour orienter les patients vers un confrère ou une association. A moyen terme, en menant une réflexion sur les supports proposés, l’ambition est d’aller à la rencontre des personnes séropositives qui ne sont pas totalement familières avec l’écrit : je pense à celles qui se trouvent en grande précarité qu’elle soit sociale, administrative ou de santé, les personnes migrantes notamment. Malheureusement, ce sont elles qui ont le plus besoin d‘accompagnement et qui peinent à identifier les bons outils et les structures de soutien, souvent pour des raisons linguistiques.

T. : Viespositives.org se positionne également comme un outil pour lutter contre la sérophobie ? Comment ?

R.K. : Le site dispose aujourd’hui d’une rubrique d’information consacrée aux différentes formes que prend la sérophobie, que ce soit au travail, en prison, dans la vie quotidienne, dans la relation avec les soignants… Cette section du site s’adresse plutôt aux personnes qui accompagnent les PVVIH et qui, souvent, ont des difficultés à trouver une information précise concernant le cadre légal des discriminations et sur les procédures à suivre. Le site propose également un outil qui permet aux victimes de sérophobie de signaler, via un formulaire, une discrimination depuis viespositives.org. Il s’agit d’inciter les gens à signaler les actes et les comportements sérophobes : l’outil les oriente vers les bons interlocuteurs et les instances, les associations membres du collectif les plus compétentes pour les accompagner dans leurs démarches ou pour déposer une saisine.