vih VIH en France : l’adolescence oubliée

27.09.19
Cécile Josselin
5 min
Visuel VIH en
France : l’adolescence oubliée

Ils ne sont qu’un millier en France et personne ne parle d’eux. Contaminés par le VIH par transmission materno-fœtale ou par relation sexuelle, ces adolescents épars sur tout le territoire, quoique majoritairement concentrés en Île-de-France, forment un groupe à part qui mérite d’être mieux connu. 

Avec un peu plus de 1 000 cas en France, « le VIH chez l’adolescent se rapproche un peu d’une maladie orpheline », estime le Dr Vincent Jeantils, président de l’association Adovih.

Si naître avec le virus est devenu exceptionnel sur notre sol (moins de 10 cas par an), la proportion d’enfants et d’adolescents nouvellement diagnostiqués séropositifs s’accroît chaque année de 100 nouveaux cas. C’est à la fois peu et naturellement trop. Pour moitié, il s’agit d’enfants de moins de 13 ans nés à l’étranger (souvent en Afrique subsaharienne) et pour moitié d’adolescents de moins de 18 ans contaminés par voie sexuelle.

Deux groupes d’adolescents très différents, comme l’explique le Dr Jeantils : « Dans le cas des transmissions materno-fœtales, nous parlons de “vieux malades”, car, arrivés à l’âge adulte, ils ont déjà 18 ans de traitement derrière eux. Ils ont expérimenté différentes molécules en pédiatrie avec le risque de multirésistances que cela implique, tandis que les autres commencent juste leur médication. »

Des parcours de vie différents

Ces deux populations n’ont pas non plus le même parcours de vie. Ils ne réagissent donc pas de la même manière à l’annonce de leur séropositivité et ils nécessitent une prise en charge différente.

« La plupart des adolescents nés avec le VIH ont perdu au moins un de leur parent, mort du sida », rappelle Sonia Ould Ami, psychologue auprès des adolescents et jeunes adultes à l’association Dessine-moi un mouton. Ils ont été élevés par une belle-mère ou une tante dont il découvre parfois le degré de parenté que très tardivement.

« Quand on leur apprend le nom de leur maladie, vers 12 ans, leur première réaction est souvent une indifférence de façade, note le Dr Jeantils. Globalement, les adolescents n’ont pas peur de la mort. Pour eux, c’est quelque chose d’irréel. Leur maladie ne se voit pas, donc, elle n’existe pas. Ils sont nombreux à passer par une phase plus ou moins longue durant laquelle ils refusent de se soigner au risque d’en mourir ou d’avoir de graves séquelles », ajoute Vincent Jeantils, qui a eu à déplorer quatre décès.

Apprivoiser les adolescents

Afin qu’ils reprennent le chemin de l’observance, il faut, comme le Renard le conseillait au Petit Prince, les apprivoiser et, à cette fin, susciter du lien. C’est ce qu’essaient de faire les associations Adovih et Dessine-moi un mouton, chacune à leur manière, mais avec deux constantes : les mettre en rapport les uns avec les autres pour créer un soutien entre pairs et les entourer par une équipe multidisciplinaire afin de passer le mieux possible la transition vers le service adulte. Ce qui ne se déroule pas sans heurt. « Beaucoup ne veulent pas en entendre parler, et il faut parfois attendre l’âge de 20-22 ans pour que le pédiatre puisse passer le relai en toute sécurité. Nous attendons que le jeune soit stabilisé et observant », rapporte Sonia Ould Ami.

Une observance plus forte

Pour les adolescents qui ont contracté le virus par voie sexuelle, le problème diffère avec, là aussi, plusieurs cas de figure. 

Une majorité des garçons sont contaminés suite à une relation homosexuelle, tandis que les filles (pour deux tiers originaires d’Afrique subsaharienne) sont souvent infectées suite à un viol dans le cadre d’un mariage forcé, d’un inceste ou durant leur parcours de migration… Elles apprennent généralement leur état à l’occasion d’une grossesse. On parle donc dans leurs cas de polytraumatismes.

Si, comme pour les adultes, le choc de l’annonce de la séropositivité est d’abord ressenti comme une sentence de mort, les paroles rassurantes concernant leur espérance de vie, le mécanisme du TasP (« treatment as prevention », soit une personne séropositive sous traitement efficace ne transmet pas le VIH) et leur capacité à donner la vie sans risquer de transmettre le VIH, les amènent à être plus observants dans leur traitement. Contrairement aux autres adolescents, ils savent ce qu’est la mort pour l’avoir frôlée.

Plus âgés aussi au moment de l’annonce, ces adolescent·e·s sont en général directement pris en charge dans un service adulte.

Une problématique ignorée

Restent les blessures propres à l’adolescence. « Les jeunes que nous suivons se construisent avec une image d’eux qui est très amoindrie. Je les entends régulièrement me dire : “Je suis nul·le. Je suis un·e raté·e. De toute façon, je suis maudit·e”, constate Sonia Ould Ami. Et si c’est un phénomène propre à nombre d’adolescents, dans leur cas, leur identité est tout entière recouverte par le virus. Il faut leur redonner espoir et confiance pour leur permettre de se (re)construire. » Le problème est que, comme nous l’indique Vincent Jeantils, « les soignants ne sont pas formés à la prise en charge des adolescents. Pas une seule heure de cours n’est consacrée à cette question en médecine. Même chose en école d’infirmière ». Pour combler cette lacune, Adovih a réalisé deux films – dont l’un est en cours de montage – qui donnent la parole aux adolescent·e·s et qui s’adressent aux soignants. Une initiative salutaire tant leurs difficultés sont méconnues.

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